Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 28 août 2013

Pénible, avez-vous dit ?

Et voici la grande trouvaille du gouvernement en matière de retraites : n'importe qui de sensé aurait pensé à un réajustement de l'âge légal du départ en retraite ou à celui de la durée de cotisations dans l'immédiat et non à l'horizon de 2030, époque à laquelle tout le monde ignorera sans doute que "Moi président" et ses acolytes avaient même existé. On aurait pu benoîtement imaginer un alignement, plus que légitime, entre les secteurs public et privé.

Que nenni ! Ce gouvernement nous a annoncé sa mesure-phare : la pénibilité. A en croire les calculs fabuleux de Marisol Touraine, un travailleur de cinq serait concerné. Un sur cinq ? Diantre. Une fois exclus les métiers indéniablement pénibles comme ceux relevant du BTP ou du secteur minier que reste-t-il d'incontestable ?

La question restera théorique jusqu'à ce que l'inspection du travail ne s'en empare. Là, avec l'aide des ayatollahs propres à cet organisme, on peut être sûr d'une classification sur mesure. Par "travailleur", selon la terminologie propre à la vulgate marxiste, on exclura ainsi bien évidemment tous les patrons d'entreprise qui ne sont traditionnellement que des exploiteurs. Et si vous n'êtes pas convaincus, relisez donc Zola et vous verrez. On écartera, cela va de soi, les professions libérales dont les membres se prélassent, par définition, au golf ou en vacances. Demandez aux avocats ou aux médecins oisifs, il doit bien s'en trouver en cherchant bien. Et s'ils travaillent jusqu'à pas d'heure c'est leur problème : la pénibilité n'a rien à voir dans tout ça.

En revanche, pénible est le labeur des fonctionnaires. Les pauvres ! Que de stress, que de surmenage à leur guichet ! Que de tension à leur bureau ! On comprend qu'ils craquent de plus en plus souvent, ici en congés maladies de moins en moins contrôlés, là en absence systématique passé 17 heures l'après-midi : n'essayez même pas de joindre un bureau administratif à partir de cette heure-là, vous tomberiez inévitablement sur un répondeur. Pénible est le travail des agents des télécom : on comprend qu'il y en ait qui soient acculés au suicide.

Pénible, on le comprend tout autant, est le travail des cheminots d'aujourd'hui, même s'ils n'enfournent plus le charbon dans les locomotives et que le confort dans leur travail n'a plus rien à voir avec celui de la "Bête humaine". Pénible est le travail des agents de l'EDF et ce ne sont pas les largesses distribuées par les comités d'entreprise ( gueuletons ou voyages d'agrément) abondées par l'argent des contribuables qui suffira à alléger leur peine. Pénible est le travail des hôtesses de l'air comme des agents au sol. Pénible aussi, on n'y pense jamais, est le travail des chauffeurs de bus : pas celui des chauffeurs de taxi car ceux-ci fonctionnent en indépendants. Et les syndicalistes ? Qu'il est pénible, en effet, de s'employer à défendre bec et ongles les fameux "droits acquis" insidieusement menacés par la réaction ...

Bon prince, le gouvernement ne songe pas (encore) à inscrire au titre de la pénibilité le métier de ministre. Les membres du gouvernement sont bien charitables de s'abstenir de se plaindre de la pénibilité de succéder à Sarkozy. Mais il y a des espiègles dans la bande à Ayrault. Gageons que certains d'entre eux ne devraient pas tarder à faire valoir leurs droits.

Pénibilité, pénibilité, plus c'est gros et plus ça marche. Les Français sont pris décidément pour des gens stupides et rien ne démontre, jusqu'à preuve du contraire, qu'ils n'ont pas l'air d'aimer ça. Dans ces conditions, autant en profiter au passage pour taxer encore davantage les entreprises. C'est ce que s'est dit le gouvernement. Ah oui, j'oubliais ce léger détail :  ce sont elles qui règleront la facture.

mardi 27 août 2013

Un été sans histoire


Cela peut arriver. Les gens ont beau s’étriper en Egypte ou s'apprêter à le faire en Syrie. Ils ont beau se crêper le chignon ici ou là, entre M. Valls et Mme Taubira par exemple, le monde ne s’arrêtera pas de tourner pour autant. Il est comme ça des étés sans ride ni aspérité. Le soleil continuera à briller de tous ses feux et même une température torride ne pourra le gâter. New York restera une ville unique et même sa visite effectuée dans la plus détestable des compagnies ne pourra vraiment laisser de mauvais souvenirs. Des étés banals, cela existe encore et l’on doit s’y résigner quitte à laisser son esprit battre quelque peu la campagne.

Il me revient ainsi à l'esprit la réflexion d’un académicien réputé qui fut autrefois, à Nice, mon professeur d’histoire. Une réflexion en forme de dédicace d’ouvrage : « D’un échec, il faut faire un livre ». Parole de romancier, certes, pour qui tout fait terreau pour nourrir une imagination toujours en embuscade. Pour être éloquente et toute révérence gardée à son auteur, cette façon de faire nécessité vertu n’en est pas moins commode.

Si l’échec est dans la nature, il offre des variétés infinies qui n’appellent pas forcément les mêmes correctifs. Il y a l’échec-erreur qui procède d’un jugement dépourvu de pertinence sur les choses ou sur les gens : stratégie inexacte, fausse appréciation d'une situation ou, plus banalement encore, erreur de casting comme on dit. En tirer les enseignements est nécessaire même si l'exercice peut s'avérer douloureux. Se tromper est naturel – on le sait bien depuis nos classes de latin – persister dans la même erreur est infiniment plus dommageable. Celui qui se trompe révèle quelque chose d'humain dans le fond, celui qui se trompe deux fois de la même façon n’est qu’un benêt. On le comprend aisément, la matière est pain-bénit pour le romancier.

La réflexion est d’autant plus contraignante s’agissant d’un échec-malentendu. C'est un peu l'histoire dont on n’a pas bien compris le film. Pour telle ou telle raison, on ne voit pas la tuile ou la catastrophe arriver. Légèreté ? Insouciance ? Inadvertance ? Il est d'autant plus indispensable d'en tirer les leçons et, éventuellement, de le faire savoir à autrui. Ah ! Les beaux livres qui ont jalonné ce thème du malentendu.

Il y a enfin l’échec-trahison qui, plus que tout autre, est subi. C’est le pire, celui qu’on ne peut ni analyser ni prévoir car il repose sur la duplicité ou la déloyauté d’autrui. Ici, aucun enseignement n'est vraiment possible. Comment épiloguer sur la sincérité - fût-elle naïve - prise en défaut par la malignité d'autrui ? Comment éviter de se retrouver piégé de nouveau dans sa crédulité sauf à s'armer d'une méfiance confinant à la paranoïa ou à tourner le dos à toute forme de générosité humaine ? Non, décidément, il ne subsiste qu'une déception jointe à un certain sentiment de gâchis. Dans ce cas de figure, on le comprend, le livre n'est pas indispensable et il n'est même pas sûr qu'il puisse servir de thérapie. Il n'est au fond que temps inutilement gaspillé à force de s'employer à ressusciter en pure perte des gens ou des comportements qui ne méritent pas d'échapper à la médiocrité de l'inexistence. 

Mais ce n'est là que cauchemar irréaliste. Ne vivons-nous pas dans le monde réel, celui des bisounours ? Allons, un été banal, vous dis-je.