Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 30 mai 2014

L’aporie Hollande


Même si c'est encore difficile à croire, on entre dans la phase ultime de la hollandie avant son effondrement

C’est vrai et je suis tout disposé à en convenir : il n’est ni élégant ni convenable de tirer sur une ambulance. Tout de même, il y a quelque chose de singulier dans le cas de F. Hollande bat imperturbablement ses records d’impopularité tout en conservant son petit sourire d’autosatisfaction sans parler de ses sempiternelles blagues douteuses. Petit sourire, petites blagues, petit casque, petit scooter.

J’évoque d’autant mieux le sujet que je n’ai pas le souvenir, dans l’histoire récente des démocraties occidentales, d’un tel exemple de rejet d’un chef de l’Etat par son peuple. Même Richard Nixon, au temps du Watergate, n’avait pas atteint de tels abysses.

C’est un peu facile à dire aujourd’hui mais mes proches savent que j’ai fait un pari dès 2012 (après tout, je ne sache pas qu’on ne parie que sur la baisse du taux de chômage dans ce pays) : celui que Hollande ne finirait pas son mandat présidentiel. Naturellement, à l’époque, on m’avait expliqué avec commisération que le président était protégé, quoiqu’il advienne, par les institutions de la Ve République. On avait ajouté que, d’ailleurs, Hollande était un malin.

On en voit le résultat, deux ans seulement après son entrée si inélégante à l’Elysée : un président incompétent, sans le moindre charisme ni autorité, ni conviction dans la tenue d’un cap politique ; un président qui n’a absolument pas la stature de la fonction qu’il occupe. Tout au mieux, un petit chef de parti roublard s’efforçant uniquement de miser sur les faiblesses des autres. Bref, l’erreur de casting absolue, aggravée par une communication politique surréaliste par sa naïveté comme par sa maladresse.

Si bien que la question qu’il était incongru de soulever en 2012 s’impose avec vigueur désormais : Hollande peut-il finir son quinquennat ?

De toute évidence, il est exact que les institutions le protègent en théorie et qu’en toute hypothèse, ce peuple français, qui a eu l’extrême légèreté de le porter au pouvoir sous prétexte d’anti-sarkozysme, devrait en prendre pour cinq ans. Après tout, on a les dirigeants qu’on mérite.

Il est tout aussi vrai que la vacuité extrême du chef de l’Etat n’a d’égal que son opiniâtreté probable à s’accrocher coûte que coûte au pouvoir : comme une « moule inutile à son rocher », selon l’expression du chroniqueur Philippe Tesson. Comptons à cet égard sur les thuriféraires du PS pour faire un mauvais procès à tous ces soi-disant « factieux » qui s’aviseraient de contester la légitimité de « Moi Président ».

Or, c’est précisément de cela dont il s’agit : voici le cas typique d’un président légalement élu (quoique par défaut, mais c’est un tout autre problème) qui a perdu sa légitimité d’une manière rédhibitoire. On sait la façon dont le général de Gaulle, autrefois, avait tranché cette question et, avec lui, ses plus chauds partisans à l’image de Michel Debré. Hélas, les gaullistes d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir, en matière de courage comme de savoir-faire, avec leur illustre modèle … et l’on sait que Jean-Louis Debré, le fils de Michel et président du Conseil constitutionnel, préférerait en toute hypothèse et au nom d’un gaullo-chiraquisme suranné, Hollande à Sarkozy.

Pourtant, comment donc un président ne serait-il pas tenu pour illégitime avec un taux de popularité national avoisinant à présent les 3% ? Comment pourrait-il tenir autrement que par ses petites combines politiques habituelles et ses tours de passe-passe qui ne fascinent que les gens crédules ? Comment oserait-il se maintenir alors qu’il y a le feu dans le pays et qu’il est tout à fait incapable de l’éteindre et même de le circonscrire ?

La Constitution ? Il y a le texte et il y a ce qu’on en fait dans la pratique. Il n’y a pas que les sondages qui préfigurent l’effondrement politique réel du hollandisme. Ce sont aussi et surtout les dernières élections, municipales puis européennes, qui illustrent ce formidable rejet de la part du pays. Bien sûr, on pourra toujours gloser à l’infini sur la fiabilité douteuse des sondages ou sur le fait que les consultations électorales susdites n’ont pas véritablement de portée nationale. 

Tous ces beaux raisonnements ne tiennent pas en un temps où la médiatisation de la vie politique est devenue absolue. Giscard, Mitterrand ou Chirac auraient sans doute pu durer avec de tels niveaux d’impopularité. Il est vrai que personne ne se fût risqué, en leur temps, à contester leur autorité. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Les médias, d’ailleurs, hier farouchement pro-Hollande ont désormais retourné leur veste, ce qui est bien plus qu’un signe.

Il ne reste plus au pouvoir actuel que les juges – ah ! Ce fameux temps des juges qui, comme par hasard, correspond aux intérêts politiques du président - sournoisement travaillés par Mme Taubira (vous savez, cette indépendantiste guyanaise qui ne jure que par l’indépendance de la justice française), pour s’employer à retarder l’inéluctable sinon à le conjurer : ici par une garde à vue, là par une mise en examen, là encore par une enquête préliminaire. Qui peut croire un seul instant que ces petites manœuvres torves de chancellerie pourront enrayer la révolte qui gronde des profondeurs du pays ?

Le roi est déjà nu, même s’il se complaît encore avec son sourire béat dans des galipettes – je voulais parler de sa « vie privée » - qui exaspèrent la France. La droite le vomit, le centre l’exècre, même la gauche n’en veut plus pour futur candidat. Pour François Bayrou, on sait qu’un orage va éclater mais on ne peut prédire quand ni comment. Quant à moi, j’ai conscience de prendre beaucoup moins de risques qu’en 2012 en pronostiquant que cet orage éclatera avant trois ans.

jeudi 29 mai 2014

Savoir se retirer


Ainsi donc, Philip Roth vient d'annoncer publiquement sa retraite de romancier après avoir bouclé son opus n° 31. Une retraite bien méritée, à l'âge de 81 ans, en concluront certains. Certes, mais la question reste de savoir si un écrivain peut prendre sa retraite comme un cheminot ou un fonctionnaire des douanes. Non ? Vraiment ? Et Rimbaud alors, qui s'est retiré du monde des lettres alors qu'il avait à peine une vingtaine de printemps à son compteur ?

La vraie retraite, pour un artiste, s’impose quand il estime avoir exprimé ce qu'il avait à exprimer. Quand il considère n'avoir plus rien à dire. Ce fut le cas de Nicolas de Staël qui, lui, en tira des conclusions extrêmes et tragiques puisqu'il n'eut pas d'autre alternative que d'en finir avec la vie. Moyennant quoi il se défenestra dans sa maison d'Antibes. Ce fut aussi le cas de Montherlant. Tout de même, il en faut de l'honnêteté intellectuelle et morale, sans parler du courage, pour en arriver là.

A l'inverse, combien d'autres artistes jouent les prolongations au-delà du raisonnable ! Combien on aimerait les voir se retirer sur l'Aventin, ne serait-ce que pour que leur propre image n’ait pas à en pâtir. Il est vrai que la tentation est trop forte. L’appât du gain, c’est entendu, mais aussi cette façon de tenter d’éviter l’inéluctable – la fin – en retardant désespérément l’échéance. Sur le thème bien connu : encore un instant, un dernier instant de plaisir voyons, monsieur le bourreau. Ou sur le mode : d’accord je baisse, mais les autres ne m'arrivent pas à la cheville. Alors ...

… alors nous subissons les départs de diva, les retours sans fin, les encore et les curtain calls tous aussi trompeurs. Au point qu'on n'y croit plus vraiment. "M'arrêter là", c'était l'intitulé de la tournée de Johnny Hallyday en 2009. Qu'on aime ou non l’artiste, il y avait comme de l'allure dans cette annonce. L'ennui est que le rocker ne s'est pas arrêté du tout, au point d'en devenir aujourd’hui franchement pathétique dans sa façon de s’accrocher. Aznavour n'a pas fait beaucoup mieux, de ce point de vue, et ne s'est toujours pas résigné à décrocher malgré ses 90 ans bien sonnés. En Amérique, on avait eu le cas de Sinatra qui avait décidé de prendre sa retraite, en 1971, avant d'y renoncer sous la pression amicale, dit-on, du président Nixon. La carrière du crooner était alors plus que trentenaire. Y gagna-t-il vraiment à la prolonger d'une vingtaine d'années supplémentaires, même si c'était tout de même Sinatra ?

Tirer le rideau, décider de l'instant, requiert une noblesse qu'il faut d'autant plus saluer qu'elle n'est plus de ce temps. De nos jours, en effet, on ne s'arrête plus. On ne sait plus tirer sa révérence avec élégance et détachement. On dure, on dure, on occupe le terrain tant qu'on peut. On s’use jusqu’à la corde mais qu’importe ! L’essentiel est de ne pas s’éloigner ou de n’être pas absent car les retraités ou les disparus ont toujours tort. Du moins le croit-on.

En revanche, l'artiste ou l'intellectuel qui perçoit ses limites ou le bout du chemin a quelque chose d'émouvant. Toute histoire, et celle d'une carrière en est une authentique, doit comporter un clap de fin sous peine de se diluer dans une sorte de banalisation frustrante pour tout le monde.

Pour revenir à Philip Roth, ses oeuvres de jeunesse à l’instar de son Portnoy ne m'avaient pas franchement enthousiasmé quand bien même elles révélaient un véritable romancier. Par la suite, il s'était fait plus grave, plus profond et avait fini par s’inscrire, à mes yeux, dans les grands courants de la littérature américaine. Pour tout cela, je lui témoigne une gratitude d'autant plus sincère que lui, au moins, aura su se retirer à temps.

mercredi 14 mai 2014

Fuck la France !


Sitôt communiquée par Didier Deschamps la liste des joueurs retenus pour le prochain Mundial au Brésil, voici donc qu’est apportée la preuve par neuf de la pertinence de son choix : notamment la non-sélection de Samir Nasri. Qui peut encore l’ignorer ? Voici un joueur sans doute talentueux mais mal élevé, sans grande valeur morale et qui peut pourrir un vestiaire en un tournemain. Un joueur qui donne une image en tous points détestable de la France : l'anti-Tony Parker.

Nasri est-il le seul dans ce cas ? Bien sûr que non, hélas, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle des joueurs comme Hatem Ben Arfa ou Jérémie Menez n’ont pas été sélectionnés eux aussi malgré leur valeur footballistique indéniable. Sans parler du cas Anelka qui aurait dû être réglé, n’était la pusillanimité des sélectionneurs successifs, bien avant le désastre de Knysna. 

Il y a bien cependant une affaire Nasri dans la mesure où la petite amie du joueur, une certaine Anara Atares dont on prétend qu’elle est mannequin (il est vrai que certains confondent peut-être cover girl et call girl), a cru bon d’en rajouter in petto en insultant Didier Deschamps et la France entière au passage. L’éducation – pour s’exprimer par antiphrase - de ces gens-là étant ce qu’elle est, la colère et la fureur se transforment donc logiquement en : Fuck la  France

On pourra toujours se demander benoîtement en quoi Samir Nasri est lui-même responsable des agissements de sa petite amie. Pour autant, il ne faut pas être naïf : la promptitude de la réaction démontre que celle-ci a été mûrie de longue date et ce, d’autant plus que la non-sélection du joueur était largement prévisible. Tout se passe un peu comme si Nasri avait fait dire à cette Anara – qui doit se préoccuper autant de la France qu’un esquimau du maquillage chez les Bantous - ce qu’il pensait réellement lui-même. Procès d’intention que tout cela ? Acceptons-en le risque sans barguigner tant il est vrai que l'ensemble de l'oeuvre de Nasri est suffisamment éloquente. D’ailleurs, même si cela n’était s’imposerait tout de même le dicton suivant lequel « Dis-moi qui tu fréquentes … etc » A propos, que n'a-t-on entendu Nasri désavouer sa petite amie.

Manque d’éducation, perte des repères moraux, irrespect : c’est somme toute du classique, comme est classique le réflexe des bienpensants de gauche consistant à s’en prendre à un système de formation qui laisse des jeunes gens – des victimes qu’on plaindrait pour peu, nonobstant leurs Ferrari et leurs top model - livrés à eux-mêmes. Mais on ne sache pas qu’un Zidane, qui lui aussi a été arraché très jeune à son milieu familial, ait dérapé de la sorte malgré ses coups de boule ou ait traité avec désinvolture le maillot national. On ne sache pas qu’un Ibrahimovic, même si on moque souvent son égocentrisme, se comporte comme un palefrenier ou n’honore pas en chaque occasion le maillot du pays qui a accueilli sa famille, la Suède.

Osons le dire : les Nasri, Anelka et compagnie ne sont que de petits voyous mus par un individualisme forcené qui leur sert de valeur ; des voyous qui n’ont rien à faire de notre pays sans lequel, du reste, ils ne se seraient pas enrichis au point de pouvoir le narguer en pleine impunité. Au-delà de ces exemples pitoyables, on ne s’empêchera pas de penser qu’il y a un mal français. Comment nier que la culpabilisation ou l’autodénigrement permanent qui est devenu chez nous le politiquement correct conduit fatalement à ce « Fuck la France » ? Entendrait-on un « Fuck l’Amérique » de la part d’athlètes noirs non sélectionnés ou un « Fuck l’Allemagne » de la part de sportifs d’origine turque déçus ? Poser la question revient à y répondre.

Il est vrai que, lorsque notre Garde des Sceaux, pour se dispenser de chanter l’hymne national (ce qui est parfaitement son droit, au demeurant), parle avec mépris de « karaoké d’estrade » …

En tout cas, Deschamps a bien fait de se passer des services de Samir Nasri. « Moi Président » pourrait-t-il faire preuve de la même audace envers sa ministre de la Justice ? Bien sûr, il ne faut pas rêver.

jeudi 1 mai 2014

Le géant et ses épigones


Je sais bien que le vocable est tombé dans le domaine public depuis des lustres, mais tout de même ! Il y a plus qu’un simple abus à évoquer à tout bout de champ le gaullisme ou, pire encore, à s’en prévaloir sans vergogne : une outrance voire une indécence.

On pourrait argumenter à l’infini sur le thème éculé du « gaullisme sans de Gaulle » mais cela n’aurait pas d’autre intérêt qu’académique. Le fait est que beaucoup trop de nos politiques, à gauche tout autant qu’à droite d’ailleurs, se réclament aujourd’hui du gaullisme en commettant une erreur – souvent délibérée – sur la marchandise.

A gauche, tout d’abord. Nul besoin d’être un politologue de haut vol pour savoir que les gens de gauche furent de tout temps les adversaires les plus acharnés du Général. Ce fut le cas, dès après la guerre, lorsque Léon Blum et Vincent Auriol, entre autres, traitèrent ouvertement l’homme du 18 juin de « dictateur » méprisant la démocratie et la République. Ils oubliaient ce faisant que c’était bien de Gaulle qui avait rétabli la démocratie contre Vichy alors que tant de socialistes s’étaient fourvoyés et que les communistes n’avaient jugé bon de résister qu’une fois l’URSS entrée en guerre, c’est-à-dire en juin 1941 …

Par la suite, la gauche aurait encore l’occasion de hurler tout aussi vainement à l’autoritarisme lors du retour du Général, en juin 1958. On se souviendra de ce défilé consternant de soi-disant « défense de la République » avec, en tête de cortège, Mendès-France, Mitterrand et … Daladier, l’homme de Munich. On gardera également en mémoire l’essai de Mitterrand, Le Coup d’Etat permanent, non sans quelque ironie compte tenu de l’aisance avec laquelle ledit Mitterrand, devenu président, se coula dans les habits de la Ve République confectionnés par de Gaulle. On n’oubliera pas non plus l’outrance insultante par laquelle, en 1962, le président du Sénat Gaston Monnerville (un Guyanais d’origine, à croire que l’outrance soit familière à ces sympathiques ressortissants, n’est-ce pas Madame Taubira ?) qualifia de « forfaiture » l’initiative de de Gaulle visant à proposer par référendum l’élection du président de la République au suffrage universel. « Forfaiture » reprit à l’unisson la gauche bien-pensante de l’époque. Avec le recul, on peut prendre la mesure du ridicule qui fut alors le sien.

Il est clair que la gauche n’a jamais rien compris à de Gaulle et on fera la grâce de ne pas rappeler son opposition outragée à l’édification d’une force nucléaire nationale, la fameuse « bombinette » selon le mot du Canard Enchaîné. Aussi est-il un peu saumâtre de voir certains héritiers socialistes se réclamer ici ou là – fût-ce par la bouche d’un Chevènement – du Général et du gaullisme. Rien n’a été et rien n’est encore plus éloigné du gaullisme que la gauche quand bien même celle-ci se donne de temps à autres des airs martiaux.

Quant à la droite, ce n’est guère plus reluisant : des héritiers au petit pied, prompts à réciter une vulgate gaullienne apprise par cœur mais sans la moindre vision, sans grandeur, sans panache : en un mot, sans cette « sublime naïveté » que Claude Mauriac avait débusquée chez le Général. Il ne suffit pas de donner dans le psittacisme et crier « de Gaulle ! de Gaulle ! de Gaulle ! » aux quatre vents pour capter fût-ce une partie de son héritage. Car celui-ci consistait avant tout en un état d’esprit pour ne pas dire « une certaine idée » qui est complètement absente à cette famille politique qui, de nos jours, se prétend encore gaulliste. 

Le gaullisme est mort avec de Gaulle qui avait d’ailleurs toujours rejeté, de son vivant, ce vocable. Le seul à l’avoir compris, avec son intelligence sceptique qui confinait souvent au sarcastique, fut son successeur à l’Elysée, Georges Pompidou. Déjà, il avait fait scandale en déclarant tout de go que « la résistance l’emmerdait », non pas parce qu’il n’y avait point participé, mais parce que trop de gens s’en prévalaient alors qu’ils ne l’avaient rejointe, dans le meilleur des cas, qu’à la onzième heure. Mais sur le chapitre du gaullisme, il fut tout aussi circonspect. Et pourtant, il avait des titres de noblesse à faire valoir, ayant été le directeur de cabinet du Général aux temps difficiles, puis son premier ministre et, en tout cas, son collaborateur de loin le plus apprécié. Pas plus qu’il n’eut la prétention de se situer sur le même registre que le Général, Pompidou ne s’est jamais donné le ridicule de se réclamer du gaullisme dont il savait bien qu’il avait disparu avec son fondateur. 

Hélas, tout le monde à droite n’eut pas l’intelligence et la finesse de Pompidou, loin s’en faut. Ce fut même le contraire avec le bal sans fin des hypocrites, des traîtres, des imitateurs et des médiocres dont le moindre ne fut pas Jacques Chirac en personne. Quoi de moins gaullien que ce « rad-soc » en peau de lapin qui tremblait devant les syndicats et confondait trop souvent gaullisme et antiaméricanisme ? Quoi de moins gaullien que cet amateur de bière et de tête de veau, indépendamment même de ses frasques féminines ? On m’assure que ce dernier sera regretté lorsque viendra l’heure de tirer sa révérence. Je suis tout prêt à m’en convaincre tant il est vrai que cette France-là, dans laquelle nous vivons, n’a décidément plus rien de gaulliste.