Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

jeudi 28 août 2014

Quand mollesse rime avec archaïsme


Le souhait de faire évoluer les institutions du pays dans le sens d’une paralysie molle est bien conforme à la mentalité socialiste.

Il a été beaucoup glosé, et je dois confesser que je n’ai pas été le dernier en ce domaine, sur la mollesse particulièrement affligeante de F. Hollande. Le grief était et demeure hélas totalement justifié, jusques et y compris dans les accès d’autorité dont l'intéressé peut faire preuve, au Mali ou ailleurs, à seule fin d'ailleurs de s’en dédouaner.

A présent, il convient non pas d’accoler un bémol à ce jugement sévère, en ce qu'il s’applique à un chef d’Etat, mais de lui rendre d’une certaine façon justice. Car il est équitable de préciser que F. Hollande n’est pas le seul dans sa famille politique à pécher de la sorte, loin s’en faut même. Si « Moi, président » - accès préminitoire d’auto-affirmation tant la chose n'allait pas de soi - est un mou par tempérament, d’autres à gauche le sont, et c’est plus grave encore, par conviction.

L’exemple le plus édifiant est la position de nos inénarrables socialistes français sur les institutions de la Ve République. Ils auront d’abord été violemment, irréductiblement hostiles au cadre institutionnel qu'avait dessiné en son temps le général de Gaulle en réaction à la paralysie des IIIe et IVe Républiques. Ceux qui ont encore de la mémoire se souviendront de la sortie polémique de François Mitterrand contre Le coup d’Etat permanent, titre d’un de ses ouvrages demeuré célèbre. Ce même François Mitterrand qui se sera tout de même présenté à l'élection de décembre 1965 avant d'enfiler ces mêmes habits gaulliens sans barguigner, au soir du 10 mai 1981 et … pour près de quinze ans !

Aujourd’hui, les choses semblent avoir changé. On parle désormais beaucoup de VIe République à gauche. Sans doute que ne s’y trouve plus de personnalité marquante qui serait encore capable d’endosser nos institutions. Alors, chez les socialistes comme chez les Verts et naturellement chez les communistes, on préfère décréter qu’est venu « le temps du Parlement ». Ah ! La belle expression qui sent à plein nez ce que de Gaulle, pourtant encensé aujourd’hui de toutes parts, aurait qualifié sur un ton goguenard de « démocrassouille ». 

Certes, ce fut le Parlement qui vota (à une voix près, il est vrai, et par la petite porte) l’avènement de la République par le truchement du célèbre amendement Wallon. Mais ce fut aussi le Parlement – celui du Front populaire, par-dessus le marché ! – qui vota les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, en juin 1940. Ainsi, s’il n'est pas contestable que le Parlement, institution honorable entre toutes, est le pilier de tout régime démocratique, il serait prudent de ne pas la sacraliser à l’excès. 

Au fond, c’est toute la différence entre régime parlementaire et régime d’assemblée, l’imposture de la gauche consistant, aujourd’hui comme hier, à entretenir la confusion entre les deux. Le régime parlementaire est un système qui incarne la séparation des pouvoirs et fait notamment des assemblées le lieu où se font les lois : à charge pour l’exécutif de s’y conformer en ayant la responsabilité exclusive de gouverner le pays. Le régime d’assemblée, en revanche, instaure l’inféodation de l’exécutif envers le Parlement qui est le véritable maître du jeu. Régime d’assemblée, c’est-à-dire domination des partis et de leurs appareils, combinaisons permanentes et paralysie du pays.

C’est le choix de la gauche que de souhaiter un exécutif paralysé et, tout particulièrement, un président singulièrement affaibli au point de le ravaler ou peu s'en faut à l’inauguration des chrysanthèmes. On ne se refait pas : nonobstant le changement de générations, la gauche n’aura jamais intégré à son logiciel, tout en affectant de s’y conformer de plus ou moins bonne grâce, l’élection du président de la République au suffrage universel : le symbole d’une légitimité qu’il tire de lui-même et non plus des partis ou d’assemblées.

Voilà donc ce que la gauche veut au moins tacitement pour notre pays à l’heure où, devant relever des défis incroyablement complexes, celui-ci doit faire preuve d’autorité et d’esprit de décision. On a bien compris que la gauche restait définitivement rétive à un tel esprit et partant, à l’autorité en tant que telle. Au temps de F. Mitterrand, elle n’avait pas tellement le choix et fut donc contrainte de manger son chapeau en silence. Aujourd’hui, face à la faiblesse insigne d'un Elysée discrédité, elle révèle son vrai visage en même temps que sa préférence ultime : celle d’un pays sans réelle volonté, bloqué et sur-administré, ce qui va évidemment de pair. 

Bien sûr, il y a bien les rodomontades de M. Valls mais l’actuel premier ministre n’est pas Mitterrand. Sinon cela se saurait déjà …

samedi 16 août 2014

Brèves de vacances


Le calme de l'été laisse tout de même apparaître des petits riens qui sont significatifs de notre société.

La période estivale et son calme relatif donnent parfois un relief particulier à ces petits riens qui éclairent davantage sur l’état d’une société que tel ou tel événement hyper-médiatisé.

A l’heure où une partie du pays se demande avec angoisse sur quelle chaîne de télé apparaîtra à la rentrée Arthur ou Julien Courbet, à l’heure ou à l’Elysée on spécule sur le retentissement devant être donné à la réception de nos médaillés sportifs d’athlétisme ou de natation, un Français, Artur Avila, vient de décrocher dans l’indifférence quasi générale la médaille Fields des mathématiques. 

La médaille Fields équivaut à un Nobel pour les maths. Et ce n’est pas parce que la France est une des grandes habituées de cette récompense, décernée tous les quatre ans (la 12ème fois à un Français, depuis la création du prix en 1936) qu’il faut bouder son plaisir et sa fierté. Comme de juste, F. Hollande a saisi l’occasion pour saluer « l’excellence de la recherche mathématique française », incarnée aujourd’hui par le jeune Avila, 35 ans. Gageons que le président et le gouvernement eussent été beaucoup plus crédibles s’ils n’avaient pas supprimé, presque au même moment, les bourses d’excellence réintroduites en 2009 par Valérie Pécresse. Ces bourses récompensaient des élèves méritants, dans l'esprit des fameux "hussards" de la IIIème République. Or elles avaient l’inconvénient d’être liées au quinquennat de Nicolas Sarkozy. Surtout, comme on le sait, le mérite est une valeur honnie par la gauche au nom d’un égalitarisme débile promus par des gens dont les diplômes sont plutôt approximatifs, du genre de celui du ministre de l’Education (lorsqu’ils ne s’en inventent pas carrément, ou laissent complaisamment d'autres les inventer pour eux, n’est-ce pas Mme la garde des Sceaux ?)

Comme pour se justifier et pris soudain par un besoin irrépressible de réaliser des économies, l’Etat fait valoir le coût annuel de ces bourses : à savoir 50 millions d’euros. Le souci de nos dirigeants socialistes est aussi louable que rare mais n’y avait-il pas d’autre économie à faire prioritairement ? La réponse n’est que trop évidente des priorités de ce régime dont l'illégitimité (au sens où de Gaulle qualifiait la IVème République d'illégitime) le dispute à l'autisme.

Un autre petit rien à l'origine d'un petit frémissement dans nos rues - surtout sur nos trottoirs, il faut bien l’avouer - est le débat homérique qui s’est déroulé au Sénat sur la pénalisation des clients de prostituées. En ces temps de chômage endémique et de stagnation économique, le débat a été jugé crucial par certains parlementaires socialistes qui ont déjà réussi à faire voter la mesure par l’Assemblée nationale, en décembre dernier. Or, patatras, le Sénat a refusé de suivre l’avis du rapporteur, la passionaria socialiste Michèle Meunier. Même Mme Taubira avait exprimé quelques réserves sur ce dossier. Certains se sont tout de même aperçus qu’une telle mesure contribuerait à aggraver la situation des prostituées elles-mêmes ! 

Comme d’habitude cependant, lorsque l’idéologie aveugle s’en mêle, les faits doivent se plier aux lubies les plus dérisoires. Rappelons que Mme Vallaud-Belkacem, à l’origine du projet, s’était mise en tête d’éradiquer la prostitution. Rien que cela ! A tout le moins aurait-elle pu consulter quelques experts crédibles : il n’en manque pas au PS, à commencer par celui qui aurait dû être le candidat de la gauche à la dernière présidentielle et qu’on se prendrait presque aujourd’hui à regretter.

Faisons en tout cas le pari que ce n’est pas sur ce genre de mesure à l’avance mort-née que la France socialiste éclairera le monde. 

A part cela, et à part les retombées des événements de Gaza dans nos "quartiers", tout va plutôt bien. Certes, on apprend ici ou là que M. Djibani, l’inénarrable père de Léonarda – élève au demeurant si peu modèle et si peu méritante - qui ridiculisa en son temps le chef de l’Etat français, vient de déclarer textuellement : « On va leur montrer à Hollande et à Valls qui est le chef ! » Lui aussi, le bougre, a fini par comprendre qu’en fait de chef, la France en était aujourd'hui cruellement dépourvu... 

On apprend surtout et en catimini – histoire sans doute, et une fois de plus, de ne pas « stigmatiser » les « quartiers » - que des ouvrages prônant le djihad et la mort des hérétiques sont aujourd’hui en tête de gondole dans nos grandes surfaces. L’éditeur est un Libanais, un certain Mansour Mansour, et il a tout lieu de se frotter les mains. Baptisée « Opération Ramadan », son initiative a visé au bas mot un bon millier de magasins en France. Qui viendrait à s’en émouvoir ? 

A la Culture, comme on l'imagine, Mme Filipetti est aux abonnés absents. Sans doute préfère-t-elle continuer à rêver de paillettes et d’hommages rendus à sa personne par des thuriféraires en quête de prébendes. A l’Education, on est trop absorbé par la théorie des genres, legs du regrettable Vincent Peillon. Place Beauvau, on assure être « au courant » et avoir « un œil dessus ». On peut donc dormir tranquille et continuer à faire la sieste, même si certains avocats s’inquiètent de ce que nous ne disposions pas des moyens juridiques pour interdire de tels livres. 

Au fait, que n’alerte-t-on Mme Taubira ? Elle pourrait faire plancher ses spécialistes à la chancellerie au lieu de les polariser sur sa dernière folie en date de supprimer la prison pour la plupart des délits commis par des mineurs. Mais après tout, peut-être se repose-t-elle chez elle, en Guyane, à moins qu'elle ne dorme elle aussi sous l’olivier. Dans son cas, on se demande d’ailleurs s’il n’y aurait pas plutôt intérêt à ne pas la réveiller …

vendredi 15 août 2014

L’administration française vraiment impartiale ?


Le conflit israélo-palestinien donne prétexte à des administrations françaises régaliennes à jeter aux orties la sacro-sainte neutralité de l’Etat.

On nous abreuve quotidiennement de grands principes sur la France, en tant que terre d’élection de la laïcité ou encore en tant que détentrice d'une administration dont la neutralité ferait l'admiration de nos voisins. Bornons-nous à relever que, sur ce dernier point comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs, l’objet de notre orgueil est plutôt mal placé. 

En 2002, travaillant alors au cabinet du ministre des Affaires des étrangères, j’avais eu la stupéfaction de découvrir en visitant la direction Afrique du Nord-Moyen Orient (la fameuse ANMO) que les murs du « bureau Israël – Palestine » étaient tapissés de portraits de Yasser Arafat ainsi que d’affiches pro-palestiniennes. Je fus à l’époque encore plus étonné de constater que le directeur d’ANMO avec qui j’évoquais ce détail – « point de détail », aurait sans doute précisé quelqu’un d’autre – ne paraissait guère surpris, tout en ne voyant aucune raison d’ôter des murs du Quai d’Orsay le portrait et les affiches litigieuses. A contraire, il me parla alors des convictions personnelles de la personne concernée. 

Ce haut fonctionnaire, plusieurs fois ambassadeur sur des postes en vue du monde arabe, ne se souciait pas de ce qu’un serviteur de l'Etat, quel que soit son rang dans la hiérarchie, ne doit pas faire passer ses convictions personnelles avant l’intérêt public et la neutralité du service public. L’idée qu’un local public, celui d'un ministère régalien de surcroît, doit respecter des règles strictes d’impartialité ne semblait pas davantage le tarauder.

L’effet de l’habitude ? Nul n’ignore, en effet, la longue tradition pro-arabe du Quai d’Orsay ainsi que les inclinations du chef de l’Etat de l’époque, un certain Jacques Chirac. C’est au point que le moindre changement opéré à cet égard par l’actuel ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, entraîne une véritable bronca de la part de certains diplomates chevronnés. Il est vrai qu’il provoque tout aussi bien l’indignation de l’impayable Renaud Girard, journaliste au Figaro qui, à n'en point douter, ne pardonne pas à l’actuel ministre de lui avoir refusé le poste de diplomate qu'il convoitait tant. Toujours est-il que M. Girard croit devoir fustiger ce qu'il appelle l’inflexion pro-israélienne voire, à l’en croire, « néo-conservatrice » du Quai d’Orsay : étant entendu implicitement que l’orientation pro-arabe traditionnelle ne le choquait guère, bien au contraire même.

Mais délaissons les Affaires étrangères pour l’Intérieur, autre ministère régalien en vue dont le titulaire actuel, M. Cazeneuve, passe à juste raison pour un homme pondéré et honorable. Je ne doute pas qu’il ne restera pas indifférent à l’information avérée suivant laquelle le commissariat du XVe arrondissement de Paris arbore aujourd'hui ostensiblement dans un de ses bureaux, bien à la vue du public, un drapeau palestinien du plus bel effet. S’agirait-il d’une « prise de guerre », suite aux manifestations prétendument pacifiques en faveur du Hamas et des roquettes lancées en permanence sur Israël ? Sans avoir mauvais esprit, je n’irai pas jusqu’à le penser. Existerait-il alors, dans ce commissariat comme au Quai d’Orsay, des laudateurs de la cause palestinienne ? La question mérite d'être posée.

Quoi qu’il en soit, c’est à la hiérarchie administrative de faire respecter la neutralité impérative de l’Etat. Faute de quoi, il y a des sanctions prévues par les textes. Aurait-on peur de les appliquer ? Craindrait-on ce faisant de décourager les banlieues ? Au-delà des grandes déclarations, ce sont à ces petits signes, très peu visibles et dont les médias se gardent bien de parler, que se dessine un visage de la France qui me paraît inquiétant. J’ose espérer, en tout cas, que le ministre de l’intérieur saura remédier à de tels dérapages scandaleux. Car pour le Quai d’Orsay, et quel que soit le bon vouloir de M. Fabius, c’est déjà trop tard. Et depuis bien longtemps déjà.

jeudi 14 août 2014

The Look


Lauren Bacall, qui vient de disparaître, nous rappelle un monde merveilleux et flamboyant qui a disparu depuis bien longtemps

Gageons que son nom n’évoquera rien de précis aux jeunes générations qui n’auront vu aucun de ses films ni ne connaîtront même son visage. En un temps où celles-ci s’enthousiasment facilement pour « The Voice » et les émissions de télé-réalité, Lauren Bacall, qu’on surnommait à juste titre « The Look » et qui vient de disparaître, aura représenté la classe, l’élégance ainsi qu’un certain style de vie qui n’a plus cours aujourd’hui.

Trêve de nostalgie ! Betty (son véritable prénom) aura été une des femmes les plus belles et les plus désirées de son époque. Elle aura aussi traversé son siècle de part en part tout au long de son existence longue de près de quatre-vingt dix ans. Epouse d’Humphrey Bogart, avec qui elle forma un couple mythique, elle joua dans quelques-uns des beaux films de l’après-guerre, de Key Largo au Port de l’angoisse (toujours avec Bogey, bien sûr). Elle eut par la suite une liaison cuisante avec Frank Sinatra, se remaria avec Jason Robards. Elle aura été également un soutien inconditionnel du Parti démocrate américain, groupie parfois un peu fofolle mais c’était après tout de son jeune âge ! Une photo, restée célèbre, la représenta ainsi allongée dans une pose lascive sur un long piano à queue noir, le soliste n’étant autre que … le président Truman !

Betty Bacall fut membre du premier Rat Pack, ce groupe rigolard et fêtard réunissant au début des années cinquante les nostalgiques de Roosevelt : de Bogart à Tony Curtis et de Lenny Bernstein à Edward G. Robinson et à Judy Garland. Elle fut une supportrice de Kennedy, presque comme tous les gens « de gauche » des années soixante. Elle n’oublia pas de s’élever contre la guerre du Vietnam et contre Nixon, de pester contre Reagan, de mépriser George Bush, de renaître avec Clinton, de sombrer une nouvelle fois dans le désespoir avec George W. Bush avant de resurgir triomphante avec Obama. Son temps était alors passé, mais quelle vie !

Les présentateurs de télé ou de gala ont l’habitude de dire « Monsieur » ou « Madame » pour signifier au public que les gens qu’ils introduisent sont importants. Par comparaison avec notre quotidien où les catins font figure de duchesses et où le moindre top model androgyne, au risque du pléonasme, est tenu pour un artiste exceptionnel, l’appellation de « Madame » ne fut pas usurpée s’agissant de Bacall.

Rien ne prédisposait la petite Betty Joan Perske à devenir si célèbre et si longtemps. Avec ses parents issus des confins de la Roumanie et de la Pologne, elle ne paraissait pas devoir sortir de l’anonymat à l'instar de l'énorme majorité des immigrants. Avoir parcouru un chemin suffisamment long pour échapper à une Europe antisémite suffisait-il au bonheur de cette famille ? Pas sûr. On apprendrait plus tard qu’un cousin de Betty, dénommé Perske comme elle, deviendrait ministre, puis premier ministre puis président de l’Etat d’Israël : Shimon Peres. 

A la base de cette réussite qui nous surprend encore aujourd’hui en flagrant délit de fascination : du talent, une volonté inébranlable et surtout du rayonnement. C’est ce qui attira Bogart et tant d’autres. C’est ce qui déterminerait encore, dans les années quatre-vingt, le magazine Vogue à consacrer à Lauren Bacall une cover inoubliable. C’est un rayonnement semblable qu’on identifiait alors chez des artistes comme James Dean, Paul Newman, Marlon Brando ou encore Steve McQueen jusqu’à la génération des Robert de Niro et Al Pacino.

Sans doute ce genre de rayonnement comporte-t-il sa part d’inné. Mais il repose plus fondamentalement sur une force de caractère, sur un vécu personnel et sur une capacité hors normes à surmonter les obstacles. Sans autre commentaire et au risque de paraître ringard, c’est précisément ce qui fait si cruellement défaut à ceux d'aujourd'hui que le show business érige trop vite en stars.