Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 24 septembre 2014

Du manque de courage


Plus encore que leurs erreurs et bévues à répétition, c’est le manque de courage qui est insupportable chez les dirigeants socialistes

Ce gouvernement socialiste n’en finit plus de nous surprendre. Chaque fois que survient un de ces « couacs » relevée par la presse - la mort dans l’âme pour certains médias, il faut bien le reconnaître – on se dit au moins inconsciemment que ce sera le dernier. Que nenni ! De même que l’événement chasse l’événement, le couac d’aujourd’hui efface celui d’hier.

S’il ne s’agissait que de couacs, même si leur réédition quasi quotidienne désormais renvoie très clairement à un problème de compétence ! Ce qui est insupportable dans toutes ces histoires, c’est l’évitement, la fuite, la défausse permanente. Au fond, il s’agit là de la nature profonde du hollandisme. On peut présumer que tel sera son legs avant qu’il ne disparaisse à tout jamais dans les oubliettes de l’histoire.

Ah, cela va bien aux socialistes d’aujourd’hui de mépriser Guy Mollet ! Lui au moins assumait très directement ses responsabilités. Il a assumé l’expédition de Suez en 1956, face aux critiques soi-disant indignées. Il dut affronter des insultes jusque dans son propre camp, sans même parler de cette bien-pensance intellectuelle qui n’en finissait pas alors de faire les yeux doux au dictateur égyptien Nasser, trop vite érigé en héros du tiers-monde.  De même Guy Mollet a-t-il assumé courageusement, durant la guerre d’Algérie, le détournement par les services français de l’avion transportant Ben Bella et la plupart des leaders du FLN. L’opération avait pourtant été déclenchée à son insu. Il n’a pas hésité un instant à se poser en responsable, en sa qualité de chef du gouvernement.

L’actuel ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pourrait-il en dire autant alors qu’au moment de l’affaire du Rainbow Warrior, dont nul n’ignorait pourtant qu’elle avait été décidée en haut lieu, le premier ministre qu'il était à l'époque s’était défaussé fort peu glorieusement sur … son ministre de la Défense, Charles Hernu ?

Gouverner, c’est faire preuve de courage et les socialistes d’aujourd’hui sont très loin du compte en ce domaine. C’est de loin le grief le plus grave qu’on pourrait leur adresser. Voici donc la dernière bévue en date, digne en tous points des Pieds-Nickelés, avec l’affaire tragi-comique de l’interception ratée des trois djihadistes « français », retour de Syrie via la Turquie. Cet excellent ministre de l’intérieur, B. Cazeneuve n’a pas trouvé mieux – une sorte de réflexe conditionné, sans doute – que de faire porter le chapeau à la Turquie. Raison invoquée ? Ankara n’aurait pas prévenu la France du changement de vol des intéressés qui atterrirent finalement à Marseille et non à Paris. Vous pensiez que la France avait lamentablement failli ? Eh bien, non, vous n'y étiez pas ! Tout cela était la faute du Grand Turc.

Sans doute, sans doute, et alors ? N’y aurait-il donc plus de frontière dans notre beau pays ? La PAF aurait-elle été subitement dissoute ? Les fichiers de police n’existeraient-ils plus ? On nous assène qu’une panne informatique avait empêché la police de faire son travail à Marignane. L’explication est plus que consternante. Sans même le recours à l’informatique, il reste toujours possible de dresser manuellement un fichier alphabétique des individus suspectés – un millier environ, nous assure-t-on, ce qui n’est pas la fin du monde - et de scruter les passeports des visiteurs à l’aune de ce fichier.

Peut-être serait-il également possible d’accorder une attention toute particulière aux avions en provenance de Turquie puisque tel est le passage quasi obligé des « djihadistes », au retour comme à l’aller. Est-ce trop demander ? Peut-on vraiment confondre un « djihadiste » avec un simple touriste ? Est-il décent de se réfugier derrière des explications aussi oiseuses que dépourvues de crédibilité ? 

Mais il faut croire que telle est la devise socialiste en cas de faute ou de coup dur : ce n’est pas ma faute, ce n’est pas moi c’est l’autre. Responsable mais pas coupable, avait autrefois l’aplomb d’alléguer la ministre socialiste Georgina Dufoix. Aujourd’hui, on a franchi un pas de plus dans l’irresponsabilité. Etonnons-nous, après cela, qu’un député socialiste devenu ministre ne fasse pas état de ses impayés en cascade. Pour peu, il serait bien capable d'avancer pour sa défense que sa fameuse « phobie administrative » n’est pas de son fait. 

Encore heureux, dans toute cette histoire, que le comportement pavlovien des socialistes n’ait pas (encore) été jusqu’à accuser Nicolas Sarkozy !

A ce propos, d’ailleurs, "on" a bien su mettre sur écoutes illégalement et pendant des mois l’ancien chef de l’Etat. Pour cela, « on » ne lésina en aucune façon sur les moyens considérables, tant en matériels qu’en effectifs, à mettre en oeuvre. Ne pouvait-on en faire au moins autant pour les « djihadistes » et leurs avocats, si on avait vraiment décidé de neutraliser ces individus ? Ne s’agissait-il pas d’un impératif majeur de sécurité nationale ?

On imagine volontiers que nos associations de défense des droits de l’homme et autres bons esprits de gauche se diraient outrés de l’illégalité d’un tel procédé. Ils feraient sans doute valoir qu’on n’écoute pas les avocats dans l’exercice de la profession. Certes, et Me Thierry Herzog ? Argument non recevable, votre honneur : contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’est pas avocat, il est sarkozyste …

lundi 22 septembre 2014

Changé ? Pas changé ?


Nicolas Sarkozy a-t-il changé ? N’a-t-il pas changé ? Cette question taraude le microcosme politique depuis peu. Elle n’en est pas moins d’une stupidité affligeante.

Nos politiques et nos commentateurs se prendraient-ils pour des psychanalystes ? Dans ce cas, l’exercice auquel ils se livrent depuis hier soir est rien moins que pitoyable. Depuis hier soir, en effet, et précisément la fin de l’interview de Nicolas Sarkozy par Laurent Delahousse sur France 2, il n’est question que de savoir si l’ancien président a changé ou pas. Etant implicite que le fait de ne pas avoir changé serait un lourd handicap, quasi éliminatoire, pour lui.

Il a été souvent prétendu que Sarkozy aurait perdu l’élection de 2012 en grande partie sur sa personnalité : trop énergique, trop égocentrique, trop hyper-président, trop bling-bling, trop agité, etc. Mais n’a-t-on pas eu le temps, depuis deux ans et demi, de prendre la mesure d’un président « normal » ? J’entends par là un président mou et indécis que l’idée même de choisir et a fortiori de trancher révulse au plus haut point ? D’un président dont les frasques amoureuses en scooter ont ridiculisé notre pays ? Faut-il vraiment préférer le second au premier ? Quoique dans un pays surprotégé et tétanisé par le principe de précaution entre autres fadaises, le caractère – ou plutôt l’absence de caractère - de Hollande comme l’irresponsabilité érigée en dogme serait davantage dans l’air du temps.

Mais passons. Au fait, dans les années 70, Giscard d’Estaing ne traitait-il pas lui aussi son premier ministre d’« agité » ? Il s’agissait alors d’un certain Jacques Chirac. Il est vrai que VGE n’était pas le pire dans ce domaine de la psychologie politique puisqu’un journaliste du Monde et non des moindres, Pierre Viansson-Ponté, voyait au même moment en Chirac de « la graine de dictateur » …

Comme on se trompe, n’est-ce pas ? Et l’on se trompe d’autant plus facilement que sera campé de la personne visée un portrait caricatural. A plus forte raison si ce portrait est repris à l’unisson comme une évidence et amplifié par des médias peu regardants. C’est précisément ce qui arrive aujourd’hui à N. Sarkozy. Au fond, quoi qu’il eût déclaré hier, on en aurait déduit qu’il n’avait pas changé. Voyez donc comme il est agressif ! Après tout, quand on est tête de gondole sur le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature, il paraît logique de l’accepter sans sourciller. Après tout, quand Hollande ment d’une façon éhontée et répétée depuis deux ans et demi, il est de bonne éducation de s’abstenir de faire la moindre remarque et de faire comme si. 

En fait, des tas de gens avaient estimé avant même de l’écouter à la télé que Sarkozy n’avait pas changé – qui d’ailleurs peut vraiment changer à la soixantaine bien sonnée ? – parce que c’était politiquement correct, tout simplement.

Le cas d’une haine à ce point planifiée et aussi méthodiquement régentée, au-delà même du temps qui s’écoule, est assez unique en France. Il s’est pourtant déjà produit aux Etats-Unis avec Richard Nixon. Nixon, l’homme qu’on aimait détester, celui qu’on n’aurait jamais pris en auto-stop. L’homme que les journalistes raillaient volontiers parce qu’ils avaient décidé une fois pour toutes qu’il était un mauvais client. L’homme qui était tenu pour un mauvais perdant, bien qu’il eut accepté de perdre une élection – celle de 1960 – que son adversaire, un certain J.F Kennedy, n’aurait sans doute jamais remportée s’il n’en avait pas truqué certains Etats-clés. L’homme qui, pour peu, aurait été tenu pour responsable de l’assassinat de Dallas, au motif qu’il s’y trouvait lui-même au matin de ce fatidique 22 novembre 1963.

La cause d’une haine aussi tenace ? D’un côté, ce qu’on appellerait de nos jours volontiers le « délit de sale gueule », Nixon n’étant pas précisément photogénique comparé au profil de playboy de JFK. D’un autre côté et surtout, ses engagements anticommunistes du début des années 50, à commencer par la fameuse « affaire Alger Hiss » : du nom de ce diplomate aussi gauchisant que talentueux mais qui avait été convaincu de trahison au profit de l’URSS. Les preuves accablant Hiss étaient bien réelles et le seul tort de Nixon avait été de les mettre à jour. Hiss fut condamné à de la prison et les libéraux ne devaient jamais le lui pardonner. Ils avaient donc poursuivi Nixon de leur haine pendant plus d’un quart de siècle … jusqu’au Watergate où l’on retrouva Archibald Cox, défenseur de Hiss en son temps et kennedyste inconditionnel, dans la charge de procureur spécial acculant Nixon à la démission.

La morale de cette histoire ? Quelle que soit la haine, infondée ou même irrationnelle, qui peut être déclenchée contre quelqu’un, il arrive parfois un moment où la vérité se fait et où les yeux se décillent. Trop, c’est trop ! Ne trouve-t-on pas que cela fait beaucoup pour un seul homme ? Un caractère agité et agressif ; des affaires en cascade, où une nouvelle vient immanquablement remplacer celle qui est en train de se dégonfler ; des dettes d’Etat et des augmentations d’impôts, comme si les autres présidents avaient été vertueux en ce domaine ; de l’argent qu’il gagne en pagaille, au point que cela devient vite suspect (surtout en France, il est vrai) ; du bling-bling, Fouquet’s et yacht de Bolloré …

N’y aurait-il pas au moins un aspect où il pourrait au moins rentrer en grâce ? Eh bien non ! Et c’est cela précisément qui ne laisse d’apparaître louche. Tout serait donc à jeter chez Sarkozy comme cela avait été le cas pour Nixon. 

Mais quelle importance, au fond, face à un tel déchaînement d’outrances ? Pour mémoire, Richard Nixon, après avoir été défait en 1960 et stagné au fond du trou pendant les années Johnson, a bel et bien réussi un comeback surprenant pour devenir président des Etats-Unis et même se faire réélire triomphalement quatre ans plus tard. A bon entendeur … 

Du courage


Le courage n'est décidément pas la chose la mieux partagée en politique. Là encore, Nicolas Sarkozy fait figure de "mouton noir".

L'ancien président Sarkozy n’a pas tort en laissant entendre que, s’il existe un domaine dans lequel il est indéniable qu’il n’a pas changé, c’est bien celui du courage. Courage de se représenter alors que l’opinion publique, restée en grande partie sur l’impression de 2012, n’a pas (encore) fondamentalement évolué. Courage de se mettre en avant, quand bien même il n’aurait pas politiquement le choix, alors même qu’il ne peut ignorer que sa vie va être plus que jamais décortiquée dans le moindre détail.

Il est tout aussi indéniable que ses adversaires sont loin de manifester un tel courage, ravalant même cette qualité au rang de « vertu creuse » au sens où l’entendait naguère le philosophe Gaston Berger. Il n’est que d’observer le déchaînement des Cambadélis et autres Olivier Faure sur le thème décidément inusable de l’«héritage ». Quand se décideront-ils donc à reconnaître que Sarkozy n’est plus président et que la responsabilité de la faillite de la France leur incombe ? Après le déni, voici la défausse. Quel courage, mes amis !

Il faut dire que l’exemple vient de haut. La dette a-t-elle crû sous Sarkozy ? Sans nul doute mais personne, dans les rangs socialistes, ne parle de la crise de 2008. Hollande l’a même carrément niée lors de la campagne présidentielle, prétendant que ce n’était que pure invention. Comme par hasard, la crise serait apparue en mai 2012 – une perfidie du sortant, probablement – et Hollande serait davantage à plaindre qu’à blâmer. Que c’est dur, comme il le dit lui-même !

Peut-être dur mais totalement inventé. Se souvient-on qu'en 2008 la crise était mondiale et que Sarkozy a sauvé les meubles comme il a pu, en tâchant de préserver les intérêts élémentaires des Français. Certes, les impôts ont augmenté et la dette s'est un peu plus creusée mais y avait-il alors moyen de faire autrement ? Que les critiques vertueux qui possèderaient la recette n'hésitent surtout pas à la communiquer.

Depuis 2012, en revanche, il y avait largement les moyens de faire autrement : suivre par exemple le chemin vertueux de l’Allemagne, de l’Angleterre, de l’Italie ou encore de l’Espagne. Mais non, la gauche française a cédé à ses vieux démons et à cette pente si commode de la démagogie distributive : avec les conséquences obligées qu’on observe désormais.

Non, Sarkozy n’était pas responsable en 2008 de la crise européenne et mondiale qui était bien réelle. Hollande, lui, est totalement responsable d’une crise qui est avant tout franco-française - et non pas européeenne en raison d'un prétendu égoïsme allemand comme il tente de le faire accroire - causée par une gabegie délibérément organisée par la gauche. N’ayons crainte cependant : la gauche et les médias à sa botte (ce qui est en grande partie pléonasmique) continuera encore de nous abreuver mécaniquement de son discours favori, nonobstant sa propre incapacité à gouverner.

Courage ? Ecoutons André Vallini, cet ancien avocat qui ne se console sans doute pas de n’avoir jamais été Garde des Sceaux. Lui s’est spécialisé dans les « affaires ». Oh, il est habile M. Vallini. Il brandit la présomption d’innocence pour mieux insinuer dans la foulée que Sarkozy n’a qu’un « avenir judiciaire ». Evidemment, avec ses amis du Syndicat de la Magistrature, on peut supposer que la « justice » ne lâchera pas de sitôt sa proie favorite et que le « temps de la justice » coïncidera, comme par hasard, avec des moments clés de la future campagne électorale. Qui ne voit que tout ceci est cousu de fil blanc depuis bien longtemps et que seuls les gogos peuvent encore se laisser abuser ? Notons à toutes fins utiles qu’à ce jour, N. Sarkozy n’a pas donné prise à la moindre condamnation. Il n’empêche, on multipliera les petites phrases et les allusions de type "pas de fumée sans feu". On continuera à lui resservir les affaires jusqu’à plus soif ainsi que la comparaison avec S. Berlusconi.

La droite pleutre ou la "droite la plus bête du monde", comme disait naguère Guy Mollet, viendrait presque à s'en excuser et à écarter le gêneur. Qu'enfin, on puisse recommencer à tourner en rond et à ne rien faire comme aux beaux jours du chiraquisme. Mais il se pourrait que d'autres à droite estiment qu'il y en a assez de toute cette tartufferie. 

Il se pourrait aussi que la droite revenue au pouvoir fourbisse quelques contrôles fiscaux (juste retour des choses) contre les hiérarques socialistes. Vous savez, ceux qui se pavanent avec suffisance sur les plateaux de TV en assénant leurs habituelles leçons de morale. Ces petits marquis qui n'ont jamais travaillé de leur vie - sinon fait semblant aux frais d'une République toujours bonne fille - et encore moins approché de près une entreprise. Ce sont ceux-là même qui, parfois, trichent avec impudence sur leurs  diplômes, tantôt par passivité complice – genre Taubira – tantôt par astuce – genre Cambadélis, le maître en passe-droits et en équivalences. Il serait bien étonnant que ces gens-là soient blancs comme neige sur le plan fiscal, Cahuzac et Thevenoud n’étant sans doute que la face émergée de l’iceberg.

Aux dernières nouvelles, il semble que les socialistes s’apprêteraient également à dénoncer le « scandale » des honoraires de Sarkozy perçus pour ses conférences à travers le monde. Scandale ? Mais de quoi je me mêle ? Serait-ce de l’argent public, même si le rêve socialiste aura toujours été d'avoir barre sur le secteur privé ? Est-ce que Blair et Schroeder ont agi différemment de Sarkozy après avoir quitté le pouvoir ? Ont-ils déclenché une bronca dans leurs pays respectifs ? 

On peut comprendre les socialistes, malgré tout : quand viendra leur tour d'être chassés du pouvoir, il est à parier que nul d’entre eux, à commencer par Hollande, ne sera invité par la moindre organisation. Et d'ailleurs, pourquoi le seraient-ils grands dieux ? Qu'auraient-ils à dire sinon tirer les leçons de leur incompétence et de leur lâcheté ?

samedi 13 septembre 2014

Devenir un classique


Les créateurs d'avant-garde d'aujourd'hui ont de fortes chances, en tout cas pour les plus talentueux d'entre eux, de devenir les classiques de demain. Ce n'est pas plus mal.

Revu récemment, un soir d’ennui, Identification d’une femme, de Michelangelo Antonioni. Une des œuvres maîtresses du réalisateur, datant de 1982 et marquant la fin de la période dorée du cinéma italien. Cette période qui avait débuté au lendemain de la guerre avec l’éclosion du courant néo-réaliste. On regarde le film d’un œil toujours admiratif mais en plus éduqué, comme accoutumé. En d’autres termes, il y a beau temps qu’Antonioni ne choque plus.

Pourtant, se souvient-on de ses débuts à Cannes, en 1960 ? Antonioni présentait alors L’Avventura. Ce n’était pas son premier long métrage. Il en avait déjà produit cinq autres auparavant, parmi lesquels de purs chefs d’œuvre comme Chronique d’un amour, avec la sublime Lucia Bosè, et Le Cri. Cela n’avait pas suffi pour affranchir le registà d’une semi-confidentialité devenue étouffante. Antonioni était alors le chouchou des ciné-clubs de province mais il restait à peu près inconnu du grand public.

L’Avventura devait contribuer à lui faire franchir le cap. La recette est  immuable : rien ne vaut un beau scandale pour qu’on s’aperçoive de votre existence. Ce scandale, Antonioni ne l’avait nullement recherché de même que Federico Fellini n’était pas responsable de la violente polémique qui avait fait rage autour de la Dolce vita, sorti à peu près au même moment. 

Fellini était alors la cible de la droite italienne mais aussi d’une grande partie de la gauche, sans même parler de l’église qui l’avait traité de « pécheur public ». Quant aux spectateurs de la Dolce vita, ils étaient tout bonnement menacés d’excommunication ! Pour Antonioni, la polémique n’était pas aussi tumultueuse. Plus que de polémique d’ailleurs, il s’agissait d’incompréhension.

Fellini bousculait mais Antonioni dérangeait. Dans L’Avventura, il mettait d’emblée le spectateur mal à l’aise. Une histoire de disparition – celle de l’héroïne principale, Anna - qui n’en était pas vraiment une et qui d’ailleurs, au bout d’une heure de film, n’intéressait plus personne, acteurs compris. Une seconde histoire dans la continuité de la première, celle de la passion de Claudia, amie d’Anna, pour Sandro, fiancé de cette dernière : une passion compliquée, ambiguë, incertaine. Un style narratif n’obéissant à aucune progression dramatique classique. Un langage dépourvu d’emphase et composé de dialogues secs, comme réduits au strict nécessaire. Et surtout, des silences inhabituels, la quasi absence de musique et de rythme, même dans le contexte d’un film dit « intimiste », que les spectateurs et même certains critiques prirent pour des longueurs assez pénibles.

Il était clair, dès la sortie de L’Avventura, que ce film était en avance sur son temps et qu’à ce titre, il courait le risque d’être incompris. Le jury du Festival de Cannes 1960, n’en eut pas moins l’intelligence de lui décerner le Prix spécial pour ce nouveau langage cinématographique. Ce n’était pas si mal vu.

Et puis, le film d’Antonioni était marqué par la présence bouleversante, inoubliable, de Monica Vitti. Monica, une ode à la féminité de son temps. Tourmentée, énigmatique, touchante, sublime. Elle deviendrait l’égérie du réalisateur qui ferait également appel à elle avec bonheur dans les trois autres volets de sa tétralogie consacrée au mal-être et à l’incommunicabilité : La Nuit, L’Eclipse et le Désert rouge.

Aujourd’hui encore, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine émotion nostalgique en revoyant ces « films d’auteur ». Ils n’ont d’ailleurs pas tellement vieilli, ne serait-ce qu'en comparaison de la plupart des films « intellectuels » de la Nouvelle vague française : ceux de Jean-Luc Godard, tout particulièrement, dont la dimension politique et idéologique paraît aujourd’hui tellement dérisoire. 

L’incompréhension envers Antonioni s’est effacée progressivement, elle aussi. Ses chefs d’œuvre ultérieurs, de Profession reporter à Identification d’une femme, en passant par Blow-up (couronné par la Palme d’or à Cannes), seraient beaucoup mieux accueillis et, en tout cas, exempts de toute polémique. 

Au fond, n’est-ce pas ainsi qu’un auteur – écrivain, musicien, plasticien ou cinéaste - d’avant-garde, jugé abscons et incompréhensible en son temps, devient un « classique » ? Ce n’est pas plus mal. Sauf évidemment pour ceux qui ont l’obsession de l’avant-gardisme et se complaisent dans un élitisme en forme de cache-misère.