Naïfs
ou plus sûrement complices de la mascarade de l’accord nucléaire avec l’Iran,
les Américains devraient avoir une raison supplémentaire de ne pas remercier
Obama.
Le secrétaire d'État
américain John Kerry n’en finit sans doute plus de se demander dans quelle
galère il a été se fourrer en acceptant de succéder à Hillary Clinton à la tête
de la diplomatie américaine.
La faute à Barack Obama
qui, après le fiasco manifeste d’une politique arabe définie par le tristement
célèbre discours du Caire - au moment même où on lui décernait le prix de Nobel
de la Paix par anticipation - souhaitait à toute force se rattraper par un acte
symbolique. Cet acte, il l’a désormais avec le fameux accord sur le nucléaire
iranien, le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba n’étant que
broutilles. Un accord au forceps, cependant, qui relève soit d’une victoire à
la Pyrrhus soit du simple wishful
thinking.
Ainsi donc, après avoir
été roulés dans la farine durant plus d’une décennie par Téhéran qui jurait ses
grands dieux – avec la complicité active de l’Agence internationale pour l’énergie
atomique (AIEA) et de son directeur général de l’époque Mohammed El Baradei, encore
un prix Nobel, encensé, soit dit au passage par la diplomatie française - qu’en
matière de nucléaire, ses visées étaient tout ce qu’il y a de plus pacifique,
les Occidentaux en remettent une couche dans la naïveté feinte ou, plus
sûrement, dans la duplicité.
Or donc, l’Occident
fait à présent semblant de croire que l’Iran ne constitue plus un danger pour
la communauté internationale et qu’un consensus s’établirait aisément à ce
sujet, n’étaient ces éternels empêcheurs de tourner en rond que sont les Israéliens.
Seulement voilà, Israël joue rien moins que sa survie dans cette affaire – les déclarations
récurrentes des dirigeants iraniens ne laissant planer aucun doute à ce sujet –
tandis que les Occidentaux s’interrogent seulement sur l’ouverture d’un marché
lucratif.
Alors, le mot d’ordre
est d’ignorer désormais la menace iranienne et, surtout, de se convaincre que l’accord
conclu le 14 juillet à Vienne par les « 5 + 1 » est de nature à
prévenir toute sorte de danger. Hormis les songe-creux habituels qui
claironnent que la résolution 2231 de l’ONU, qui avalise cet accord, représente
« un triomphe pour la diplomatie », il reste tout de même quelques
esprits lucides – parmi lesquels notre ambassadeur aux Nations Unies, François
Delattre – qui s’interrogent et apparaissent nettement plus dubitatifs,
incitant même ses collègues à « garder les yeux ouverts ».
Cette dernière
expression en dit long rétrospectivement sur la manière qu’ont eu les Occidentaux
de se jeter tête baissée dans le piège iranien qui devrait permettre d’ici peu
à Téhéran de bénéficier de la levée des sanctions et, notamment, d’empocher
quelque 100 milliards de dollars provenant du dégel de ses avoirs financiers.
Inutile de s’interroger longtemps sur l’usage qu’en feront les ayatollahs, à
commencer par le financement de mouvements subversifs, en Syrie, au Liban et
bien ailleurs encore. Il est vrai que ce dégel reste théoriquement subordonné à
un rapport final de l’AIEA sur ce qu’on dénomme la « PDM » (possible
dimension militaire du programme nucléaire iranien). Mais il est déjà possible
d’anticiper les conclusions d’un tel rapport et, du reste, les responsables
onusiens se refusent d’ores et déjà de tabler sur une autre hypothèse que celle
d’une levée des sanctions.
Et John Kerry ?
Une semaine seulement après l’accord, la tonalité de son discours se fait plus
amère, surtout en réaction aux toutes récentes déclarations du guide suprême
iranien Ali Khamenei qui jurait de défier les politiques américaines dans la
région. On ne sait trop s’il faut en rire mais Kerry s’est pris à juger ces
déclarations « très inquiétantes » : "Je ne sais pas
l'interpréter pour le moment, sauf à le prendre pour argent comptant"
a-t-il dit dans une interview avec la télévision saoudienne Al Arabiya. Le pauvre, il ne sait pas
comment interpréter de tels propos.
En tout cas, son patron
n’en a cure pour ce qui le concerne. Il tient son « succès » et n’entend
pas se le faire souffler par le Congrès américain. Ignorant sans doute que ce
dernier a son mot à dire dans cette affaire – rappelons-nous la rebuffade
infligée jadis au président Wilson par le Congrès républicain sur le traité de
la Société des Nations – le président américain affecte de croire que le
marchandage avec l’Iran est gravé dans l’airain. En somme, c’est cela ou rien.
Facile à dire, surtout
à un allié israélien qui, depuis longtemps, ne nourrit plus la moindre illusion
sur Obama. Ce dernier, il est vrai, entend jouer les généreux en se donnant les
gants de faire miroiter en faveur de Jérusalem quelques substantielles « compensations
militaires ». Or, comme le faisait remarquer Benyamin Netanyahou, qui a
oublié d’être stupide même s’il est de bon ton en Europe de le vouer aux
gémonies : « Si cet accord est supposé renforcer notre sécurité et celle
de nos voisins arabes, pourquoi nous propose-t-on des compensations ? »
Eh oui ! Si des
compensations sont dans l’air, c’est qu’on escompte bien faire avaler une
couleuvre. Malgré tous les communiqués de victoire, qui ne reflètent au fond qu’un
lâche soulagement, le simulacre d’accord avec Téhéran est rien moins qu’une
capitulation en rase campagne. Les prochains et inévitables louvoiements de l’Iran,
en matière de vérification de l’accord par l’AIEA, de même que les menaces à
venir que ne manqueront pas de proférer les radicaux autour du « guide
suprême », ne devraient pas tarder à nous éclairer à ce sujet. Mais le mal
aura déjà été fait … La seule chose rassurante est qu’Obama se trouvera alors
bien proche de la sortie tandis que Kerry, lui, s’apprêtera à retourner au ketchup
si cher à son épouse.