Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 26 avril 2015

L’erreur de Simone



La nostalgie revient en force pour les quinquagénaires et au-delà, avec la disparition de phares qui restent encore accrochés à notre mémoire.

Déjà trente ans que Simone Signoret nous a quittés, vingt ans qu’elle a publié son célèbre La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Je vous parle évidemment d’un temps que ceux qui ne sont pas au moins quinquagénaires n’ont aucune chance d’avoir connue. Et pourtant, contre toute attente à commencer par celle de son propre éditeur, l’ouvrage connut à l’époque un succès prodigieux et fut classé parmi les grands best-sellers de langue française.

Il est vrai que le titre de l’ouvrage – on dirait aujourd’hui un « titre-culte » - ne contribua pas peu à son succès. Insolite, imaginé pour susciter la curiosité du lecteur, il fut paraphrasé à l’envi et pas toujours avec bonheur. Il n’en reste pas moins qu’on s’en souvient encore aujourd’hui et c’est bien l’essentiel.

Certes, à suivre l’immense actrice que fut Signoret, la nostalgie avait changé, dans son essence même, au cours des années soixante-dix. Emouvante, romantique jusque-là, elle devenait brusquement ringarde : pour tout dire un truc pour « beauf », aux yeux tout au moins des soixante-huitards qui incarnaient alors une modernité sans attache ni mémoire. Ainsi, tout avait commencé en mai et ce qui existait auparavant était tout juste bon à jeter aux orties. Il s’agit là d’un de ces réflexes bien français qui avait vu, par exemple, la Nouvelle Vague des Truffaut et Godard rejeter d’autorité dans le néant – suivis en cela par une cohorte de thuriféraires aussi snobs que vains – le cinéma qui lui avait préexisté.

Est-ce encore vrai aujourd’hui ? Voire. Dernièrement, il a été aussi révélateur que drôle de lire sous la plume de Laurent Joffrin une défense et illustration – fort bien troussée au demeurant – du latin que notre inénarrable gouvernement s’apprête à faire passer à la trappe, alors même qu’il entend mettre en exergue la civilisation musulmane. Pour moi comme pour beaucoup, le latin a bercé mon enfance de lycéen, même si je me souviens avoir trimé dur sur les vers d’Ovide ou la prose de Sénèque.

On pourrait faire une remarque analogue, quoique le sujet n’ait rien à voir avec le latin, en ce qui concerne la disparition de Richard Anthony. Il s’est trouvé des journalistes et des chroniqueurs, dont personne ne contestera le sérieux, pour verser une petite larme rétrospective sur celui qui fut en son temps – à savoir plus d’un demi-siècle auparavant – un des papes du « yé yé ». Richard Anthony était un bon chanteur mais tout en se rappelant ses succès, on pleure cette époque irrémédiablement évanouie. Soyons juste, elle n'était sans doute pas un âge d’or et les paroles des chansons d’alors étaient le plus souvent d’une indigence inouïe – reconnaissons-le - mais c’était l’époque de nos quinze ou nos vingt ans.

De la même veine enfin, relèvent les disparitions de Günther Grass et de François Maspéro. Grass, on l’a peut-être oublié aujourd’hui, avait été un des phares des années soixante : le symbole de cette Allemagne qui se relevait de ses ruines en exorcisant définitivement les vieux démons nazis. Il était révéré par les intellectuels d’Europe et même d’ailleurs, adulé notamment par la gauche. En 1959, son plus grand best-seller, Die Blechtrommel (Le Tambour), avait connu un succès en tous points remarquable, encensé par ses pairs comme par la critique. On lui décerna quarante ans plus tard, le prix Nobel de Littérature. Il n’avait plus, dès lors, qu’à couler des jours heureux en attendant de passer définitivement à la postérité littéraire. Las ! Dans une autographie publiée sur le tard et intitulée Pelures d’oignon, Grass éprouverait tout de même le besoin de rappeler son propre passé et son engagement, en octobre 1944, dans les Panzer Waffen-SS. Il n’avait certes que dix-sept ans à l’époque mais il avait été blessé puis interné quelque temps par les Américains.

On dirait que Grass avait l’art de « faire des histoires ». Mais son parcours ainsi révélé, qui n’hypothèque en rien son talent littéraire de même que sa sincérité d’homme, montre en tout cas à quel point il est difficile de se débarrasser du passé. Après avoir reproché à la société allemande d’avoir un peu vite oublié la période hitlérienne, Grass s’appliqua finalement à lui-même ce reproche qui n’avait cessé de le ronger intérieurement tout au long de ces années. Faut-il le blâmer ou l’ignorer ? Ce serait absurde. Tout juste peut-on déplorer la persévérance aussi hargneuse qu’injuste avec laquelle il poursuivit ces hommes, d’Adenauer à Kohl, qui s’employèrent honnêtement à affranchir la société allemande de ses noires pesanteurs.

Avec François Maspéro, c’est autre chose. Il fut de toutes les luttes dites progressistes et aussi partie prenante de toutes les erreurs tragiques commises au nom des utopies dites révolutionnaires. Ayant longtemps tenu le haut du pavé, celles-ci se croient encore aujourd’hui plus honorables, malgré les crimes (ceux du maoïsme ou de la Tricontinentale castriste ou guévariste, par exemple) auxquelles elles ont donné lieu, que le libéralisme qui était resté l’ennemi juré de Maspéro, devenu écrivain sur le tard. De cet homme pourtant, on garde la nostalgie de la maison d’édition à son nom qu’il avait fondée, et où l’on pouvait notamment trouver tous les brulots subversifs écrits aux quatre coins de la planète, avant que celle-ci ne cède la place en 1983 aux éditions La Découverte. 

Il n’est pas du tout certain qu’avec le temps on soit davantage nostalgique de François Maspéro que de son grand-père Gaston, un éminent égyptologue, ou de son père Henri qui fut un des plus grands sinologues français avant de mourir à Buchenwald. Du moins aura été épargnée à François la fin aussi tragique que vaine de son quasi homologue italien, l’éditeur Giangiacomo Feltrinelli qui passa dans la clandestinité puis connut une mort tragique, en 1972, en se prenant pour un saboteur digne des Brigades Rouges et dynamiter des pylônes électriques près de Milan.

Non Simone, décidément la nostalgie est redevenue ce qu’elle était : une simple affaire de génération qui se rappelle sa propre histoire au-delà du temps qui s’est écoulé. Les choses ont étrangement changé depuis les décennies 60 et 70. La preuve, s’il en était besoin : Cohn-Bendit, celui qu’on surnommait « Dany le Rouge », ne commente-t-il pas désormais les matches de football à la télé ? « Beauf » ou bof ?

vendredi 24 avril 2015

Chassez le naturel

Il faut arrêter de prendre les gens pour des benêts. Non, la Tunisie n'est ni le paradis du "printemps arabe" ni meilleure que les autres pays arabes en matière de subversion ou de djihadisme.


On en aura déployé des efforts, en France tout particulièrement, afin présenter la Tunisie comme un « modèle de démocratie dans le monde arabe » en même temps que le symbole du « printemps arabe » ! On n’aura pas lésiné sur la glorification de ce régime sensé illustrer la distanciation de bon aloi que le politiquement correct établit entre islam et islamisme.

Patatras ! La démonstration vient de prendre malencontreusement du plomb dans l’aile depuis ces dernières semaines. Il y a eu d’abord l’attentat contre le musée du Bardo, en mars dernier. Mais on pouvait croire que la Tunisie en était la première victime, de la même façon qu’on disait à Paris, sans rire, que l’islam était la première victime des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercasher.

Mais aujourd’hui, il y a beaucoup plus grave. Alors que se déroule la fête dite de Dakhla, qui clôture traditionnellement la fin de l’épreuve sportive du baccalauréat, n’a-t-on pas vu sur la façade d’un lycée de Jendouba, dans le nord-est de la Tunisie, des bannières glorifiant explicitement Hitler, ce dernier étant représenté en train de saluer un drapeau nazi ? Au même moment, sur la page Facebook de cet établissement, étaient exhibées une bonne dizaine de maximes attribuées au Führer. 

Sur le fronton d’un autre lycée de la même ville était planté le drapeau noir de Daesh, agrémenté de slogans du genre « Nous n’acceptons que le pouvoir de Dieu » ou encore  « Al Qods, nous arrivons ! » Pour la précision historique, Al Qods désigne pour les Arabes Jérusalem, cette même ville sainte qui était juive depuis plusieurs millénaires (et, accessoirement, chrétienne depuis plusieurs siècles) avant que les Musulmans ne s’en emparent par la violence et la revendiquent, cela va de soi, comme une possession aussi éternelle qu’exclusive …

Ce n’est pas tout. Dans un lycée de jeunes filles de Kairouan, la ville la plus traditionnelle du pays, les élèves ont eu un réflexe similaire en ornant les murs de l’établissement de représentations de djihadistes trucidant à coups de cimeterre des prisonniers vêtus d’orange qu’on peut identifier sans trop de difficultés à des infidèles. Ces jeunes filles en fleur ont même eu la délicatesse extrême de représenter le malheureux pilote jordanien brûlé vif dans une cage par Daesh

On ne doute pas que les Tunisiens mais aussi bien certains Français tétanisés par l'islam qualifieront ces incidents de "cas isolés". On peut ainsi lire dans la presse française : « La fascination pour le Troisième Reich n’est pas rare dans les pays arabes, qui n’ont pas subi le traumatisme du nazisme et sont volontiers hostiles à l’Etat d’Israël ». Qu’en termes subtils et éthérés de telles choses sont dites !

En s’affranchissant de la litote comme de l’auto-censure, on pourrait même ajouter avec plus de justesse que le monde arabe a toujours considéré avec une franche sympathie le nazisme allemand, de certains dirigeants nationalistes algériens jusqu’au Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini. On ne rappellera jamais assez à l’attention des naïfs ou des incultes, que la haine d’Husseini, non pas envers Israël qui n’existait pas à l’époque mais tout simplement envers les Juifs, incita à l'époque le saint homme à rencontrer Hitler à Berlin et à mettre sur pied une Légion arabe SS qui fit des ravages là où elle le put. On est loin, très loin, de la simple « fascination » dont fait état pudiquement l’organe de presse français mais d’une authentique et coupable complicité.

Aura-t-on également le mauvais goût de rappeler qu’outre certains pays d’Amérique du Sud, c’est essentiellement dans le monde arabe que trouvèrent refuge les grands criminels de guerre nazis : en Syrie, en Irak voire en Egypte ?

Je ne doute pas qu'il s'en trouvera pour prétendre que la manifestation spontanée de ces jeunes Tunisiens était bien plus de l'ignorance que de la conviction. Au-delà de cette éternelle théorie de l'excuse, il n'en reste pas moins que ces manifestations de jeunes tunisiens ne sont en rien isolées ou fortuites. Et ce n’est pas parce que Bourguiba puis Ben Ali - horresco referens - avaient su, en leur temps, tenir en lisière de telles tendances qu’elles n’existaient pas. Il faut donc sortir de la naïveté et cesser de biaiser, au nom du refus de l’amalgame, dès qu’il s’agit du monde arabe, Tunisie comprise. Une ultime preuve s’il en fallait vraiment une ? Aujourd’hui, la si douce, si tolérante et si démocratique Tunisie est le premier pays pourvoyeur de djihadistes au bénéfice de Daesh, avec 3 000 personnes parties en Syrie et en Irak. 

Avec tout cela, Hollande avait belle mine en allant toutes affaires cessantes (c'était le jour des élections départementales en France, excusez du peu) à Tunis délivrer un satisfecit aux dirigeants locaux. L’homme se veut comique mais sa politique schizophrène en devient, elle, tragique.

jeudi 23 avril 2015

Puérilité indigne



Il est significatif que nos médias fassent silence sur la provocation d’une puérilité consternante qu’a cru devoir lancer la diplomatie française envers le Vatican.

Soigneusement dissimulée jusque-là, une information risque de faire un certain bruit, non sans raison d’ailleurs : la nomination par François Hollande, en janvier dernier, au Vatican d’un ambassadeur notoirement homosexuel.

Que les socialistes laïcards, par ailleurs si timorés et pusillanimes dès qu’il s’agit de ne pas faire d’amalgame envers les musulmans, soient délibérément provocateurs tandis qu’il s’agit de "bouffer du curé" comme au bon vieux temps, on en avait eu déjà la preuve lors des remous ayant entouré la Manif pour tous. A l’époque, face à des manifestants qui étaient pour l’essentiel des pères et mères de famille pacifiques accompagnés de leurs enfants, le régime n’avait nullement hésité à lancer la police et la justice à leurs trousses. Tout l’arsenal y était passé : matraquages sur la voie publique, gardes à vue, menottages, comme s’il s’agissait de dangereux délinquants, et même condamnations à de la prison ferme ! Soit dit au passage, grâce en soit rendue à Mme Taubira, les vrais délinquants n'auront jamais eu droit à pareille sévérité. Ainsi, qui pourrait dire aujourd’hui quelles poursuites concrètes furent prises contre les casseurs de la place du Trocadéro à Paris, en mai 2013 ? Il est vrai qu'ils provenaient pour la plupart des "quartiers" ...

Mais cette fois, la provocation a pris une tournure beaucoup plus officielle. Avec la nomination de Laurent Stéfanini, tout se passe comme si les socialistes entendaient remettre d’autorité les catholiques « au pas » en forçant le Pape à accepter un ambassadeur français revendiquant ouvertement son homosexualité.

Passage en force ? Naïveté ? On s’interroge. Rome n’est pas Paris. On y compte moins de thuriféraires du politiquement correct et surtout moins de stipendiés du lobby gay qui, comme on ne le sait sans doute pas, est sur-représenté au Quai d’Orsay (le Département, appellation conventionnelle du Quai, étant même surnommé par certains "gay d'Orsay"). Jusque-là, ces derniers se contentaient de suivre une voie diplomatique classique : direction du Protocole à Paris puis ambassades de Madrid, de Rabat ou d’autres pays arabes voire consulat de Marrakech... 

Dans le passé, le Quai d'Orsay nous avait habitué à quelques petites gamineries sans grande conséquence. On se souvient ainsi de la nomination au Vatican, il y a quelques années, d'un certain Jean-Paul Ala. Toutefois, nous sommes ici très loin de ce genre de clin d'oeil espiègle.

Si les socialistes, dans leur frénésie sectaire, s’imaginent que le problème est réglé, il est fort possible qu'ils se trompent lourdement. Il ne s’agit là que d’une nomination qui requiert impérativement l’agrément du pays hôte, en l’occurrence l’Etat du Vatican. Pour peu que ce dernier refuse, l’ambassadeur pressenti reprendrait alors illico le chemin de Paris, la queue entre les jambes si l’on ose dire. On prétend que le Pape François, pourtant plus libéral que son prédécesseur, serait peu enclin à céder à des procédés aussi cavaliers et méprisants. Déjà Hollande, au moment du précédent conclave, en 2013, n’avait pas résisté à ses petites plaisanteries bon marché en assurant que l’Elysée ne serait pour rien dans l’élection d’un nouveau pape : « Nous ne présentons pas de candidat » avait-il alors blagué. Ce n'est pas parce que la Hollandie s'en esclaffe que tout le monde est obligé de s'esbaudir.

Décidément, non seulement Hollande n’aime pas les riches mais il n’aime pas non plus les catholiques. Aurait-il ainsi commis un tel impair envers un pays arabe en y envoyant un ambassadeur juif (quand bien même les diplomates juifs se cherchent à la loupe à un haut niveau du Quai d’Orsay) ? Il n’est pas impossible, en définitive, que le pape François renvoie à celui qui se prend pour le président de la France, sa plaisanterie en même temps que son ambassadeur. Au-delà de l’humiliation qu’une telle rebuffade présenterait pour notre pays, on se prendrait à le souhaiter.

mardi 21 avril 2015

Toujours plus !



Les socialistes continuent de refonder l’école … en érigeant cette fois Jamel Debbouze en modèle scolaire.

Ce qui est stupéfiant avec ce pouvoir qui ruine la France et ses valeurs depuis maintenant trois ans, c’est qu’on croit toujours avoir atteint le fond … à tort. Une nouvelle décision vient aussitôt démentir cette impression en en rajoutant dans l’ubuesque.

Aujourd’hui, c’est le Premier ministre Manuel Valls qui, à peine calmé de ses colères passées, vient de déclarer qu’il souhaite intégrer dans les écoles de France et de Navarre « l’art de l’improvisation que porte Jamel Debbouze ».

Nul n’est besoin d’être grand clerc pour imaginer que Valls a dû se faire beaucoup d’ennemis dans l'électorat de gauche, lui  qui avait proclamé son amour pour Israël et pour avoir fait de l’antisémitisme une cause nationale. Il lui incombait donc de rétablir l’équilibre d’une manière urgente. En terme footballistique, on appelle cela de la « compensation ». Toutefois, on sait que nos arbitres sont généralement peu inspirés dans la mise en œuvre de ce genre de recette qui ne trompe d’ailleurs personne. De même M. Valls aurait-il pu sortir de son chapeau un argument autrement plus sérieux que cet humoriste qui a sans doute autant d'affinités avec l'école - qu'il n'a dû fréquenter que sporadiquement - qu'un poisson avec une bicyclette. 

Enfin, on a les références qu'on peut et les modèles qu’on mérite. Après tout, F. Hollande s’était bien cru obligé d’inviter il y a peu Joey Starr à l’Elysée avant de dresser son panégyrique. N’oubliant pas que Joey Starr était l’auteur de cet impérissable monument d’anthologie poétique qu’était « nique la police », les policiers avaient dû apprécier comme il convient.

Cette fois, avec Jamel Debbouze, c’est Mme Vallaud-Belkacem qui exulte : « C’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’estime… il peut avoir une parole auprès des jeunes qui porte, parce que c’est quelqu’un de très engagé qui ne s’est jamais tenu à son rôle d’humoriste … l’improvisation est une façon d’apprendre à vivre ensemble ».

Traduisons donc le langage de Mme Vallaud-Belkacem, qui s’y connaît mieux que personne en nov’langue. « Quelqu’un pour qui elle a beaucoup d’estime » ? On n’en doute pas, étant donné leurs origines respectives. « Il peut avoir une parole auprès des jeunes » ? Par « jeunes », entendons ceux des quartiers qui, avec l’aide complaisante des médias, semblent avoir décidément confisqué le substantif. « Quelqu’un de très engagé » ? Certes oui, à gauche cela va sans dire. Ajoutons que Debbouze est également connu pour cracher régulièrement sur Nicolas Sarkozy, à l’instar de ce fraudeur du fisc patenté qu’est Yannick Noah. Et si cela n’était pas encore suffisant, précisons que Jamel Debbouze est un grand admirateur de Dieudonné qu’il trouve irrésistiblement drôle. On ne doute pas un seul instant que Mme Vallaud-Belkacem partage au moins intérieurement une telle opinion. 

Mais, au fond, tout cela fait une gauche à peu près fidèle à elle-même et permet de ratisser électoralement très large dans ces banlieues, cible de Terra Nova, qui avaient fait déjà élire Hollande en 2012.

D’aucuns estimeront non sans raison qu’à l’heure où la fameuse réforme scolaire de Mme Vallaud-Belkacem s’apprête à faire passer à la trappe le latin, le grec et désormais l’allemand - tout en rendant quasiment obligatoire l'étude de la civilisation musulmane - il est consternant d’ériger Debbouze en modèle scolaire. Déjà, depuis une bonne trentaine d’années, les « pédagogistes » de gauche abîment l’école à seule fin de satisfaire leurs fantasmes délirants. Cette fois, l’école se trouve proprement ridiculisée au nom du soi-disant « vivre ensemble ». Pourquoi d'ailleurs, au nom de ce même impératif du vivre ensemble, Mme Vallaud-Belkacem ne donne-t-elle pas l’exemple et ne va-t-elle pas s’installer en banlieue ? On ne sache pas que sa présence y soit pas incongrue et ne fasse pas honneur, en outre, à son "autre" nationalité (marocaine).

En tout cas, de concessions "hallal" en reculades sur la burqa, et de prises en otage sur l'école (où l'enseignement de la shoah n'est toujours pas possible dans les établissements dits "sensibles" et le sera, faisons-en le pari, de moins en moins) en auto-censures au nom du refus de l'amalgame et de la lutte contre une islamophobie toujours prête à servir, on se dit que Houellebecq, nonobstant les cris d'orfraie des belles âmes habituelles, avait décidément raison. Tout autant que Jamel Debbouze qui, lui, fanfaronnait, il y a quelques années, sur les plateaux télé en ces termes : « Il faut que les gens comprennent une fois pour toutes que la France a changé et qu’elle est aujourd’hui à mon image ». On croyait ces propos provocateurs. Ils n’étaient que prémonitoires … hélas.