Un magistrat qui comparaît devant un tribunal pour violation du secret de l'instruction. Bof !
Il y a peu à
la Cour d’appel de Montpellier, lors d’une audience consacrée à l’affaire des
paris suspects contre l’équipe de handball locale, le procureur s’est autorisé à houspiller à la barre une des personnes en cause, à savoir la compagne de Luka Karabatic,
en des termes plutôt abrupts : « Ne faites pas la cruche ! »
Certes, comme tout un chacun,
il est loisible à ce magistrat d’éprouver de l’agacement face à un système de
défense plutôt boiteux mais doit-il pour autant ignorer que son irritation a des limites ?
Peut-il, en l'espèce, se permettre des insultes d'autant plus facilement que, par
définition, on ne réplique pas à un Procureur ?
Eh oui ! Les
procureurs, comme les autres magistrats d’ailleurs, se croient aujourd'hui tout permis au
point d’outrepasser jusqu’aux convenances les plus élémentaires. Celui de
Montpellier n’est guère le seul. Souvenons-nous simplement de Jean-Louis Burgaud, le si exécrable
juge d’instruction de l’affaire d’Outreau. Lui aussi, fort sans doute de ce
qu’on lui avait enseigné à l’Ecole nationale de la magistrature, donnait
volontiers dans la rudesse verbale et dans l’arrogance. A l’abri de ses murs –
entendons son cabinet de juge d’instruction – il pouvait à peu près tout s'autoriser. Il est vrai qu'au moment de sa mise en cause et de sa comparution publique, face
à M. Philippe Houillon notamment, l’intéressé avait l’air beaucoup moins
faraud : un véritable petit garçon apeuré et désorienté, à dire de témoins
ou même de téléspectateur. Comme faisait dire Audiard à un des héros des Tontons flingueurs, « quand ça
change, ça change » …
Mais n’accablons pas
uniquement le si regrettable juge Burgaud qui, s’il a perdu de sa superbe
depuis lors, n’en a perdu ni son job ni sa progression de carrière – merci pour
lui. Il y eut bien d'autres exemples dans le passé. A commencer par l'inénarrable Eva Joly qui n'hésita nullement, des années durant, à traîner Roland Dumas dans la boue, l'affaire s'achevant finalement par un non-lieu avec des attendus accablants pour la juge d'instruction qu'était Joly. Il y eut aussi l'acolyte de Joly, à savoir Laurence Vichniewski dont l'impudence alla jadis, alors qu'elle venait d'être nommé à la tête du tribunal de grande instance de Chartres, jusqu'à snober l'astreinte à résidence et à continuer d'habiter Paris. Aux dernières nouvelles, Mme Vichniewski est toujours magistrate et se présente aux élections régionales : sur la liste socialiste, soyons-en rassuré. La neutralité politique de la magistrature ? Calembredaine, le Syndicat de la Magistrature restant coi après son exploit du "mur des cons" ...
Plus récemment, un autre exemple vient de nous être fourni par une ancienne
magistrate du tribunal de Nanterre qui avait été juge d’instruction dans
l’affaire Bettencourt, Isabelle Prévost-Desprez. Cette fille de médecin
généraliste brille sans doute moins, quant à elle, par son arrogance verbale que par un
aplomb à toute épreuve. A la suivre, il serait normal qu’un magistrat entretienne des relations
suivies avec un journaliste du Monde
au point de cosigner un ouvrage avec lui. De même serait-il purement fortuit
que des éléments de l’instruction, dont on a la naïveté d'imaginer qu'ils pourraient être couverts par le secret de l’instruction, se retrouvent régulièrement dans
ce quotidien prétendument « de référence ».
Pour cette raison même,
et malgré quelques hésitations de la chancellerie qui ne l'honorent pas particulièrement - mais, avec Mme Taubira, plus rien ne doit nous étonner - l’intéressée se retrouve à
présent devant le tribunal correctionnel pour violation du secret professionnel.
Elle se dit scandalisée par ce procédé si peu souvent usité. Enfin quoi !
Qui croit encore au secret de l’instruction, comme d’ailleurs à la présomption
d’innocence ? Ne lui a-t-on pas suffisamment enseigné que les magistrats
étaient au-dessus des lois et qu’ils pouvaient tout se permettre tout en
n’ayant à répondre de rien ? Sarkozy en sait quelque chose, lui qui s'échina en vain à remettre en cause ces privilèges.
En théorie, le délit
qu’on reproche à Mme Prévost-Desprez est passible d’un an de prison et de
15 000 euros d’amende. Ne rêvons pas, cette théorie est faite pour être appliquée aux pékins de base et non à nos éminents magistrats. Au demeurant, peu importe
la sanction. Ce qui est insupportable, et au fond assez pathétique, c’est la
propension qu’ont nos magistrats, dès lors qu’ils sont pris la main dans le pot
de confiture, de se poser en victime et de refuser d'assumer les conséquences de
leurs actes. Enfin, les entend-on déjà se défendre, est-ce si répréhensible de connaître un journaliste du Monde voire un journaliste de Mediapart ? Et puis, c’est si
gauchistement tendance. Comme par hasard, ces deux organes de presse n'ont pas manqué de voler au secours de
la magistrate en la décrivant comme "indocile" et en vantant son "esprit d'indépendance" - entendons par là que ce n'est pas une personne classée à droite - non sans soulever l'illégitimité supposée de son procès. On n’en attendait pas moins de ces
journalistes qui n'ont point pour habitude de mordre la main qui les nourrit.
Le Procureur du
tribunal correctionnel de Bordeaux, qui juge l’affaire, aura-t-il l’audace de
houspiller Mme Prevost-Desprez en reprenant les termes de son collègue de Montpellier : c'est à dire en lui reprochant de « faire la
cruche » et de prendre les gens pour des idiots ? Tout porte à croire
que c’est fort peu probable. Mais c’est si facile, et sans risque, de le faire
à l'encontre d'une compagne de handballeur, fût-il international …