Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 23 décembre 2016

Le vrai visage de Barack Obama ?



Tout à la fin de son mandat présidentiel, Barack Obama fait montre d'une agressivité qui est de nature à altérer une image jusque-là peu vulnérable.

On nous l’aurait donc changé ou quoi ? Nous connaissions Barack Obama, pondéré, mesuré, élégant. C’était son signe distinctif, sa marque de fabrique et, en tout état de cause, ce qui devrait rester de lui pour la postérité. Et pourtant, depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, ce n’est plus le même homme : le président sortant apparaît désormais amer, désabusé voire étonnamment vindicatif. A maints égards, il se lâche. Montre-t-il son vrai visage depuis qu’il est devenu un « lame duck », un canard boiteux sans pouvoir véritable jusqu’à l’inauguration de son successeur, le 20 janvier prochain ?

Il n'y a guère de hasard en la matière. Au fond, la défaite d’Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche est aussi la sienne. D’abord parce qu’il s’est engagé – et sa famille avec lui - en faveur de son ancienne adversaire comme peu de présidents se sont engagés dans le passé. En 2000, Bill Clinton n’avait soutenu que mollement son ancien vice-président Al Gore lequel, il est vrai, ne le sollicitait guère. De même Ronald Reagan n’était-il pas venu à la rescousse de George Bush Sr en 1988, pas plus que George Bush Jr, vingt ans plus tard, avait prêté main forte au candidat républicain John McCaine. Au demeurant, Obama était d’autant plus stoïque dans son soutien à Hillary Clinton qu’il détestait les Clinton de longue date, ceux-ci le lui rendant bien de toute évidence.

Mais surtout, Obama se battait pour sa propre chapelle en souhaitant aussi ardemment la victoire d'Hillary. Avec elle à la Maison Blanche, en effet, son héritage présidentiel avait toutes les chances de demeurer à peu près intact pour l’histoire. Ce n'est plus le cas dans la mesure où cet héritage sera bientôt décortiqué en détail et où il n'est pas certain que l'inventaire tourne à son avantage. Il devrait être d'ailleurs détricoté en une large mesure. Regretté ? Voire. 

L'opinion commence à se répandre aujourd'hui ouvertement d’un échec patent de la présidence Obama. Certes, à sa décharge le Congrès ne s’est pas privé de lui mettre des bâtons dans les roues et de saboter sa politique. Au-delà, pourtant, son programme social montre déjà ses limites tout autant que ses aspects pervers envers les grands équilibres budgétaires, tandis que sa politique extérieure est un échec manifeste sur les deux dossiers cruciaux que sont le conflit israélo-palestinien et le monde arabe, d’un côté, et les rapports avec la Russie d’un autre côté. La déstabilisation régionale résultant des soi-disant « printemps arabes », le président américain en est en grande partie responsable avec son fameux discours du Caire. Les relations exécrables avec Moscou, c’est lui également.

Obama est d’ailleurs tellement conscient de ses échecs qu’il est en train de perdre ses nerfs, vis-à-vis de la Russie et de son leader Vladimir Poutine précisément. Jusqu’au bombardement d’Alep, il s’était habilement gardé d’attaquer trop ouvertement le Kremlin sur la Syrie, ce qui serait revenu à souligner en creux sa propre impéritie sur cette question – cette fameuse « ligne rouge » de juin 2013 au regard de laquelle il était demeuré impavide lorsque Bachar el Assad l'avait contournée. Mais Obama croit à présent pouvoir faire coup double en surjouant l’indignation sur les pressions supposées de la Russie lors des dernières élections présidentielles américaines : il règle ainsi ses comptes avec Poutine tout en tâchant de remettre implicitement en cause la légitimité de l’élection qui a porté Donald Trump au pouvoir.

Le problème cependant est que son combat d’arrière-garde n’est ni élégant, ni crédible. Quoiqu’en aient certains démocrates, qui trahissent ainsi leur côté de « mauvais perdant », il est bien trop tard pour contester l’élection de Trump. Quant à Moscou, la charge de la Maison Blanche sur les cyberattaques – qui auraient favorisé la victoire de Trump - la laissera sans doute indifférente : de même que le trait venimeux d’Obama, peu digne de son auteur, par lequel il vient de taxer la Russie de « petit pays » ; sans parler évidemment des menaces de représailles qui font l'effet de coup d'épée dans l'eau.

Obama se croit-il revenu au bon vieux temps de la guerre froide ? En tout cas, il se prendrait presque à le souhaiter vu sa façon un peu risible d’en appeler aux mânes du président Reagan … un Républicain dont lui-même devait probablement condamner en son temps l’agressivité et dont il considère aujourd’hui qu’il doit « se retourner dans sa tombe ».

En vérité, après toutes les affaires sur les emails controversés d’Hillary Clinton, qui ne l’ont guère fait sourciller, Obama joue dangereusement vis-à-vis de la Russie. Il en deviendrait presque irresponsable si sa parole politique avait encore du poids, ce qui n’est plus le cas. Après janvier, on peut compter sur ses thuriféraires, qui sont en même temps bien sûr les contempteurs les plus virulents de Trump, pour gloser sur la prétendue irresponsabilité du nouveau président. Obama, lui, n’en sortira pas grandi.

S’il est vrai que le verdict de l’histoire est souvent incertain et met du temps à se décanter, Barack Obama a de quoi se montrer nerveux quitte à altérer son principal atout : son équation personnelle.

mercredi 7 décembre 2016

Tu voteras socialiste, mon fils



Si tu peux vanter les valeurs de gauche sans toi-même t’y conformer,

Si Aubry, Taubira ou Mélenchon tu adules sans désemparer,

Si le service public tu vénères même s’il est délabré,

Si dans le culte des fonctionnaires tu as été élevé,

Si Sarkozy et Fillon tu exècres sans même y songer,

Si tu peux lire Télérama et Le Monde sans en rester déprimé,

Si tu écoutes France Inter sans en être écoeuré,

Si du Code du Travail tu es devenu addict sans même y penser,

Si de l’assistanat et de l’Etat Providence tu ne saurais te dispenser,

Si Finkielkraut et Onfray tu abhorres sans les avoir feuilletés,

Si de Jack Lang et autres Hidalgo tu es un affidé,

Si par Najat et Marisol tu n’es pas découragé,

Si les bobos et les transgenres sont ta tasse de thé,

Si tu donnes des leçons de morale sans oser te les appliquer,

Si tu te complais à voir les classes moyennes se faire plumer, 

Si, malgré tous tes privilèges, tu prônes l'égalité, 
Si de Hollande Moi-Président tu appréciais la normalité,

Si par la primaire du PS tu deviens obsédé,

Si de Ségolène à Valérie puis de Valérie à Julie tu es passé sans sourciller,

Si de Cahuzac, Cambadélis, Thévenoud et autres Désir, tu louais la probité,

Si les migrants, fussent-ils clandestins ou en surnombre, tu ne cesses d’idolâtrer,

Si tu peux être, penser et faire tout cela, tu voteras socialiste, mon fils.

vendredi 2 décembre 2016

Légende




Ou comment, par la seule vertu de son retrait, un président narcissique et constamment décalé par rapport à ses fonctions, peut se retrouver magnifié au-delà de toute décence.

Il n’aura pas fallu bien longtemps, après que François Hollande a annoncé sa renonciation à la course présidentielle de 2017, pour que surgisse une de ces légendes dont la gauche reste plus que jamais friande faute de savoir affronter la réalité : celle de la dignité, du courage voire de l’élégance du président sortant.

On en viendrait presque à sourire si quelques responsables de droite, ceux qui ont toujours été tétanisés par la gauche ou pas encore décomplexés par Fillon, n’entonnaient pas le même refrain sur Hollande. Certes, comme chacun sait, il est malsain de tirer sur une ambulance surtout si celle-ci a l’apparence d’un corbillard. Certes encore, que reste-t-il aux pauvres caciques socialistes ainsi cocufiés sinon prononcer l’éloge funèbre de celui qui s’en va rejoindre le cimetière des éléphants aux côtés de ces autres nouveaux retraités que sont Sarkozy et Juppé ? Il est non moins vrai que certains leaders de droite se croient encore et toujours obligés de donner des gages de soumission à la gauche.

Mais enfin, pour le coup, trop c’est trop ! Sauf à admettre que les mots n’ont plus aucun sens, un peu de rigueur dans le choix des qualificatifs et des substantifs n’eut sans doute pas été superflu.

Le « courage » du président pour annoncer son renoncement ? On peut admettre que l’exercice n’ait pas été agréable à l’intéressé. Et alors ? Le courage véritable, surtout après avoir décliné les soi-disant « réussites » de son quinquennat, n’eut-il pas été d’affronter le verdict populaire à commencer par celui de sa propre famille politique à l’occasion de primaires ? Si son bilan avait été aussi éclatant, sa candidature au renouvellement n’eut-elle pas été une simple formalité ? Une fois encore, la gauche donne dans l’imposture en laissant accroire que le bilan de Hollande est formidable. Et que si, l’intéressé renonce au final, c’est simplement en raison de son impopularité. Oui mais, quelle est la cause de cette impopularité ? Là, c’est silence radio.

L’imposture corrélative consiste à assimiler le courage à la renonciation, l’esquive ou l’évitement, des vertus typiquement « hollandaises » on en conviendra. Courage, l’habileté tactique ou le goût immodéré pour la synthèse ? Gageons que ces derniers sont très exactement l’antithèse du courage car ils révèlent une répugnance viscérale à trancher ou à décider, donc à prendre des risques. Courage, cette façon d’annoncer d’une voix blanche, défaite et balbutiante – pour un homme fier de son bilan … - qu’il tire sa révérence ? Le courage, le vrai, aurait été bien plutôt de faire lucidement le bilan critique de son action pour en arriver à la conclusion inéluctable du renoncement.

A l’inverse, tout se passe comme si Hollande désertait le terrain à la veille de la bataille. « Sans moi » a pu en ce sens titrer Libération, soulignant implicitement la part de lâcheté consistant à abandonner son camp ou sa famille en un instant aussi critique. Le prétendu courage de Hollande, au fond, n’est qu’antiphrase, que réalisme sur son impossibilité politique à briguer un second mandat présidentiel : en dépit de tous ses efforts, de toutes ses manœuvres et de toutes ses intrigues. Les carottes étant cuites, il en a tiré la conclusion aveuglante à laquelle beaucoup étaient parvenus avant lui Et il n’y a aucun courage particulier à s’affranchir d’une claque au demeurant amplement méritée.

Quant à la « dignité » du président se sacrifiant au nom de l’intérêt de la patrie, on repassera. Où est, une fois encore, le sacrifice pour un leader tellement impopulaire et démonétisé qu’il ne lui restait plus qu’à se retirer ? Sacrifice pour la patrie, là on rigole franchement et ce, d’autant plus qu’il est fort probable que la popularité de Hollande grimpe en flèche au cours de la période à venir. La raison ? Les Français sont heureux d’être désormais débarrassés de ce boulet insupportable d’autosatisfaction, de cet homme d’ambiguïté passant le plus clair de son temps à mentir sur son action et à travestir la réalité.

Dignité ? Demandons donc à Claude Bartolone, parmi d’autres, ce qu’il pense de la manière plutôt expéditive par laquelle Hollande a déblatéré sur son compte devant des journalistes qui n’en attendaient pas tant. Même au moment de son renoncement, un Hollande lamentablement hésitant n’aura su trouver les mots pour s’élever à la hauteur de la dignité présidentielle. Pouvait-on décemment attendre autre chose de la part d’un énarque classiquement arriviste, mué en politicien madré à l'ancienne ? Telle combinaison improbable ne pouvait qu'être fatale.

A cet égard, la palme advient sans conteste, comme il advient de plus en plus fréquemment ces temps-ci, à l’inénarrable Laurent Joffrin de Libération qui évoque l’« élégance » de Hollande, ce à quoi ne se sont jamais résignés même ses thuriféraires les plus zélés. Il fallait le faire !  Il fallait oser affubler d’élégance un homme en proie à l’obsession de harceler, par justice ou presse interposée, son prédécesseur déjà battu dans les urnes. Il fallait oser parler d’élégance à propos d’un homme qui aura laissé complaisamment ses exécuteurs de basses œuvres accabler un homme de leur haine, l’avilir, lui cracher dessus. Elégance pour un président qui, le jour de son investiture, a infligé à son prédécesseur l’affront aussi mesquin qu’ostensible de ne pas le raccompagner  sur le perron de l’Elysée. Elégance pour un président qui, avec scooter et casque, s’en va minablement en goguette tromper sa compagne du moment. Elégance pour un président narcissique n’hésitant pas de semaine en semaine à cracher son venin en catimini face à des journalistes.  

Il peut arriver que les césures politiques soient difficiles à déchiffrer, surtout lorsqu’elles procèdent du retrait d’une personnalité ou de sa disparition. On se demande alors à bon droit : sera-ce un débarras ou un embarras ? Dans le cas de Hollande, poser une telle question revient à y répondre.

samedi 26 novembre 2016

Incorrigible, la gauche française




Les grandes orgues sont convoquées par notre gauche française à la gloire du dictateur cubain qui vient de trépasser.  Nostalgie ? Imposture ? Les deux, mon colonel.

La mort de Fidel Castro va sans nul doute donner lieu à un de ces scandales intellectuels dont notre gauche est si friande, par le biais d’une falsification grossière de l’Histoire. Procès d'intention ? Voire.
 
Ne perdons pas de vue, à cet égard, que la France reste le seul pays occidental d’importance où survit un parti communiste. Et il n'y a pas grand monde pour s'en émouvoir ou pour trouver aujourd'hui indécent que ses dirigeants tressent les louanges d'un Castro qui aura bel et bien ruiné son pays. Le communisme ? Oui, encore et toujours malgré l’effondrement du mur de Berlin et la décrépitude pitoyable du bloc communiste est-européen, il y a maintenant vingt-sept ans ; malgré les révélations sur le régime soviétique, sur les purges staliniennes, les procès de Moscou et le goulag ; malgré le fameux « Grand Bond en avant » de Pékin qui ne fut, en réalité, qu’un recul économique effroyable acculant à la famine des dizaines de millions de Chinois ; malgré les crimes en cascade de Mao, le Grand Timonier ; malgré les régimes fantoches d’Albanie et d’Allemagne de l’Est, hier, de Corée du Nord aujourd’hui.
 
Malgré tout cela, le communisme garde encore pignon sur rue chez nous sans que le parti ait jugé bon de reconnaître ses fautes. L’extraordinaire dans cette affaire est qu’il continue à arborer une façade de respectabilité sans avoir dû s’excuser pour ses vilénies en cascade. Traître à la patrie pour désertion, Maurice Thorez est toujours considéré comme une grande figure du prolétariat et fait partie de notre Histoire. On oublie que Jacques Duclos, cette brave figure de grand-père candidat aux présidentielles de 1969, fut un exécuteur de basses œuvres ; qu’Aragon et Césaire furent des staliniens de la plus belle eau, assumés et décomplexés. On n’accorde aucune importance à ce que tel intellectuel de gauche aujourd’hui en vue, et plus que jamais donneur de leçons, ait dénoncé naguère Soljenistyne comme un « imposteur » tout en glorifiant sans réserve la Chine rouge et sa fameuse « révolution culturelle ». La mystification de préférence à la vérité, le fantasme de préférence au réel.
 
Comment la génération soixante-huitarde des maoïstes et des trotskystes serait-elle tentée de faire son autocritique et s'imposer la repentance qu'elle exige sans vergogne des autres ? Elle détient aujourd’hui tous les leviers de commande en France. Bien au contraire, avoir été communiste confère une plus-value inestimable dans notre société et, pour reprendre un titre de film « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ». Dans la sphère littéraire, s'être trompé, avec Sartre ou non, représente un titre d’honorabilité incomparable auprès duquel ceux qui n'ont jamais été dupes, avec Raymond Aron ou d’autres, font pâle figure à supposer qu'ils ne se retrouvent pas ringardisés. N’a-t-on pas été jusqu’à prétendre avec légèreté, mais non sans raison, qu’avoir été communiste représentait en soi un « genre littéraire » ?
 
Voici pourquoi, après nous avoir infligé la farce d’un Hugo Chavez érigé en « héros du peuple », avec les conséquences dramatiques pour les Vénézuéliens qu’il est aujourd’hui loisible d’observer, nous aurons droit à l’apothéose avec la disparition du Lider Maximo. L’ultime « héros » historique de cette farce idéologique dont ceux qui ont été les petits soldats ou les compagnons de route, tout comme ceux qui en ont été les instigateurs et sans parler des habituels "idiots utiles" y compris à droite, vont nous rabâcher les mérites ou la dimension hors normes. Vous comprenez, Castro c'est l'histoire du XXe siècle ... comme si faire partie de l'histoire pouvait absoudre de tous les crimes et de toutes les erreurs.
 
Seuls les plus lucides, ou ceux qui ne bradent pas la véracité des faits, savent qu’il fut un dictateur impitoyable de même que "Che" Guevara, autre icône du régime, fut un tortionnaire innommable avant d'être promu en "héros romantique". Non, n'en déplaise au photographe Alberto Korda qui sut si bien mettre en scène le "commandante",  Guevara n'était ni un poète ni un humaniste. Il a d'ailleurs eu la fin qu'il méritait : non pas tant liquidé par les Américains que lâché par les paysans boliviens qu'il tentait de circonvenir ou d'entraîner dans ses chimères démentes.
 
Fidel Castro, lui, aura surtout été un faussaire génial. Il me revient ainsi le souvenir d'un film réalisé par le cinéaste communiste Chris Marker qui n’était en fait que la mise en images d’un discours-fleuve de plus de quatre heures prononcé par le leader cubain à La Havane. Ce discours était celui de la reconnaissance d’un échec économique, à l’occasion d’un pari perdu, celui de la grande zafra (récolte de canne à sucre) de 1970 où l’objectif de production n’avait pas été atteint. Castro avait alors réussi le tour de force de faire d’un pari incontestablement perdu un triomphe de "franchise révolutionnaire". Entre parenthèses, chez nous aussi Hollande perd ses paris mais, et cela n’étonnera personne, avec beaucoup moins de talent ou d'imagination. Castro, lui au moins, n'invoquait pas son "manque de bol" …
 
Bien sûr, à Cuba demeure le folklore, les havanes, le soleil couchant sur le Malecon voire la mystique plus récente qui se rattache au Buena Vista Social Club. Mais peut-être serait-il temps d’en sortir et d’en dissocier le castrisme qui reste une calamité objective.
 
En tout cas, ce n’est pas avec Hollande qu’on en sortira, lui qui s’est déclaré encore récemment fasciné par le castrisme. Tout autant du reste que la gauche française reste fascinée par le communisme. On va donc nous rejouer la geste révolutionnaire ad nauseam ainsi que, corrélativement, la mise au pilori du si méchant impérialiste américain. Il est vrai que, de nos jours, le « méchant » est quasiment venu à récispicence grâce à Obama qui n' pas manqué de se fendre d’un hommage appuyé pour saluer la mémoire de Castro. Qu’en pensent les exilés cubains ou encore les centaines de milliers de victimes de cette dictature qui aura écrasé politiquement et ruiné économiquement l’île de Cuba pendant près de soixante ans ? Le président américain sortant s’en moque sans doute comme d’une guigne. Lui aussi conservera inébranlablement sa mystique et continuera à être vénéré par les élites occidentales, malgré son bilan désastreux de politique internationale et le désaveu peu glorieux que représente l'élection de Trump. Quant à ces élites, germanopratines ou autres, elles continueront de pérorer en occupant bec et ongles le devant de la scène. Pour une fois, elles pourront entonner l'antienne de ces beaufs qu'elles se complaisent à  ridiculiser : "c'était mieux avant" ...
 
Naguère, lors de la célébration du centenaire de la Commune de Paris, et de la mascarade y afférente de la glorification du « peuple à l’assaut du ciel » face aux horribles "versaillais" de Thiers, l’historien Max Gallo avait justement dénoncé le scandale intellectuel d’une héroïsation aussi dérisoire qu’imaginaire par la gauche française. Il se confirme que celle-ci n’est jamais en retard d’une falsification, même s’il est vrai que son refus obstiné du réel ne lui laisse guère d’autre choix.

mercredi 23 novembre 2016

La gauche et sa morale



Brandies traditionnellement pour preuve de la supériorité des progressistes sur les réactionnaires, les valeurs de gauche n’impressionnent plus grand monde.
Ah, les valeurs de la gauche ! Elles continuent de s’exhiber fièrement à travers des concepts devenus usés à force d’avoir été martelés sur tous les tons. Tournant aujourd’hui à vide, elles restent toujours psalmodiées contre vents et marées par les gens de gauche, telles des mantras. Comme si le monde extérieur n’existait pas et comme si eux-mêmes n’étaient pas hors sol. 
Sidérant, pitoyable psittacisme ! Prenons par exemple l’égalité que la gauche confond si naturellement avec cet égalitarisme niveleur qui nie le mérite et méprise l'excellence. On ne serait certes pas déçu si l’on s’avisait de demander ce que cela signifie aux bobos parisiens qui en sont bien sûr de chauds partisans même si, imbus de leur supériorité de classe, ils ne s’accrochent pas moins bec et ongles à leurs chers privilèges tout en ayant soin d’enfourcher démocratiquement leur  vélo … le week-end seulement, il ne faut pas exagérer. 
La solidarité, celle-là même qu’on nous ressert jusqu’à plus soif pour justifier des redistributions fiscales de plus en plus insupportables ainsi que l’omniprésence devenue ubuesque de l’Etat ? Bien sûr, là encore, la gauche caviar est résolument pour … à condition toutefois que les SDF ou les « migrants » ne viennent pas perturber la quiétude de leur VIIe arrondissement de Paris – le XVIe à la rigueur, qui est conservateur et vote à droite, peut être sacrifié et l'on y édifie d'ailleurs des baraques pour accueillir ceux de Calais ou d'autres "jungles" – ou que leur place des Vosges.
On rétorquera, et on aura sans doute raison, que la gauche ne se résume pas aux beaux quartiers de la capitale. Il existe bien, dans les quartiers populaires comme en province, des militants socialistes sincères qui se battent pour des convictions fortement ressenties et vécues. Or ceux-ci ne sont le plus souvent que des pions anonymes, insignifiants dans le débat politique et inévitablement voués au suivisme. Le ton est bel et bien donné par ces patriciens de gauche qui monopolisent le pouvoir politique, économique et médiatique, tout en orchestrant le "prêt-à-penser". 
Ce sont bien ceux-ci et non ceux-là qui déclinent les grandes valeurs de la gauche et en façonnent la morale. Ce sont eux qui professent, avec une arrogance condescendante, que l’égalité comme la solidarité est bien supérieure à la liberté ; que la fraternité, dernière composante de la trinité républicaine, n’est qu’une aimable plaisanterie sauf pour les francs-maçons, cela va de soi ; que l’immigration est une chance inestimable pour la France, quel que soit le nombre des nouveaux arrivants ou leur refus de s’intégrer dans notre société ; que l’histoire de notre pays a débuté avec la révolution de 1789 ; que la diversité est notre ligne d'horizon et que les racines chrétiennes de la France ne sont qu’invention ; que l’islamisme salafiste ou des Frères musulmans n’est pas plus nocif dans le fond, et sans doute moins, que le catholicisme sur lequel il reste bon de cracher et contre lequel il y a lieu d’encourager les Femen, à Notre-Dame de Paris ou ailleurs ; que la nation est un mal absolu – quitte à faire se retourner dans leur tombe les Carnot et autres soldats de l’an II – qui est d'ailleurs le terreau du nationalisme ; que les frontières sont pareillement détestables ; qu'il n'est de justice que sociale ; qu’Alain Finkielkraut et Michel Onfray incarnent la réaction droitière à la fois « rance » et « nauséabonde » ; qu’il est légitime d’interdire d’antenne, voire de droit d’expression tout court, Eric Zemmour ; qu’enfin le populisme - sous-entendons le peuple qui ne vote pas à gauche et ne devrait sans doute pas se voir octroyer le droit de voter - n’est rien d’autre que du fascisme déguisé.
Telles sont en gros les opinions de gauche, à connotation morale puisqu'elles convoquent le Bien, le Bon et le Juste, qui nous sont quotidiennement assénées par des médias complaisants ou peu regardants en matière de réflexion critique. Cette éthique socialisante, si elle vise à l’exemplarité comme toute morale, ne va pas sans véhiculer un double problème. 
Le premier d’entre eux est lié à la fameuse prétention à l’exclusivité des valeurs de gauche. Non seulement celles-ci se veulent universelles mais elles dénient à toute autre valeur le droit de cité. La morale religieuse ? Seulement un produit déplorable de l’archaïsme et de l’obscurantisme, même s'il faut affecter, pour mieux le fustiger, d’en être revenu aux jours sombres du petit père Combes et de la lutte entre l’Eglise et l’Etat. Le retour à la tradition ? Une simple réaction d’attardés mentaux, inaptes à saisir la modernité comme le progressisme. D'ailleurs, comment peut-on être à ce point débile qu'on ne comprenne pas que les crèches de Noël dans les mairies sont plus dangereuses que les prières musulmanes débordant (j'évite sciemment "envahissant" qui a déjà valu à Mme Le Pen d'être condamnée par notre excellente justice) sur la voie publique  parisienne ?
Il s’ensuit un comportement singulièrement dangereux des moralistes de gauche en termes de sectarisme et d’intolérance, voire des réflexes carrément autoritaristes : soit de type léniniste suivant lesquels tout est permis pour assurer le triomphe des progrès et de la lumière ("lumière" au sens Jack Lang et non pas des Encyclopédistes du XVIIIe siècle …), la fin justifiant décidément les moyens ; soit de type Robespierre-Saint Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». C’est ainsi que la gauche de Christiane Taubira et de Manuel Valls a réprimé en toute bonne conscience La Manif pour tous qui s’est vu privée du droit élémentaire à l’expression (et tant pis pour les droits de l’homme qu’on ne marchande pourtant pas aux islamistes ou à la moindre minorité sexuelle ou ethnique). C'est ainsi que Najat Vallaud Belkacem, après avoir travaillé à imposer la théorie du genre à l'école, y a tout de même introduit l'enseignement de l'arabe et y a éradiqué le latin et le grec. C’est ainsi que la gauche de Marisol Touraine entend à présent réprimer les élus qui ne se conforment pas rigoureusement aux canons de LGBT : dernière manifestation en date, la ministre vient de saisir la justice contre des municipalités qui n’acceptent pas que certaines affiches dans les rues, sous couvert d’une campagne contre le Sida, cherchent à imposer l'homosexualité comme norme commune.
C’est ainsi, accessoirement, qu’on ne s’émeut guère au parti socialiste que des gens de gauche s’en aillent polluer la primaire de la droite en allant faire barrage par leur vote, moyennant deux euros par tête, hier à Nicolas Sarkozy et peut-être demain à François Fillon. Certes, objectera-t-on benoîtement, la primaire est déclarée « ouverte ». Mais il s’agit en l’occurrence d’une question élémentaire de morale qui devrait à tout le moins donner des scrupules aux gens de gauche - entre 350 000 et 600 000 électeurs, selon les estimations - de s’immiscer déloyalement dans le débat de la famille de droite qui ne les concerne guère. Or ceux-ci n’ont cure de tels scrupules et s’assoient allègrement au passage sur la « Charte de l’alternance » de la droite qu’ils n'ont pas hésité à signer sans la moindre vergogne. La signature ? La parole donnée ? La loyauté dans tout cela ? Voir la simple honnêteté ? Des broutilles à leurs yeux, simplement des valeurs de droite quand ce ne sont pas des valeurs ringardes ou vides de sens à l’heure du relativisme.
Morale de gauche, nous dit-on ? Il faut cesser de nous bassiner, pour rester poli, avec toutes ces fadaises après Dominique Strauss Kahn et sa façon si particulière - seulement "libertine" nous assure la gauche bienpensante - de considérer la femme. Après Jérôme Cahuzac et ses comptes en Suisse et à Singapour. Après Thomas Thévenoud, l'homme qui prétend souffrir de phobie administrative, surtout si cela peut lui éviter de payer ses impôts ou son loyer. Après François Mitterrand, ce président qui eut une double vie privée financée par les deniers publics et en a même fait – sous le regard attendri de certains de nos intellectuels – un genre littéraire. Après François Hollande qui s'empresse de tromper sa compagne à la sauvette, avec scooter et casque, sitôt qu'elle a le dos tourné (les féministes apprécieront la classe du personnage). Après Christiane Taubira, première Garde des Sceaux mais aussi première titulaire du poste à avoir un fils en prison. Après Marisol Touraine qui, elle aussi, a un fils derrière les barreaux (pour escroquerie et chantage envers une personne âgée). Après Laurent Fabius dont le fils a tout autant maille à partir avec la justice et manie les millions d'euros d'une manière aussi douteuse que son père administre les leçons de morale ou de convenance. Après Laurent Joffrin qui, aveuglé par une haine qui ne s'est point apaisée avec le retrait de Sarkozy, piétine aujourd'hui la mémoire des victimes des attentats islamistes en osant comparer François Fillon à Tariq Ramadan. Après Cambadélis et Harlem Désir qui ont déjà été sous le coup d'une condamnation pénale, après Kader Arif, contraint de démissionner en catastrophe du gouvernement, qui pourrait l'être prochainement ...

Après un tel florilège, sans préjudice de ce qu'on pourrait bien découvrir ou exhumer dans un avenir proche, que reste-t-il des valeurs morales passées, bien réelles celles-là, d’un Jean Jaurès ou d’un Léon Blum ? Plus grand-chose si ce n’est des relents fort peu ragoutants, quoique toujours efficaces politiquement, d'intolérance crispée. Si ce n’est également ce viatique paraphrasant André Laignel, le légendaire maire socialiste d’Issoudun dont le cynisme était inversement proportionnel à la taille : vous avez moralement tort parce que vous êtes idéologiquement minoritaire…