Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

samedi 26 novembre 2016

Incorrigible, la gauche française




Les grandes orgues sont convoquées par notre gauche française à la gloire du dictateur cubain qui vient de trépasser.  Nostalgie ? Imposture ? Les deux, mon colonel.

La mort de Fidel Castro va sans nul doute donner lieu à un de ces scandales intellectuels dont notre gauche est si friande, par le biais d’une falsification grossière de l’Histoire. Procès d'intention ? Voire.
 
Ne perdons pas de vue, à cet égard, que la France reste le seul pays occidental d’importance où survit un parti communiste. Et il n'y a pas grand monde pour s'en émouvoir ou pour trouver aujourd'hui indécent que ses dirigeants tressent les louanges d'un Castro qui aura bel et bien ruiné son pays. Le communisme ? Oui, encore et toujours malgré l’effondrement du mur de Berlin et la décrépitude pitoyable du bloc communiste est-européen, il y a maintenant vingt-sept ans ; malgré les révélations sur le régime soviétique, sur les purges staliniennes, les procès de Moscou et le goulag ; malgré le fameux « Grand Bond en avant » de Pékin qui ne fut, en réalité, qu’un recul économique effroyable acculant à la famine des dizaines de millions de Chinois ; malgré les crimes en cascade de Mao, le Grand Timonier ; malgré les régimes fantoches d’Albanie et d’Allemagne de l’Est, hier, de Corée du Nord aujourd’hui.
 
Malgré tout cela, le communisme garde encore pignon sur rue chez nous sans que le parti ait jugé bon de reconnaître ses fautes. L’extraordinaire dans cette affaire est qu’il continue à arborer une façade de respectabilité sans avoir dû s’excuser pour ses vilénies en cascade. Traître à la patrie pour désertion, Maurice Thorez est toujours considéré comme une grande figure du prolétariat et fait partie de notre Histoire. On oublie que Jacques Duclos, cette brave figure de grand-père candidat aux présidentielles de 1969, fut un exécuteur de basses œuvres ; qu’Aragon et Césaire furent des staliniens de la plus belle eau, assumés et décomplexés. On n’accorde aucune importance à ce que tel intellectuel de gauche aujourd’hui en vue, et plus que jamais donneur de leçons, ait dénoncé naguère Soljenistyne comme un « imposteur » tout en glorifiant sans réserve la Chine rouge et sa fameuse « révolution culturelle ». La mystification de préférence à la vérité, le fantasme de préférence au réel.
 
Comment la génération soixante-huitarde des maoïstes et des trotskystes serait-elle tentée de faire son autocritique et s'imposer la repentance qu'elle exige sans vergogne des autres ? Elle détient aujourd’hui tous les leviers de commande en France. Bien au contraire, avoir été communiste confère une plus-value inestimable dans notre société et, pour reprendre un titre de film « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ». Dans la sphère littéraire, s'être trompé, avec Sartre ou non, représente un titre d’honorabilité incomparable auprès duquel ceux qui n'ont jamais été dupes, avec Raymond Aron ou d’autres, font pâle figure à supposer qu'ils ne se retrouvent pas ringardisés. N’a-t-on pas été jusqu’à prétendre avec légèreté, mais non sans raison, qu’avoir été communiste représentait en soi un « genre littéraire » ?
 
Voici pourquoi, après nous avoir infligé la farce d’un Hugo Chavez érigé en « héros du peuple », avec les conséquences dramatiques pour les Vénézuéliens qu’il est aujourd’hui loisible d’observer, nous aurons droit à l’apothéose avec la disparition du Lider Maximo. L’ultime « héros » historique de cette farce idéologique dont ceux qui ont été les petits soldats ou les compagnons de route, tout comme ceux qui en ont été les instigateurs et sans parler des habituels "idiots utiles" y compris à droite, vont nous rabâcher les mérites ou la dimension hors normes. Vous comprenez, Castro c'est l'histoire du XXe siècle ... comme si faire partie de l'histoire pouvait absoudre de tous les crimes et de toutes les erreurs.
 
Seuls les plus lucides, ou ceux qui ne bradent pas la véracité des faits, savent qu’il fut un dictateur impitoyable de même que "Che" Guevara, autre icône du régime, fut un tortionnaire innommable avant d'être promu en "héros romantique". Non, n'en déplaise au photographe Alberto Korda qui sut si bien mettre en scène le "commandante",  Guevara n'était ni un poète ni un humaniste. Il a d'ailleurs eu la fin qu'il méritait : non pas tant liquidé par les Américains que lâché par les paysans boliviens qu'il tentait de circonvenir ou d'entraîner dans ses chimères démentes.
 
Fidel Castro, lui, aura surtout été un faussaire génial. Il me revient ainsi le souvenir d'un film réalisé par le cinéaste communiste Chris Marker qui n’était en fait que la mise en images d’un discours-fleuve de plus de quatre heures prononcé par le leader cubain à La Havane. Ce discours était celui de la reconnaissance d’un échec économique, à l’occasion d’un pari perdu, celui de la grande zafra (récolte de canne à sucre) de 1970 où l’objectif de production n’avait pas été atteint. Castro avait alors réussi le tour de force de faire d’un pari incontestablement perdu un triomphe de "franchise révolutionnaire". Entre parenthèses, chez nous aussi Hollande perd ses paris mais, et cela n’étonnera personne, avec beaucoup moins de talent ou d'imagination. Castro, lui au moins, n'invoquait pas son "manque de bol" …
 
Bien sûr, à Cuba demeure le folklore, les havanes, le soleil couchant sur le Malecon voire la mystique plus récente qui se rattache au Buena Vista Social Club. Mais peut-être serait-il temps d’en sortir et d’en dissocier le castrisme qui reste une calamité objective.
 
En tout cas, ce n’est pas avec Hollande qu’on en sortira, lui qui s’est déclaré encore récemment fasciné par le castrisme. Tout autant du reste que la gauche française reste fascinée par le communisme. On va donc nous rejouer la geste révolutionnaire ad nauseam ainsi que, corrélativement, la mise au pilori du si méchant impérialiste américain. Il est vrai que, de nos jours, le « méchant » est quasiment venu à récispicence grâce à Obama qui n' pas manqué de se fendre d’un hommage appuyé pour saluer la mémoire de Castro. Qu’en pensent les exilés cubains ou encore les centaines de milliers de victimes de cette dictature qui aura écrasé politiquement et ruiné économiquement l’île de Cuba pendant près de soixante ans ? Le président américain sortant s’en moque sans doute comme d’une guigne. Lui aussi conservera inébranlablement sa mystique et continuera à être vénéré par les élites occidentales, malgré son bilan désastreux de politique internationale et le désaveu peu glorieux que représente l'élection de Trump. Quant à ces élites, germanopratines ou autres, elles continueront de pérorer en occupant bec et ongles le devant de la scène. Pour une fois, elles pourront entonner l'antienne de ces beaufs qu'elles se complaisent à  ridiculiser : "c'était mieux avant" ...
 
Naguère, lors de la célébration du centenaire de la Commune de Paris, et de la mascarade y afférente de la glorification du « peuple à l’assaut du ciel » face aux horribles "versaillais" de Thiers, l’historien Max Gallo avait justement dénoncé le scandale intellectuel d’une héroïsation aussi dérisoire qu’imaginaire par la gauche française. Il se confirme que celle-ci n’est jamais en retard d’une falsification, même s’il est vrai que son refus obstiné du réel ne lui laisse guère d’autre choix.

mercredi 23 novembre 2016

La gauche et sa morale



Brandies traditionnellement pour preuve de la supériorité des progressistes sur les réactionnaires, les valeurs de gauche n’impressionnent plus grand monde.
Ah, les valeurs de la gauche ! Elles continuent de s’exhiber fièrement à travers des concepts devenus usés à force d’avoir été martelés sur tous les tons. Tournant aujourd’hui à vide, elles restent toujours psalmodiées contre vents et marées par les gens de gauche, telles des mantras. Comme si le monde extérieur n’existait pas et comme si eux-mêmes n’étaient pas hors sol. 
Sidérant, pitoyable psittacisme ! Prenons par exemple l’égalité que la gauche confond si naturellement avec cet égalitarisme niveleur qui nie le mérite et méprise l'excellence. On ne serait certes pas déçu si l’on s’avisait de demander ce que cela signifie aux bobos parisiens qui en sont bien sûr de chauds partisans même si, imbus de leur supériorité de classe, ils ne s’accrochent pas moins bec et ongles à leurs chers privilèges tout en ayant soin d’enfourcher démocratiquement leur  vélo … le week-end seulement, il ne faut pas exagérer. 
La solidarité, celle-là même qu’on nous ressert jusqu’à plus soif pour justifier des redistributions fiscales de plus en plus insupportables ainsi que l’omniprésence devenue ubuesque de l’Etat ? Bien sûr, là encore, la gauche caviar est résolument pour … à condition toutefois que les SDF ou les « migrants » ne viennent pas perturber la quiétude de leur VIIe arrondissement de Paris – le XVIe à la rigueur, qui est conservateur et vote à droite, peut être sacrifié et l'on y édifie d'ailleurs des baraques pour accueillir ceux de Calais ou d'autres "jungles" – ou que leur place des Vosges.
On rétorquera, et on aura sans doute raison, que la gauche ne se résume pas aux beaux quartiers de la capitale. Il existe bien, dans les quartiers populaires comme en province, des militants socialistes sincères qui se battent pour des convictions fortement ressenties et vécues. Or ceux-ci ne sont le plus souvent que des pions anonymes, insignifiants dans le débat politique et inévitablement voués au suivisme. Le ton est bel et bien donné par ces patriciens de gauche qui monopolisent le pouvoir politique, économique et médiatique, tout en orchestrant le "prêt-à-penser". 
Ce sont bien ceux-ci et non ceux-là qui déclinent les grandes valeurs de la gauche et en façonnent la morale. Ce sont eux qui professent, avec une arrogance condescendante, que l’égalité comme la solidarité est bien supérieure à la liberté ; que la fraternité, dernière composante de la trinité républicaine, n’est qu’une aimable plaisanterie sauf pour les francs-maçons, cela va de soi ; que l’immigration est une chance inestimable pour la France, quel que soit le nombre des nouveaux arrivants ou leur refus de s’intégrer dans notre société ; que l’histoire de notre pays a débuté avec la révolution de 1789 ; que la diversité est notre ligne d'horizon et que les racines chrétiennes de la France ne sont qu’invention ; que l’islamisme salafiste ou des Frères musulmans n’est pas plus nocif dans le fond, et sans doute moins, que le catholicisme sur lequel il reste bon de cracher et contre lequel il y a lieu d’encourager les Femen, à Notre-Dame de Paris ou ailleurs ; que la nation est un mal absolu – quitte à faire se retourner dans leur tombe les Carnot et autres soldats de l’an II – qui est d'ailleurs le terreau du nationalisme ; que les frontières sont pareillement détestables ; qu'il n'est de justice que sociale ; qu’Alain Finkielkraut et Michel Onfray incarnent la réaction droitière à la fois « rance » et « nauséabonde » ; qu’il est légitime d’interdire d’antenne, voire de droit d’expression tout court, Eric Zemmour ; qu’enfin le populisme - sous-entendons le peuple qui ne vote pas à gauche et ne devrait sans doute pas se voir octroyer le droit de voter - n’est rien d’autre que du fascisme déguisé.
Telles sont en gros les opinions de gauche, à connotation morale puisqu'elles convoquent le Bien, le Bon et le Juste, qui nous sont quotidiennement assénées par des médias complaisants ou peu regardants en matière de réflexion critique. Cette éthique socialisante, si elle vise à l’exemplarité comme toute morale, ne va pas sans véhiculer un double problème. 
Le premier d’entre eux est lié à la fameuse prétention à l’exclusivité des valeurs de gauche. Non seulement celles-ci se veulent universelles mais elles dénient à toute autre valeur le droit de cité. La morale religieuse ? Seulement un produit déplorable de l’archaïsme et de l’obscurantisme, même s'il faut affecter, pour mieux le fustiger, d’en être revenu aux jours sombres du petit père Combes et de la lutte entre l’Eglise et l’Etat. Le retour à la tradition ? Une simple réaction d’attardés mentaux, inaptes à saisir la modernité comme le progressisme. D'ailleurs, comment peut-on être à ce point débile qu'on ne comprenne pas que les crèches de Noël dans les mairies sont plus dangereuses que les prières musulmanes débordant (j'évite sciemment "envahissant" qui a déjà valu à Mme Le Pen d'être condamnée par notre excellente justice) sur la voie publique  parisienne ?
Il s’ensuit un comportement singulièrement dangereux des moralistes de gauche en termes de sectarisme et d’intolérance, voire des réflexes carrément autoritaristes : soit de type léniniste suivant lesquels tout est permis pour assurer le triomphe des progrès et de la lumière ("lumière" au sens Jack Lang et non pas des Encyclopédistes du XVIIIe siècle …), la fin justifiant décidément les moyens ; soit de type Robespierre-Saint Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». C’est ainsi que la gauche de Christiane Taubira et de Manuel Valls a réprimé en toute bonne conscience La Manif pour tous qui s’est vu privée du droit élémentaire à l’expression (et tant pis pour les droits de l’homme qu’on ne marchande pourtant pas aux islamistes ou à la moindre minorité sexuelle ou ethnique). C'est ainsi que Najat Vallaud Belkacem, après avoir travaillé à imposer la théorie du genre à l'école, y a tout de même introduit l'enseignement de l'arabe et y a éradiqué le latin et le grec. C’est ainsi que la gauche de Marisol Touraine entend à présent réprimer les élus qui ne se conforment pas rigoureusement aux canons de LGBT : dernière manifestation en date, la ministre vient de saisir la justice contre des municipalités qui n’acceptent pas que certaines affiches dans les rues, sous couvert d’une campagne contre le Sida, cherchent à imposer l'homosexualité comme norme commune.
C’est ainsi, accessoirement, qu’on ne s’émeut guère au parti socialiste que des gens de gauche s’en aillent polluer la primaire de la droite en allant faire barrage par leur vote, moyennant deux euros par tête, hier à Nicolas Sarkozy et peut-être demain à François Fillon. Certes, objectera-t-on benoîtement, la primaire est déclarée « ouverte ». Mais il s’agit en l’occurrence d’une question élémentaire de morale qui devrait à tout le moins donner des scrupules aux gens de gauche - entre 350 000 et 600 000 électeurs, selon les estimations - de s’immiscer déloyalement dans le débat de la famille de droite qui ne les concerne guère. Or ceux-ci n’ont cure de tels scrupules et s’assoient allègrement au passage sur la « Charte de l’alternance » de la droite qu’ils n'ont pas hésité à signer sans la moindre vergogne. La signature ? La parole donnée ? La loyauté dans tout cela ? Voir la simple honnêteté ? Des broutilles à leurs yeux, simplement des valeurs de droite quand ce ne sont pas des valeurs ringardes ou vides de sens à l’heure du relativisme.
Morale de gauche, nous dit-on ? Il faut cesser de nous bassiner, pour rester poli, avec toutes ces fadaises après Dominique Strauss Kahn et sa façon si particulière - seulement "libertine" nous assure la gauche bienpensante - de considérer la femme. Après Jérôme Cahuzac et ses comptes en Suisse et à Singapour. Après Thomas Thévenoud, l'homme qui prétend souffrir de phobie administrative, surtout si cela peut lui éviter de payer ses impôts ou son loyer. Après François Mitterrand, ce président qui eut une double vie privée financée par les deniers publics et en a même fait – sous le regard attendri de certains de nos intellectuels – un genre littéraire. Après François Hollande qui s'empresse de tromper sa compagne à la sauvette, avec scooter et casque, sitôt qu'elle a le dos tourné (les féministes apprécieront la classe du personnage). Après Christiane Taubira, première Garde des Sceaux mais aussi première titulaire du poste à avoir un fils en prison. Après Marisol Touraine qui, elle aussi, a un fils derrière les barreaux (pour escroquerie et chantage envers une personne âgée). Après Laurent Fabius dont le fils a tout autant maille à partir avec la justice et manie les millions d'euros d'une manière aussi douteuse que son père administre les leçons de morale ou de convenance. Après Laurent Joffrin qui, aveuglé par une haine qui ne s'est point apaisée avec le retrait de Sarkozy, piétine aujourd'hui la mémoire des victimes des attentats islamistes en osant comparer François Fillon à Tariq Ramadan. Après Cambadélis et Harlem Désir qui ont déjà été sous le coup d'une condamnation pénale, après Kader Arif, contraint de démissionner en catastrophe du gouvernement, qui pourrait l'être prochainement ...

Après un tel florilège, sans préjudice de ce qu'on pourrait bien découvrir ou exhumer dans un avenir proche, que reste-t-il des valeurs morales passées, bien réelles celles-là, d’un Jean Jaurès ou d’un Léon Blum ? Plus grand-chose si ce n’est des relents fort peu ragoutants, quoique toujours efficaces politiquement, d'intolérance crispée. Si ce n’est également ce viatique paraphrasant André Laignel, le légendaire maire socialiste d’Issoudun dont le cynisme était inversement proportionnel à la taille : vous avez moralement tort parce que vous êtes idéologiquement minoritaire…



mardi 22 novembre 2016

Il va leur manquer …




Sarkozy jette l’éponge. La France perd un homme d’Etat, quand elle en compte déjà si peu, la classe politique un bouc-émissaire et la presse un « bon client ».


Ainsi donc, la messe est dite et l’histoire retiendra que la carrière politique de Nicolas Sarkozy s’est arrêtée dimanche 20 novembre 2016 sur le coup de 22 heures. Ce qu’elle ne dira pas en revanche, enfin pas tout de suite, c’est à quel point l’intéressé désormais à la retraite va manquer à une foule de gens.

S’est-on vraiment rendu compte à quel point l’anti-sarkozysme aura représenté, au cours de ces dernières années, un fonds de commerce politique et médiatique particulièrement lucratif ? Aura-t-on comptabilisé le nombre de « unes » lapidaires qu’il aura suscitées, le nombre d’articles assassins qu’il aura inspirés ? De belles âmes – c’est, bien sûr, une façon de parler – de Catherine Deneuve à Benjamin Biolay en passant par l’inévitable Jean-Michel Ribes, ont trouvé dernièrement à s’émouvoir du « Hollande bashing ». Mais qui se sera préoccupé d’un « Sarkozy bashing » d’autant plus permanent et convenu, toute une décennie durant, qu’il participait d’un politiquement correct orchestré par les élites dites convenables ? Celles-ci n’eurent jamais d’indignations assez vertueuses pour vitupérer ici le côté « nauséabond » et là, la vulgarité populiste supposée de Sarkozy.


Il n'est pas rare que la vie politique se trouve des bouc-émissaires qui ne sont, au fond, que les révélateurs des insuffisances d'une société. La France se sera ainsi habituée sans barguigner à François Mitterrand, à son cynisme et à ses mensonges en cascade, à sa double vie privée – aux frais de la République, soit dit incidemment – à ses amis collabos, sans parler de sa prédilection pour les écoutes téléphoniques tous azimuts. Choque-t-il la postérité ? Pas exactement puisqu'on célèbre aujourd’hui encore le président socialiste non sans que les bienpensants ne s’émeuvent, au passage, de ses lettres d’amour à sa maîtresse. 


La France s’est résignée sans tapage à Jacques Chirac, à son immobilisme légendaire, à sa trivialité corrézienne genre tête de veau sauce ravigote et bière à toute heure, sans parler de son rapport plutôt opaque – pour rester sur un mode mineur - à l’argent. Nul doute que celui qui est devenu désormais « saint Chirac » aura droit à des obsèques nationales. Au fond, c’est comme pour Johnny Hallyday : toutes les générations de l’hexagone l’auront connu…


Or c’est cette même France qui n’aura jamais vraiment accepté Nicolas Sarkozy, hormis son élection de 2007 à l’Elysée. A cause du « bling-bling » du Fouquet’s et du yacht de Bolloré ? Ou à cause du « casse-toi pauv’ con » voire du « karcher » ? Restons sérieux. Il ne s'agit-là que de broutilles en comparaison des maîtresses plus ou moins voyantes de Chirac, de ses frais de bouche extravagants à la mairie de Paris, de ses séjours dispendieux payés aux frais de la princesse – ou du roi du Maroc, ce qui pour un président ou pour un ancien président français … - à Marrakech ou à l’île Maurice ou de son vrai-faux appartement parisien du quai des Grands Augustins. Broutilles également en comparaison de la façon dont Hollande aura abaissé la présidence en lieu de vaudeville – de son inénarrable scooter aux frasques dérisoires de Madame Trierweiler – voire en tribune journalistique indécente.  

Reconnaissons-le franchement : notre société française n’a jamais accepté Sarkozy parce qu’il est dérangeant et parce qu’elle-même est hypocrite, frileuse et abhorre par-dessus tout qu’on lui assène certaines vérités. La France est définitivement un modèle, qu'on se le dise, et ne peut tolérer qu'on lui fasse impunément la leçon. Quelles vérités ? Sur son conservatisme étriqué, par exemple, ou sur son ambiguïté à jouer de l'égalitarisme alors qu'elle ne renie pas sa prédilection pour les privilèges ; sur sa révérence excessive envers les « héritiers » dénoncés naguère par Bourdieu ou sur sa hantise viscérale des réformes ; sur son besoin d’être cocoonée, flattée, confortée dans l’idée qu’elle est « le pays des droits de l’homme » ou encore « le pays d’une laïcité et d’un modèle social » voire « le pays du vivre-ensemble » que le monde entier nous envie. Ceux qui n’entonnent pas cette rengaine sont les empêcheurs de tourner en rond, a fortiori ceux qui s'emploient à détourner brutalement les Français de ces rêveries auxquelles les convient invariablement le pouvoir socialiste.

Sarkozy aura été cet homme-là. Atypique, il aura tenté de bousculer les Français, parfois maladroitement il est vrai, et sans égards ni préavis. Ils ne le lui ont jamais pardonné. Ils l’ont donc rejeté, vilipendé, insulté, humilié, à droite comme à gauche. Ils lui ont voué une haine inextinguible et à maints égards irrationnelle qu’aura symbolisé le « TSS », « Tout sauf Sarko ». A droite ? Les candidats à la primaire ont à peu près tous prospéré sur l’anti-sarkozysme, de Juppé à Fillon, sans parler des seconds couteaux, les plus acharnés à coup sûr, de Copé à NKM. Que va-t-il ainsi rester à Juppé, lui qui espérait tant profiter jusqu’au deuxième tour de l’effet repoussoir représenté par l’ancien chef de l’Etat ? Pas grand-chose et l'on peut constater, dès le lendemain du premier tour des primaires, le vide sidéral de son « programme », aussi timoré que centriste, passé jusque-là au second plan. D’où l’antienne anti-sarkozyste que Juppé entonne derechef … contre Fillon cette fois, dont il rappelle assez pitoyablement qu’il fut le premier ministre de Sarkozy et reste donc frappé du péché originel. Comme si Juppé, lui, n’avait pas été ministre dans le gouvernement Fillon…


A gauche, là aussi, le vide ne va pas tarder à se faire sentir. Même si l’on n’a pas fini d’entendre parler de l’« ultra-libéralisme », du « conservatisme chrétien » voire du « thatchérisme » de Fillon, nul doute que Sarkozy manque déjà à Hollande. Il ne manquera pas moins aux pseudos-commentateurs qui auront manié l’insulte au-delà de toute convenance. Il manquera tout particulièrement au Monde et à Libération dont il était la tête de turc privilégiée. Est-ce un hasard si le directeur éditorial de Libé, Laurent Joffrin, s’est livré le lundi matin à un dernier baroud d’honneur, véritable feu d’artifice de vulgarité envers un perdant dont l’élégance à reconnaître sa défaite et à tirer sa révérence a été saluée par tous ? Est-ce un hasard, si tel chroniqueur de gauche sur Radio-Classique s’est cru obligé de narguer sur un ton goguenard son collègue de droite ? Est-ce un hasard si tel politologue classé à gauche arborait un petit sourire narquois de condescendance un rien lassée, à croire que la gauche venait de gagner l’élection ?

 
Cette gauche décidément mesquine a les petites et dérisoires satisfactions qu’elle peut.  Qu’elle en profite bien surtout car le temps n’est pas si lointain où elle devra se rabattre sur le registre des valeurs, qu’elle sait si bien piétiner au besoin, ou de la vertu indignée qu'elle brandira encore fièrement ... malgré Cahuzac, Thévenoud et tant d'autres encore.   

vendredi 18 novembre 2016

Hier le chagrin et la pitié, aujourd’hui la honte



Une famille veut prénommer son enfant « Mohammed Merah ». Le Procureur de la République se borne à vouloir protéger l’enfant …

La France est en guerre, le chef de l’Etat lui-même l’a annoncé et le premier ministre nous le confirme régulièrement par le biais de reconductions d’un état d’urgence auquel, soit dit en passant, semble désormais répugner le Conseil d’Etat en la personne de son vice-président.

Mais il y a une personne au moins à qui on ne l’a pas dit ou qui ne l’a pas entendu ou encore qui fait « comme si » : le procureur de la République de Nice. On apprend, en effet, que le parquet niçois vient d’engager une procédure pour modifier le prénom d'un petit garçon déclaré à l'état civil sous le nom de "Mohamed, Nizar Merah" évoquant celui du tueur djihadiste de Toulouse et Montauban en 2012.

Fort bien, c’est la moindre des choses pourrait-on en conclure logiquement. Il existe tout de même un problème. Au regard des tueries de Charlie Hebdo, du Bataclan et de la Promenade des Anglais, le massacre de Merah semble bien être passé à la trappe. Une broutille en comparaison des tueries de masse susdites ? Pour être odieuse, l'interrogation n'en explique pas moins une certaine amnésie sélective. Rappelons à toutes fins utiles à ceux qui l’auraient oublié qu’en mars 2012 – il y a quatre ans et demi, une éternité – Mohammed Merah avait successivement assassiné le militaire Imad Ibn-Ziaten puis deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf et Mohamed Legouad, enfin dans une école juive toulousaine Jonathan Sandler, ses fils Arié et Gabriel, âgés respectivement de cinq et trois ans, ainsi que Myriam Monsonego, huit ans. Lâchement et de sang-froid. L'horreur à son comble.

Eh bien, cette horreur innommable où des gamins ont été achevés d’une balle dans la tête parce que juifs et filmés en vidéo, il semble bien que d’aucuns l’aient oubliée en chemin. Souvenons-nous qu’en août dernier, une quarantaine de personnalités « françaises et musulmanes » s’étaient fendues d’une tribune dans Le Journal du Dimanche à l’occasion de laquelle elles se déclaraient prêtes à assumer leurs responsabilités et dénonçaient les meurtres perpétrés par les islamistes, de l’assassinat d’un couple de policiers à celui du prêtre de saint-Etienne-du Rouvray en passant par le massacre du 14 juillet … mais en omettant soigneusement l’Hyper Cacher de Vincennes et Mohammed Merah.

On ne sache pas que ces « personnalités » se soient jamais excusées pour une telle omission, ce qui est une façon de faire mourir une deuxième fois les victimes juives concernées. Mais il semble bien qu’aujourd’hui on assiste à une sorte de troisième mort de ces mêmes victimes.

En effet, s’opposer à ce qu’un enfant porte le nom de ces criminels est normal de la part d’un Etat digne de ce nom. Ce qui l’est moins est la motivation juridique pour ce faire. A écouter le Procureur de la République lors d’un point de presse, « donner un prénom à un enfant qui a déjà le nom d'un terroriste très notoirement connu en France est quelque chose qui peut porter préjudice à l'enfant"…
Ah oui, sans doute. Objectons qu’il est tout de même un tantinet réducteur d’envisager uniquement le point de vue de l’enfant – certes réel – en jetant systématiquement aux oubliettes le tourment que cette décision parentale fait resurgir chez les proches des victimes de Merah ; en occultant le scandale par lequel une famille apparemment française glorifie ouvertement la mémoire d’un assassin « notoirement connu » (le Procureur ne pouvait-il donc pas parler pour une fois d'islamiste pour que certains ne fassent pas la confusion avec Pierrot le Fou ?) La honte absolue pour un Etat à ce point inhibé qu'il n’ose même plus nommer l’infamie comme il convient en se retranchant derrière des considérations, triviales en l’occurrence, dénotant un juridisme aussi étroit que chafouin.

Et pour que ne subsiste aucune ambiguïté, en réponse à une journaliste qui supputait la "provocation », l’« inconscience » ou l’« imbécilité" des parents de l’enfant, le magistrat a cru bon d’en rajouter une couche : « C'est vraiment par rapport à l'intérêt pur de l'enfant, et non par rapport à un contexte, ou une religion ou un radicalisme violent supposé que les choses sont prises en compte ». Un « radicalisme violent supposé », la formule en sidérera plus d’un. Et d’ailleurs, au cas où on ne l’aurait encore pas compris et afin que toute honte soit bue irrévocablement, le magistrat de préciser que "c'est de la responsabilité propre de la mairie d'avoir communiqué sur ce dossier particulier, ce n'est pas de mon fait, ni semble-t-il du fait de la famille non plus". C’est donc, selon lui, la mairie de Nice qui a semé le désordre par sa dénonciation de cette décision parentale, piétinant en cela le sacro-saint "vivre ensemble", dans laquelle elle a vu une apologie du terrorisme : ce que ferait d’ailleurs n’importe quel esprit normalement constitué, fût-il juriste.

Bien sûr, n’en doutons pas, nous nous verrons d’ici peu infliger un cours de droit d’où il ressortira qu'en France, depuis 1993, les officiers d'état civil ne peuvent plus décider d'interdire un prénom. Bien sûr, on restera dans l'orthodoxie légale la plus irréprochable dans la mesure où c’est un tribunal qui devra trancher in fine de la question… une fois épuisés tous les recours possibles à l’occasion desquels sera, bien sûr, pilonné le caractère anti-démocratique et liberticide de l’Etat français avec toute la propagande y afférente des Tariq Ramadan et consorts. Bien sûr, le parquet saisira vraisemblablement le juge aux affaires familiales comme le lui permet le code civil. Il y aura même une enquête sur le contexte familial ... pour tout dire l'arme nucléaire : nul doute que les intéressés en tremblent d’effroi par avance.

Il restera le comportement d’un magistrat, et il n’est guère le seul malheureusement, de toute évidence pétrifié à l’idée de nommer les choses et de qualifier les faits correctement voire s’excusant presque par avance de ce qu’il est manifestement contraint de faire, poussé par une municipalité qu’il ne se ferait pas grande violence à caractériser comme extrémiste.

Hier, on évoquait le chagrin et la pitié. Aujourd’hui, il s’agit bel et bien de honte.