Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 23 décembre 2016

Le vrai visage de Barack Obama ?



Tout à la fin de son mandat présidentiel, Barack Obama fait montre d'une agressivité qui est de nature à altérer une image jusque-là peu vulnérable.

On nous l’aurait donc changé ou quoi ? Nous connaissions Barack Obama, pondéré, mesuré, élégant. C’était son signe distinctif, sa marque de fabrique et, en tout état de cause, ce qui devrait rester de lui pour la postérité. Et pourtant, depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, ce n’est plus le même homme : le président sortant apparaît désormais amer, désabusé voire étonnamment vindicatif. A maints égards, il se lâche. Montre-t-il son vrai visage depuis qu’il est devenu un « lame duck », un canard boiteux sans pouvoir véritable jusqu’à l’inauguration de son successeur, le 20 janvier prochain ?

Il n'y a guère de hasard en la matière. Au fond, la défaite d’Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche est aussi la sienne. D’abord parce qu’il s’est engagé – et sa famille avec lui - en faveur de son ancienne adversaire comme peu de présidents se sont engagés dans le passé. En 2000, Bill Clinton n’avait soutenu que mollement son ancien vice-président Al Gore lequel, il est vrai, ne le sollicitait guère. De même Ronald Reagan n’était-il pas venu à la rescousse de George Bush Sr en 1988, pas plus que George Bush Jr, vingt ans plus tard, avait prêté main forte au candidat républicain John McCaine. Au demeurant, Obama était d’autant plus stoïque dans son soutien à Hillary Clinton qu’il détestait les Clinton de longue date, ceux-ci le lui rendant bien de toute évidence.

Mais surtout, Obama se battait pour sa propre chapelle en souhaitant aussi ardemment la victoire d'Hillary. Avec elle à la Maison Blanche, en effet, son héritage présidentiel avait toutes les chances de demeurer à peu près intact pour l’histoire. Ce n'est plus le cas dans la mesure où cet héritage sera bientôt décortiqué en détail et où il n'est pas certain que l'inventaire tourne à son avantage. Il devrait être d'ailleurs détricoté en une large mesure. Regretté ? Voire. 

L'opinion commence à se répandre aujourd'hui ouvertement d’un échec patent de la présidence Obama. Certes, à sa décharge le Congrès ne s’est pas privé de lui mettre des bâtons dans les roues et de saboter sa politique. Au-delà, pourtant, son programme social montre déjà ses limites tout autant que ses aspects pervers envers les grands équilibres budgétaires, tandis que sa politique extérieure est un échec manifeste sur les deux dossiers cruciaux que sont le conflit israélo-palestinien et le monde arabe, d’un côté, et les rapports avec la Russie d’un autre côté. La déstabilisation régionale résultant des soi-disant « printemps arabes », le président américain en est en grande partie responsable avec son fameux discours du Caire. Les relations exécrables avec Moscou, c’est lui également.

Obama est d’ailleurs tellement conscient de ses échecs qu’il est en train de perdre ses nerfs, vis-à-vis de la Russie et de son leader Vladimir Poutine précisément. Jusqu’au bombardement d’Alep, il s’était habilement gardé d’attaquer trop ouvertement le Kremlin sur la Syrie, ce qui serait revenu à souligner en creux sa propre impéritie sur cette question – cette fameuse « ligne rouge » de juin 2013 au regard de laquelle il était demeuré impavide lorsque Bachar el Assad l'avait contournée. Mais Obama croit à présent pouvoir faire coup double en surjouant l’indignation sur les pressions supposées de la Russie lors des dernières élections présidentielles américaines : il règle ainsi ses comptes avec Poutine tout en tâchant de remettre implicitement en cause la légitimité de l’élection qui a porté Donald Trump au pouvoir.

Le problème cependant est que son combat d’arrière-garde n’est ni élégant, ni crédible. Quoiqu’en aient certains démocrates, qui trahissent ainsi leur côté de « mauvais perdant », il est bien trop tard pour contester l’élection de Trump. Quant à Moscou, la charge de la Maison Blanche sur les cyberattaques – qui auraient favorisé la victoire de Trump - la laissera sans doute indifférente : de même que le trait venimeux d’Obama, peu digne de son auteur, par lequel il vient de taxer la Russie de « petit pays » ; sans parler évidemment des menaces de représailles qui font l'effet de coup d'épée dans l'eau.

Obama se croit-il revenu au bon vieux temps de la guerre froide ? En tout cas, il se prendrait presque à le souhaiter vu sa façon un peu risible d’en appeler aux mânes du président Reagan … un Républicain dont lui-même devait probablement condamner en son temps l’agressivité et dont il considère aujourd’hui qu’il doit « se retourner dans sa tombe ».

En vérité, après toutes les affaires sur les emails controversés d’Hillary Clinton, qui ne l’ont guère fait sourciller, Obama joue dangereusement vis-à-vis de la Russie. Il en deviendrait presque irresponsable si sa parole politique avait encore du poids, ce qui n’est plus le cas. Après janvier, on peut compter sur ses thuriféraires, qui sont en même temps bien sûr les contempteurs les plus virulents de Trump, pour gloser sur la prétendue irresponsabilité du nouveau président. Obama, lui, n’en sortira pas grandi.

S’il est vrai que le verdict de l’histoire est souvent incertain et met du temps à se décanter, Barack Obama a de quoi se montrer nerveux quitte à altérer son principal atout : son équation personnelle.

mercredi 7 décembre 2016

Tu voteras socialiste, mon fils



Si tu peux vanter les valeurs de gauche sans toi-même t’y conformer,

Si Aubry, Taubira ou Mélenchon tu adules sans désemparer,

Si le service public tu vénères même s’il est délabré,

Si dans le culte des fonctionnaires tu as été élevé,

Si Sarkozy et Fillon tu exècres sans même y songer,

Si tu peux lire Télérama et Le Monde sans en rester déprimé,

Si tu écoutes France Inter sans en être écoeuré,

Si du Code du Travail tu es devenu addict sans même y penser,

Si de l’assistanat et de l’Etat Providence tu ne saurais te dispenser,

Si Finkielkraut et Onfray tu abhorres sans les avoir feuilletés,

Si de Jack Lang et autres Hidalgo tu es un affidé,

Si par Najat et Marisol tu n’es pas découragé,

Si les bobos et les transgenres sont ta tasse de thé,

Si tu donnes des leçons de morale sans oser te les appliquer,

Si tu te complais à voir les classes moyennes se faire plumer, 

Si, malgré tous tes privilèges, tu prônes l'égalité, 
Si de Hollande Moi-Président tu appréciais la normalité,

Si par la primaire du PS tu deviens obsédé,

Si de Ségolène à Valérie puis de Valérie à Julie tu es passé sans sourciller,

Si de Cahuzac, Cambadélis, Thévenoud et autres Désir, tu louais la probité,

Si les migrants, fussent-ils clandestins ou en surnombre, tu ne cesses d’idolâtrer,

Si tu peux être, penser et faire tout cela, tu voteras socialiste, mon fils.

vendredi 2 décembre 2016

Légende




Ou comment, par la seule vertu de son retrait, un président narcissique et constamment décalé par rapport à ses fonctions, peut se retrouver magnifié au-delà de toute décence.

Il n’aura pas fallu bien longtemps, après que François Hollande a annoncé sa renonciation à la course présidentielle de 2017, pour que surgisse une de ces légendes dont la gauche reste plus que jamais friande faute de savoir affronter la réalité : celle de la dignité, du courage voire de l’élégance du président sortant.

On en viendrait presque à sourire si quelques responsables de droite, ceux qui ont toujours été tétanisés par la gauche ou pas encore décomplexés par Fillon, n’entonnaient pas le même refrain sur Hollande. Certes, comme chacun sait, il est malsain de tirer sur une ambulance surtout si celle-ci a l’apparence d’un corbillard. Certes encore, que reste-t-il aux pauvres caciques socialistes ainsi cocufiés sinon prononcer l’éloge funèbre de celui qui s’en va rejoindre le cimetière des éléphants aux côtés de ces autres nouveaux retraités que sont Sarkozy et Juppé ? Il est non moins vrai que certains leaders de droite se croient encore et toujours obligés de donner des gages de soumission à la gauche.

Mais enfin, pour le coup, trop c’est trop ! Sauf à admettre que les mots n’ont plus aucun sens, un peu de rigueur dans le choix des qualificatifs et des substantifs n’eut sans doute pas été superflu.

Le « courage » du président pour annoncer son renoncement ? On peut admettre que l’exercice n’ait pas été agréable à l’intéressé. Et alors ? Le courage véritable, surtout après avoir décliné les soi-disant « réussites » de son quinquennat, n’eut-il pas été d’affronter le verdict populaire à commencer par celui de sa propre famille politique à l’occasion de primaires ? Si son bilan avait été aussi éclatant, sa candidature au renouvellement n’eut-elle pas été une simple formalité ? Une fois encore, la gauche donne dans l’imposture en laissant accroire que le bilan de Hollande est formidable. Et que si, l’intéressé renonce au final, c’est simplement en raison de son impopularité. Oui mais, quelle est la cause de cette impopularité ? Là, c’est silence radio.

L’imposture corrélative consiste à assimiler le courage à la renonciation, l’esquive ou l’évitement, des vertus typiquement « hollandaises » on en conviendra. Courage, l’habileté tactique ou le goût immodéré pour la synthèse ? Gageons que ces derniers sont très exactement l’antithèse du courage car ils révèlent une répugnance viscérale à trancher ou à décider, donc à prendre des risques. Courage, cette façon d’annoncer d’une voix blanche, défaite et balbutiante – pour un homme fier de son bilan … - qu’il tire sa révérence ? Le courage, le vrai, aurait été bien plutôt de faire lucidement le bilan critique de son action pour en arriver à la conclusion inéluctable du renoncement.

A l’inverse, tout se passe comme si Hollande désertait le terrain à la veille de la bataille. « Sans moi » a pu en ce sens titrer Libération, soulignant implicitement la part de lâcheté consistant à abandonner son camp ou sa famille en un instant aussi critique. Le prétendu courage de Hollande, au fond, n’est qu’antiphrase, que réalisme sur son impossibilité politique à briguer un second mandat présidentiel : en dépit de tous ses efforts, de toutes ses manœuvres et de toutes ses intrigues. Les carottes étant cuites, il en a tiré la conclusion aveuglante à laquelle beaucoup étaient parvenus avant lui Et il n’y a aucun courage particulier à s’affranchir d’une claque au demeurant amplement méritée.

Quant à la « dignité » du président se sacrifiant au nom de l’intérêt de la patrie, on repassera. Où est, une fois encore, le sacrifice pour un leader tellement impopulaire et démonétisé qu’il ne lui restait plus qu’à se retirer ? Sacrifice pour la patrie, là on rigole franchement et ce, d’autant plus qu’il est fort probable que la popularité de Hollande grimpe en flèche au cours de la période à venir. La raison ? Les Français sont heureux d’être désormais débarrassés de ce boulet insupportable d’autosatisfaction, de cet homme d’ambiguïté passant le plus clair de son temps à mentir sur son action et à travestir la réalité.

Dignité ? Demandons donc à Claude Bartolone, parmi d’autres, ce qu’il pense de la manière plutôt expéditive par laquelle Hollande a déblatéré sur son compte devant des journalistes qui n’en attendaient pas tant. Même au moment de son renoncement, un Hollande lamentablement hésitant n’aura su trouver les mots pour s’élever à la hauteur de la dignité présidentielle. Pouvait-on décemment attendre autre chose de la part d’un énarque classiquement arriviste, mué en politicien madré à l'ancienne ? Telle combinaison improbable ne pouvait qu'être fatale.

A cet égard, la palme advient sans conteste, comme il advient de plus en plus fréquemment ces temps-ci, à l’inénarrable Laurent Joffrin de Libération qui évoque l’« élégance » de Hollande, ce à quoi ne se sont jamais résignés même ses thuriféraires les plus zélés. Il fallait le faire !  Il fallait oser affubler d’élégance un homme en proie à l’obsession de harceler, par justice ou presse interposée, son prédécesseur déjà battu dans les urnes. Il fallait oser parler d’élégance à propos d’un homme qui aura laissé complaisamment ses exécuteurs de basses œuvres accabler un homme de leur haine, l’avilir, lui cracher dessus. Elégance pour un président qui, le jour de son investiture, a infligé à son prédécesseur l’affront aussi mesquin qu’ostensible de ne pas le raccompagner  sur le perron de l’Elysée. Elégance pour un président qui, avec scooter et casque, s’en va minablement en goguette tromper sa compagne du moment. Elégance pour un président narcissique n’hésitant pas de semaine en semaine à cracher son venin en catimini face à des journalistes.  

Il peut arriver que les césures politiques soient difficiles à déchiffrer, surtout lorsqu’elles procèdent du retrait d’une personnalité ou de sa disparition. On se demande alors à bon droit : sera-ce un débarras ou un embarras ? Dans le cas de Hollande, poser une telle question revient à y répondre.