Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 31 mars 2017

La judiciarisation de la politique



Nos magistrats n’ambitionnent certes pas un « gouvernement des juges » mais leur manipulation par le pouvoir pose un grave défi à la démocratie.

Quelle que soit son issue désormais, la campagne présidentielle française aura été vérolée par les « affaires » visant le candidat de la droite François Fillon et, à un degré moindre, la candidate du Front National, Marine Le Pen. Au grand écoeurement des électeurs qui vont sans doute battre des records d’abstention ou de vote blanc, la justice tend à prendre le pas sur la politique. Quant aux manœuvres médiatico-judiciaires – via la violation éhontée du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence – elles ont fini par prévaloir sur les débats de fond dont les Français auront été privés.

Il est clair que cette élection se solde par une confiscation du politique du fait des purificateurs éthiques – notamment ces journalistes grassement payés des chaînes infos qui, dédaignant les débats de fond pour ne s’intéresser qu’aux affaires, s’érigent volontiers en donneurs de leçons – et du fait de la justice, cette dernière s’arrogeant le droit d’interférer explicitement sur la volonté éventuelle de l’électorat. Et ce, beaucoup plus efficacement encore qu’en 2012 lorsque des syndicats de magistrats avaient appelé sans vergogne à voter contre N. Sarkozy.

A cet égard, précisons que ce n’est pas tant le principe de la mise en cause de F. Fillon qui est choquant que le moment choisi pour ce faire (comme par hasard, juste après la primaire de la droite) ainsi que le rythme anormalement précipité d’une procédure (en dépit de toutes les dénégations des magistrats et de leurs séides dans la presse) qui devrait prendre encore plusieurs mois. Pourquoi avoir déclenché la grosse artillerie en l’espace de seulement quelques heures si ce n’était pour démolir F. Fillon, le favori de l’élection ? Tout se passe à l’évidence comme si, manipulant comme personne ne s’y était risqué auparavant, les leviers de la justice et les ressorts des médias, la gauche – oui, celle de Cahuzac, de Thévenoud ou de Yamina Benguigui et autres Kader Arif - avait décidé de conjurer son inéluctable désastre électoral par la voie judiciaire.

Certes, derrière une telle interférence se profile le spectre d’un gouvernement des juges, sous la houlette (sans mauvais jeu de mots) d’un Syndicat de la magistrature plus partial et plus idéologisé dans son impudence que jamais. Rappelons à cet égard ce que certains magistrats répugnent à admettre : de par notre Constitution, l’institution judiciaire n’est pas l’égale des instances exécutives et législatives, celles-ci étant des pouvoirs alors que celle-là n’est qu’une autorité. Or, l’autorité reste inférieure en valeur aux pouvoirs qui sont les seuls à tirer leur légitimité de la souveraineté populaire.

Il est vrai que cette question du rôle croissant de l’appareil judiciaire devient presque frivole face aux agissements de l’Etat qui se disqualifie lui-même. Revenons sur ce véritable scandale, que la presse a traité avec la plus parfaite indifférence, par lequel Emmanuel Macron est allé s’excuser en Algérie des « crimes contre l’humanité » dont la France se serait rendue coupable, il y a plus d’un demi-siècle. Quelques années auparavant, c’était Ségolène Royal qui était allée s’excuser « au nom de la France » pour les propos tenus par le Président Sarkozy sur l’Afrique censée « être sortie de l’histoire ». Notons d’ailleurs que, dans les deux cas, ce sont des personnalités politiques de gauche qui se répandent ainsi en excuses et le font au nom de la France alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Relevons aussi que, contrairement à tous les usages et à décence la plus élémentaire, ils le font à partir d’un pays étranger, l’un à Alger et l’autre à Dakar.

On sait depuis des lustres que la gauche donne à fond dans la théorie de l’excuse et la culture des bons sentiments dans le but de ratisser électoralement plus large, selon le théorème bien affûté de Terra Nova. Elle incite également avec persévérance les tribunaux à jouer de l’excuse afin d’atténuer les sanctions contre délinquants et multirécidivistes qui, par hypothèse, ne seraient que des « victimes de la société ».

Mais voici à présent que le gouvernement entend ériger les excuses en politique, à considérer celles adressées dernièrement « au peuple guyanais » par Ericka Bareigts, la ministre des « Outre-mer » dont on ignorait sans en souffrir excessivement jusqu’à l’existence même. Une petite précision au passage : certes, cette ministre a été choisie pour ses « compétences » - entendez son appartenance au parti socialiste – mais on aurait pu lui apprendre au passage que le « peuple guyanais » n’a pas d’existence légale. Notre Constitution, en effet, dispose en son article premier que la République est indivisible et qu’une telle indivisibilité induit l'unicité du peuple français. Ce n’est pas pour rien que, dans sa décision relative au statut de la Corse en mai 1991, le Conseil constitutionnel a considéré que la reconnaissance d'un peuple corse, composante du peuple français, était contraire à l'article premier de la Constitution de 1958.

Mais ce n'est qu'un détail dérisoire pour la ministre et le gouvernement à sa suite qui, au droit, préfèrent manifestement la démagogie. Quand on songe que ce sont ces gens-là qui se donnent les gants de vitupérer le populisme ! Le plus navrant dans cette affaire est que, non content d’avoir rendu l’Etat impuissant au point de le ridiculiser, la gauche persiste à le disqualifier en s’excusant en son nom. Savent-ils qu’un Etat digne de ce nom n’a pas à s’excuser et que ses excuses sont tenues, à juste raison, pour de la faiblesse ? Que, sans même remonter à Richelieu et à sa « raison d’enfer », de Gaulle ne s’est jamais excusé pour Vichy et sa participation au génocide ? Que les Américains ne se sont jamais excusés pour le massacre des Indiens et pas davantage pour le Vietnam ? Que le Japon ne s’est pas plus excusé pour les exactions que son régime militaire a commises durant la dernière guerre ?

Cela étant, soulignons que la gauche française n’a pas le monopole judiciarisation. Son équivalent outre-Atlantique – la fameuse gauche libérale – s’ingénie également à en appeler de sa déroute aux dernières présidentielles par la mise en cause obstinée du président Trump. Du jour même de son investiture, l’opposition soi-disant démocrate rêve ouvertement d’un impeachment du président et y travaille désormais activement. Pour l’heure, cette opposition ne dispose guère d’une majorité substantielle au Congrès pour concrétiser ses desseins mais cela ne l’empêche pas de supputer d'ores et déjà d’éventuels chefs d’accusation : de la « trahison » du président lors de la campagne du fait des accointances de certains de ses proches avec la Russie, aux dépenses somptuaires du nouveau locataire de la Maison Blanche pour ses week-ends en Floride ou pour la protection de sa famille ou de ses biens, en passant par le crime imprescriptible que constituerait pour certains son abandon de la politique de son prédécesseur en matière d’environnement. Chez nous, le quotidien Libération dénonce d’ores et déjà l’« écocide » perpétré par D. Trump. Nul doute qu’il se trouvera bien quelques activistes à la gauche du parti démocrate américain, parmi les anciens de Bernie Sanders ou ailleurs, pour lui emboîter le pas.

Les paris sont ouverts : quand le président américain subira-t-il le sort de R. Nixon, au nom de la morale et des valeurs démocratiques ? Les plus réalistes estiment qu’il faudra patienter jusqu’aux élections de midterm, dans deux ans, pour permettre aux démocrates d’engager l’épreuve de force. En France, c’est déjà fait car F. Fillon a déjà été lynché par les tenants de la bonne conscience démocratique, ceux-là même qui organisent des concerts de casseroles pour l’empêcher de parler. Qui ne voit que le soi-disant tribunal de l’opinion publique n’est qu’une aimable fiction à l’image de benêts crédules et s’apparente en réalité à un théâtre d’ombres savamment régi par les médias et leurs donneurs d’ordre ?

La ficelle a beau être éculée, en Amérique comme ailleurs la gauche continue de s’ériger sans complexe en détentrice exclusive de la morale ou des valeurs démocratiques : la gauche libérale américaine, celle qui a soutenu les Clinton et n’a guère bronché lors des espiègleries extra-conjugales de Bill en compagnie d’une jeune stagiaire de la Maison Blanche ; la gauche socialiste française, celle qui a fait des écoutes téléphoniques et autres coups tordus une méthode de gouvernement, celle qui ne fraude jamais le fisc comme chacun sait et jure ses grands dieux qu’elle ne se permet aucune immixtion avec la justice. Justice, avons-nous dit ? Les impertinents des réseaux sociaux auraient tôt fait d’apporter un commentaire abrupt du genre de « Lol » ou de « Mdr ». Et ils auraient raison. Morts de rire, en effet.

mardi 28 mars 2017

L'ombre de Kipling (version actualisée)



Plus ça change et plus c'est la même chose ...

Si tu peux vanter les valeurs humanistes en négligeant de te les appliquer,
Si Hamon, Taubira ou Mélenchon tu adules sans barguigner,
Si le service public tu vénères même s’il est délabré,
Si dans le culte des fonctionnaires tu as été élevé,
Si Sarkozy et Fillon as appris, jour après jour, à exécrer,
Si tu peux lire Télérama et Le Monde sans en ressortir déprimé,
Si tu écoutes France Inter sans en être écoeuré,
Si de Mediapart ou du Canard tu es un affidé,
Si du Code du Travail tu es devenu addict sans même y songer,
Si de l’assistanat et de l’Etat Providence tu ne peux plus te passer,
Si Finkielkraut et Onfray tu abhorres sans les avoir feuilletés,
Si par Jack Lang, Pierre Berger ou Hidalgo tu restes fasciné,
Si par Najat et Marisol tu n’es pas découragé,
Si les bobos et les transgenres sont ta tasse de thé,
Si tu donnes des leçons de morale sans t'en sentir concerné,
Si tu jouis de voir les classes moyennes se faire plumer,
Si, malgré tous tes privilèges, tu ne répugnes pas à prôner l'égalité,
Si de Moi-Président tu t'émerveillais de la normalité,
Si de Ségolène à Valérie puis de Valérie à Julie tu es passé sans sourciller,
Si de Cahuzac, Cambadélis, Thévenoud et autres Désir, tu louais la probité,
Si du cabinet noir et des combines du Château tu nies la réalité,
Si du Syndicat de la magistrature tu continues de vanter la neutralité,
Si par le Mur des Cons tu restes amusé,
Si les migrants, fussent-ils clandestins ou en surnombre, tu ne cesses d’idolâtrer,
Si par Macron tu n'es pas encore tétanisé,
Si tu peux être, penser et faire tout cela, tu voteras à gauche, mon fils.

samedi 25 mars 2017

Dignité ?



Il est scandaleusement affligeant d’entendre Hollande parler de dignité, lui qui n’a eu de cesse qu’il n’abaisse la fonction présidentielle.
 
Ce qui restera à coup sûr du si calamiteux quinquennat de Hollande, c’est cette façon si particulière qu’il a d'émasculer les faits au point que leur signification s’en trouve souvent inversée. C’est aussi ce maniement des mots qui aboutit à les rendre creux et ambivalents : paroxysme ultime, sans doute, de ce relativisme idéologique qui s’est emparé des élites de notre pays depuis les années 1968.
 
Un exemple ? Le bilan que tire aujourd’hui Hollande de son quinquennat. Certes, on peut volontiers concevoir que, chez les politiques, l’autosatisfaction et le plaidoyer pro domo ne soient jamais très éloignés. Mais tout de même ! Affirmer froidement, à l’encontre de la vraisemblance la plus élémentaire, que sa fierté est de laisser la France plus forte et plus juste qu’il ne l’a trouvée en arrivant à l’Elysée est en soi un morceau d’anthologie.
 
Mais il y a mieux encore quand cet inénarrable « moi Président » se dit outré des propos de François Fillon, qui a eu l’audace de dénoncer un cabinet noir élyséen, en pointant un « manque de dignité » de l’intéressé. On peut toujours se dire, surtout en lisant l’ouvrage Bienvenue place Beauvau auquel s'est référé Fillon et qui est littéralement accablant pour Hollande quoiqu'en dise après coup un de ses auteurs (journaliste au Canard Enchaîné ...), que le candidat de la droite a frappé là où ça fait mal. Mais on peut également se dire qu’Hollande restera jusqu'au bout d’un cynisme impavide, appuyé il est vrai sur un monde médiatique qui lui demeure en grande partie acquis. A ce sujet, on ne peut résister à la tentation de filer à notre tour l’anaphore.
 
Dignité ? Le vocable peut prêter à sourire s’agissant de Hollande. Car on parle bien de cet homme qui, le jour funeste de son investiture en mai 2012, a refusé ostensiblement de raccompagner dignement son prédécesseur sur le perron de l’Elysée, le traitant comme un simple quidam et bafouant ainsi les usages républicains ainsi d’ailleurs que la courtoisie la plus élémentaire.
 
Dignité ? On parle bien de cet homme qui, après avoir critiqué le show off de Nicolas Sarkozy, n’a pas hésité à se donner publiquement en spectacle, lui et sa maîtresse qu’il a d’ailleurs cru bon de congédier sans le moindre égard, comme il en serait d’une gourgandine de bas étage. 
 
Dignité ? On parle bien de cet homme qui, aux dires de la maîtresse susdite et quelles que soient ses velléités revanchardes, qualifierait avec un mépris consommé les pauvres de « sans dents ». Du reste, comment ne pas y croire quand on mesure le dédain insondable de la gauche caviar pour ce peuple qui l’a portée au pinacle et qu’elle manipule à volonté. Une gauche dont la hantise du soi-disant « populisme » n’est au fond que le reflet de sa défiance profonde du peuple. Il est vrai que, vu du Café de Flore ou de la place des Vosges, le peuple ... Jusqu'à certains petits marquis qui en viendraient presque aujourd’hui à s’offusquer de ce que le suffrage électoral de leur concierge ait la même valeur que le leur.
 
Dignité ? On parle bien de cet homme qui s’en va en « lousdé », pour reprendre le sabir de ses grands amis rappeurs des banlieues - son électorat naturel - avec son casque et son petit scooter tromper minablement sa légitime sitôt qu’elle a le dos tourné.
 
Dignité ? On parle bien de cet homme qui, dans ses confidences aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme – qui les ont relatées dans leur best-seller « Un président ne devrait pas dire ça … » - qualifie la justice « d’institution de lâcheté... Parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux... » Au point que les plus hauts hiérarques de l’institution judiciaire –devenue à présent sacro-sainte aux yeux de Hollande parce qu’elle s’acharne contre la droite - s’en sont légitimement émus à commencer par la Cour de Cassation qui a estimé qu’il n’était « pas concevable que la charge de président (...) puisse être utilisée par son titulaire pour contribuer à diffuser parmi les Français une vision aussi dégradante de leur justice". Au point aussi que l’auteur pitoyable de cette énième « petite blague » à deux balles n’a pu faire autrement que s’en excuser.
 
Dignité ? On parle bien de cet homme, dont l’humour ne fait décidément rire que lui et les habituels flagorneurs de Cour, qui a dénigré ouvertement, en février de cette année, la Cour des Comptes à l’occasion du pot de départ de son ancien conseiller politique Vincent Feltesse nommé dans la vénérable institution de la rue Cambon (à ce propos, bonjour les recasages dans la soi-disant « République exemplaire ») : «Je connais bien cette institution… Je l'ai choisie après l'ENA pour pouvoir trouver le temps de faire, parallèlement, de la politique… D'ailleurs, les membres y sont deux par bureau, pour que chaque personne puisse vérifier que l'autre n'est pas en train de dormir
 
Là encore, Hollande a dû s’excuser piteusement de propos manquant aussi ouvertement de dignité, tout en n’étant peut-être pas au bout de son humiliation. En effet, ne pouvant s’empêcher de gloser sur l'emploi du temps prétendument allégé des grands corps de l'Etat, il en a même rajouté une couche, bien épaisse cela va de soi : «Si à la Cour des comptes, les membres y sont deux par bureau, pour se surveiller, au Conseil d'État, c'est pire. Il n'y a pas de bureau. Tous les conseillers sont au même endroit.» De quoi faire pousser les hauts cris – même dans l’ambiance feutrée qui leur est   propre – des Sages du Palais Royal. C’est au point que l’avocat Jean-Pierre Mignard, pourtant « hollandais » de stricte engeance, a dû reconnaître sur une radio publique (donc « amie » par définition) qu'il était nécessaire que François Hollande présente ses excuses aux magistrats.
 
Oui, en un sens, Hollande est idéalement placé pour parler de dignité lui qui en est tant dépourvu et aura travaillé avec un zèle particulier, en cinq trop longues années, à avilir la fonction présidentielle. La « dignité hollandaise » ? Rien qu'un lamentable et consternant oxymore.

vendredi 24 mars 2017

Clap de fin (II) : Fausses manœuvres et pusillanimité



François Fillon et la droite sont largement responsables des difficultés dans lesquelles ils se trouvent empêtrés et de leur probable désastre électoral à venir.

J’ai eu l’occasion, dans ma contribution précédente, de suggérer à quel point dans l’affaire Fillon l’attitude des juges, notamment leur célérité singulière, confine à un acharnement plus que suspect. A tout esprit non crédule ou sectaire viendrait tout naturellement à l’idée que cette affaire a été sans nul doute savamment étudiée et orchestrée en amont. Elle apparaît même trop parfaitement montée pour être le simple fruit du hasard. Son timing interpelle tout particulièrement : à quel benêt fera-t-on croire que c'est par le plus grand des hasards que le fameux "temps de la justice" a déclenché la mise en cause de Fillon au lendemain même de la primaire de droite qu'il avait remportée haut-la-main ? N'était-ce pas à l'évidence une face de placer la droite en porte-à-faux et de lui voler l'élection présidentielle ?

Mais il faut reconnaître aussi que la droite aura largement contribué à creuser le bourbier dans lequel elle se trouve aujourd'hui empêtrée. A commencer par le principal intéressé, François Fillon lui-même. Si ce dernier n’est plus audible aujourd’hui, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même. Certes, il s'attache désormais, en une manoeuvre un peu désespérée, à dénoncer l’Elysée et le cabinet noir qui a programmé sa perte. Et que F. Hollande, l’archétype du « faux-gentil », ose invoquer la dignité de l’action politique – lui avec son scooter comme avec ses révélations sur ce qu’un président ne devrait pas dire – prête au minimum sourire.

Le drame est que Fillon a sans doute raison en dénonçant la minutieuse machination dont il a été victime même s’il s’avérera quasiment impossible – sauf miracle ou énième rebondissement dont cette campagne présidentielle est cependant prodigue – de le démontrer à l’aide de preuves irréfutables. Mais n’est-on pas fondé à lui rétorquer que lui, Fillon, n’a pas répugné il y a quelques mois à tenter de frayer avec ce même cabinet noir, en l’occurrence Jean-Pierre Jouyet le Secrétaire Général de la Présidence, dans le but d’obtenir une accélération de la justice dans les affaires visant Nicolas Sarkozy ? C’est la fable classique de l’arroseur arrosé et il est bien connu qu’on n’éprouve guère de compassion particulière pour l’arrosé …

En outre, ce même Fillon n’a-t-il pas été jusqu’à se prévaloir du général de Gaulle pour mieux discréditer Sarkozy mis en examen … avant de reprendre sa parole et de décider de ne pas se retirer de la campagne présidentielle après sa propre inculpation par la justice ?


Il est clair que François Fillon s’est trop tiré de balles dans le pied pour demeurer aujourd’hui crédible. Le seul fait aujourd’hui que nombre de militants des Républicains déclarent voter pour le programme et non forcément pour l’homme est plus que révélateur.

Mais Fillon est loin d’être le seul à incriminer en ce domaine car les responsables de son parti ne ressortent pas indemnes de ce chaos annoncé. Il est tout de même sidérant qu’à de rares exceptions tel le député Georges Fenech, ils se soient abrités aussi peu glorieusement derrière le résultat de la primaire pour décider de ne rien faire. Eux aussi portent la responsabilité du crash prévisible du 23 avril prochain. N'existe-t-il donc pas dans ce parti au moins une personnalité de poids pour ne pas avoir fait comprendre à Fillon qu’il allait dans le mur et les siens avec lui ? N'y avait-il pas un seul leader doté de l’autorité nécessaire pour faire changer de fusil d’épaule à la droite quand il était encore temps ? Et au diable le juridisme tatillon et le soi-disant règlement de la primaire : quand le bateau coule, on ne brandit pas le règlement intérieur pour s'abstenir de bouger. Il est des circonstances où l'impéritie flirte dangereusement avec une certaine lâcheté.


Oui, François Hollande, dont la présidence a été tellement lamentable qu’il n’a même pas eu le courage de se représenter, a sans doute inspiré sinon fomenté ce complot afin de faire gagner paradoxalement celui-là même qui l'aura trahi, Emmanuel Macron : ce qui est une façon pour lui de préserver en partie son image et pour la gauche de revenir par la fenêtre – il n’est que d’observer l’engouement et le soulagement avec lesquels les 'Hollandais" se reportent sur Macron - après en avoir été chassée par la porte. Mais la droite, elle, n’a eu ni le vice ni même la simple habileté de parer au péril qui la menaçait d'emblée. Elle est ainsi vouée à perdre dans un mois en un "21 avril" inversé où elle n'aura plus qu'à faire le compte de son inanité. Le drame est qu'elle ne sera pas la seule à payer ses erreurs : le pays dans son ensemble en subira les conséquences.

dimanche 19 mars 2017

Clap de fin (I) : des faits troublants



L’élection présidentielle est d’ores et déjà jouée avec l’élimination probable de la droite dès le premier tour. A quoi est due cette si étrange défaite ?

Guy Mollet prétendait naguère que la droite française est la plus bête du monde. Ce jugement semble pleinement se vérifier avec cette élection présidentielle de 2017 déclarée imperdable pour la droite mais qu’elle s’apprête cependant à perdre.

Il y a plusieurs façons contradictoires de considérer ce fiasco si singulier,  chacune d’entre elles recouvrant d’ailleurs une part de vérité. Attardons-nous sur l’interprétation de la faillite de la candidature de François Fillon en raison du « complot » politico-judiciaire qui aurait été dirigé contre lui. Les bonnes âmes, l’inévitable Juppé en tête, ont été promptes à la réfuter, par réflexe ou par principe, c'est selon. Les théories complotistes, vous comprenez, cela fait le jeu   de … 

Et pourtant, la thèse mérite autre chose qu’un simple revers de main méprisant. On ne sache pas les politiques, de gauche comme de droite, au-dessus de tout soupçon à cet égard. Quant à la justice, il serait peut-être temps de s’affranchir de ces poncifs éculés du genre « laissons travailler la justice » ou « je fais confiance à la justice de mon pays ... »qu'on rabâche sous l'effet d'un psittacisme consternant.

Il suffit de collecter de simples données factuelles et de les mettre bout à bout, par jeu ou par vice comme on voudra. Le résultat est pour le moins édifiant : 

-        * 19 décembre 2013 : Jean-Louis Nadal, ancien conseiller au cabinet de Robert Badinter, ex-inspecteur général des services judiciaires sous Elisabeth Guigou, est nommé par François Hollande à la tête de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Il est à noter que ce même J-L Nadal avait requis l'ouverture d'une enquête à l'encontre de Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République. Accessoirement, il avait soutenu en 2012 le candidat François Hollande.

-         * 1er février 2014 : Création, à la suite de l’affaire Cahuzac (à l’occasion de laquelle la justice avait mis du temps à se mettre en branle, bien longtemps après les révélations de Mediapart) du Parquet national financier par Christiane Taubira. Peu auparavant, la Garde des Sceaux avait nommé Eliane Houlette procureur de ce PNF (14 janvier) et Ariane Amson substitut (31 janvier).

-         * 4 juillet 2014 : Jean Michel Hayat, membre du syndicat de la magistrature et conseiller au cabinet de Ségolène Royal de 1997 à 2000 (accessoirement, il est le mari d'Adeline Hazan, présidente du syndicat de la magistrature de 1986 à 1989, ex-eurodéputée et ancienne maire PS de Reims) est nommé président du TGI de Paris.

-          * 9 septembre 2014 : Jean Michel Hayat crée la 32e chambre correctionnelle dédiée aux affaires traitées par le PNF. Le 1er septembre 2015, Peimane Ghaleh-Marzban, qui est réputé très proche de François Hollande est nommé président de la 32ème chambre correctionnelle du TGI de Paris.

-             * 10 septembre 2015 :  Jean Louis Nadal est chargé de signaler les cas suspects à la 32ème chambre du TGI de Paris.

-        * 13 juin 2016 : Jean-Pierre Jouyet recrute comme conseillère pour la justice à l'Élysée Ariane Amson, laquelle quitte le PNF (accessoirement, elle est la compagne de Pierre Heilbronn qui, lui, est promu directeur adjoint de cabinet de Michel Sapin).

-        * Novembre 2016 : un dossier est constitué à l'Elysée sur la base des fiches de salaire et déclarations de revenus des époux Fillon. Ce dossier, transmis par Pierre Heilbronn, aurait été suivi par Boris Vallaud (accessoirement, il est le mari de Najat Vallaud Belkacem).

-         * 15 décembre 2016 : Thomas Cazenave, ancien directeur de Cabinet d’Emmanuel Macron est nommé Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée. Il remet le dossier des époux Fillon à Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire Général (accessoirement, ce dernier a des comptes à régler avec F. Fillon, en ce qui concerne une démarche qu’aurait effectuée ce dernier afin de discréditer Nicolas Sarkozy). François Hollande est tenu au courant : comment pourrait-il en être autrement ?

-         * Décembre 2016 : Le président François Hollande ordonne de transmettre le dossier à Gaspard Gantzer (accessoirement énarque de la « promotion Senghor », celle d’Emmanuel Macron), en lui recommandant d'en faire « bon usage ».

-         * 9 janvier 2016 : Gaspard Gantzer transmet simultanément le dossier à Michel Gaillard, directeur de la rédaction du Canard Enchaîné et à Eliane Houlette via Ariane Amson.

-         * 25 janvier 2017 : Le jour même où est publiée « l’enquête du Canard Enchainé » sur F. Fillon, une enquête préliminaire est ouverte par le Parquet national financier pour des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits.

-         * 5 février 2017 : Des copies des PV d'audition des époux Fillon sont récupérés auprès du PNF – au diable le secret de l’instruction ! - par Ariane Amson et transmis via G. Gantzer aux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

-         * 15 février 2017 : Jean-Louis Nadal transmet, de son côté, au PNF un signalement concernant un soupçon de déclaration incomplète de François Fillon à la HATVP.

-         * 24 février 2017 : Confronté au risque de prescription encouru par le vote de la loi du 16 février 2017, le PNF ouvre une information judiciaire.

-         * 25 février 2017 : Jean Michel Hayat, président du TGI désigne Serge Tournaire premier juge d’instruction dans le dossier des époux Fillon (accessoirement, S. Tournaire est le magistrat qui a mis en examen Nicolas Sarkozy, malgré l'avis contraire de son collègue Renaud Van Ruynbeck, dans l'affaire Bygmalion).

-         * 28 février 2017 : Le juge Tournaire signifie à Fillon une convocation pour le 15 mars 2017 en vue d'audition et, selon toute vraisemblance, d’une mise en examen.

-        * 14 mars 2017 : Avec 24 heures d'avance sur la date prévue, François Fillon est mis en examen pour détournement de fonds publics, recel et complicité d'abus de biens sociaux et manquement aux obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

-         * 16 mars 2017 : A la suite de révélations du Journal du Dimanche sur le règlement par un mécène d’un chèque de 13 000 euros en règlement au tailleur Arnys de costumes offerts à F. Fillon, le PNF élargit l’enquête des juges d’instruction à des soupçons de trafic d’influence.

On peut toujours mépriser avec hauteur les théories complotistes. Pourtant, l’opinion publique n’est pas forcément crédule. Lors de son débat avec N. Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle de 2012, F. Hollande avait décliné ses fameuses anaphores reprises en boucle par la suite. Une d’elle nous fait rétrospectivement bien sourire : “Moi, président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante.“

A qui va-t-on faire croire, en effet, que la juxtaposition de tous ces faits précités est purement fortuite ?  A qui va-t-on faire croire que la mise en place aussi minutieuse d’une telle organisation politico-judiciaire n’a rien à voir avec la mécanique implacable qui s’est déclenchée pour détruire Fillon (même s’il est probable qu’elle avait été mise en place dans le but de briser Nicolas Sarkozy qui était tenu par l'Elysée pour le probable candidat de la droite) ? A qui va-t-on faire croire, enfin, que le timing du déclenchement de cette affaire, juste après la primaire remportée par Fillon et alors que la candidature était déjà verrouillée à droite et au centre, est le fait du hasard ?

Que la gauche pour qui cette affaire est une « divine surprise » et que tous les gens irréductiblement hostiles au programme économique de Fillon avalent de telles balivernes sans barguigner ne change rien à l’affaire. La conclusion n’en est que plus limpide : soit la justice a été instrumentalisée une fois de plus, la gauche espérant occulter sa faillite politique par la voie judiciaire ; soit on assiste à une dérive inquiétante vers le gouvernement des juges, ceux-ci s’immisçant dans le débat démocratique avec un calendrier – ah ! le fameux « temps de la justice » - plus que suspect.  

Mais il est tout aussi vrai qu’un tel désastre de la droite aura été rendu possible par la pusillanimité, l’impéritie et l’absence de sens de la décision de ses responsables (à suivre …)