Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

lundi 24 avril 2017

Brève de campagne



Les mêmes censeurs qui vitupéraient, il y a dix ans, Nicolas Sarkozy pour sa soirée au Fouquet's s'esbaudissent aujourd'hui de plaisir en voyant Emmanuel Macron festoyer à la Rotonde.

Ce matin, en écoutant la radio au petit-déjeuner entre un demi-pamplemousse et un de ces  Nespresso qui me font oublier le goût du café - désolé pour l'autre George ... - mon sang n’a fait qu’un tour. Qu’est que j’ai entendu, incrédule ? Que les Macron s’en étaient allés hier soir fêter la victoire d’Emmanuel à la Rotonde, la célèbre brasserie de Montparnasse ?

Notez que je n’ai rien contre ce genre de célébration et surtout pas à la Rotonde. A Paris, j’habite en effet à vingt mètres de là, rue Vavin. Je puis attester que l’établissement est d’excellente qualité, atmosphère cossue, art déco et Modigliani garantis sur facture. En plus, on y mange assez bien (je vous recommande le bar au riz safrané) pour un rapport qualité-prix tout à fait correct.

Ma première conclusion en apprenant la « nouvelle » des agapes du couple Macron qui, faute de remettre la France « En Marche ! » semble avoir effaré plus d’un   faux-cul – et dieu sait qu’ils sont légion par les temps qui courent : un homme capable de fréquenter la Rotonde en pareille circonstance ne peut être foncièrement mauvais. La Rotonde, une des "quatre glorieuses" de ce quartier mythique au côté des non moins célèbres Coupole, Select et Dôme. En temps habituel, sur le coup de midi en terrasse, on peut y coudoyer des habitués comme l’écrivain Didier van Cauwelaert. On a aussi des chances d’y croiser Catherine Frot, plus rarement Vincent Lindon qui reste fidèle à la place Saint-Sulpice ou la toujours délicieuse, malgré les ans, Micheline Presle. Il y a un siècle, au moment de la déclaration de guerre d’août 1914, la Rotonde avait été violemment houspillée par un défilé nationaliste qui dénonçait avec acrimonie le cosmopolitisme des artistes « montparno » … tout un symbole pour M. Macron qui eut été à l’époque une cible de choix, lui qui professe qu’il n’existe ni culture ni art français.

Mais voilà, avec le mauvais esprit qui me caractérise, me vient aussitôt à l’esprit une seconde conclusion tout autre : ces mêmes gens de presse et artistes qui, il y a une décennie de cela, n’avaient pas de mots assez durs pour vitupérer Nicolas Sarkozy, le Fouquet’s et l’indécence de fréquenter de tels lieux alors que le bon peuple n’a ni pain ni même brioche, applaudissent aujourd’hui à grands cris sur l’équipée des Macron à la Rotonde. Quel bon goût, quelle initiative délicieuse !

Les deux établissements sont pourtant de standing et de prix comparables. Fréquentés par une clientèle en tous points analogue, ils sont également situés tous deux dans des quartiers qu’on ne saurait qualifier de défavorisés : le huitième pour le Fouquet’s, le sixième pour la Rotonde. Cependant le double standard ne saurait effrayer et encore moins dissuader nos censeurs. Mmes Ariane Chemin et Judith Perrignon se fendront-elle d’une Nuit à la Rotonde, histoire de prolonger leur succès littéraire de 2007 avec leur fameuse Nuit du Fouquet’s ? On peut en douter. Fêter une élection à la présidence est rien moins qu’indécent, surtout si c’est Sarkozy qui la fête. Fêter une simple qualification au second tour est tout à fait honorable, surtout s’il s’agit de Macron : telle est bien la morale qu’il faut en tirer. 

Oui « mais en même temps » - pour reprendre l’expression favorite d’E. Macron qui est une façon d’affirmer tout et son contraire sur le ton intello qui sied - le favori des sondages de 2017 ne se trouvait à la Rotonde, à l'en croire, que pour « récompenser » ses petites mains (secrétaires, chauffeurs, gardes du corps, etc). On aurait bien voulu croire à cet élan de générosité … jusqu’à ce qu’on découvre dans l’assistance triée sur le volet des gens comme Line Renaud, François Berléand ou Pierre Arditti. Patatras ! Comme « petites mains », on peut toujours s’interroger. Mais comme représentants de la gauche caviar, s’agissant des inoxydables Berléand et Arditti notamment, aucun doute possible. Il n’y manquait plus que Yannick Noah voire Jamel Debbouze avec Jack Lang en arrière-plan. Au fond, outre le fait que la gauche sait mieux festoyer que la droite, il n’y a que les benêts qui ne demandent qu’à être dupés. Gageons qu'ils n'ont pas fini de l'être.

Vu les costumes – désolé pour F. Fillon … - que certains mauvais esprits ont cru tout de même devoir tailler ce matin à Macron, il est fort à parier qu’au soir du 7 mai la célébration se fera plus sobre. Même si ce n’est pas l’envie qui manque à Emmanuel ou à Brigitte. Tant pis pour eux, leur quinquennat débutera par une frustration … sauf à se conformer à la recette de leur prédécesseur à l’Elysée pour passer inaperçu : enfourcher casqués le scooter présidentiel. En Marche ! vous dis-je.

vendredi 21 avril 2017

Plus d’un Français sur cinq …




Il est consternant de constater que, dans un pays aussi évolué que la France, un électeur sur cinq au bas mot vote encore pour le populisme révolutionnaire d’extrême-gauche.
 
Il y a trente-trois ans, autant dire la préhistoire, Valéry Giscard d’Estaing publiait son retentissant Deux Français sur trois dans lequel il expliquait doctement que la France avait besoin d’être gouvernée au centre : la preuve par neuf de son succès aux présidentielles de 1974 ; l'illustration modernisée tout autant – giscardisme oblige - du vieil adage de Paul Valéry suivant lequel le monde, pour ne vivre que par les extrêmes, « ne dure que par les moyens ».
 
Aujourd’hui, on n’en est plus là. Si le fameux théorème de VGE est désormais communément admis, une autre proportion inhérente au corps électoral ne laisse d’intriguer : plus d’un Français sur cinq, à se fier aux derniers sondages, accorderait ses suffrages à l’extrême-gauche. Et, à l'élection présidentielle, on ne compte pas moins de deux trotskystes, un candidat soutenu par le parti communiste et un autre, le vainqueur de la primaire à gauche, dont certaines idées flirtent ouvertement avec le jusqu'au-boutisme social.
 
Non, on ne rêve pas. Il y a dans ce beau pays, qui a bonne conscience en affectant de se faire peur avec la montée du populisme de l’extrême-droite lepéniste, plus de 20% de nos concitoyens qui font un autre choix de populisme extrémiste. Car c’est bien de cela dont il s’agit quand il est incarné par Nathalie Arthaud qui n’est que la version rajeunie, à défaut d’être plus sympathique, d’une Arlette Laguiller à ce point inoxydable que, pour peu, on aurait fini par la confondre avec la mère Denis. 
 
C’est bien également de cela dont il s’agit avec l’ineffable Poutou qui se croit révolutionnaire parce qu’il s’affiche à un débat télévisé en arborant un teeshirt blanc à la propreté douteuse. De toute évidence ignare, ce révolté en peau de lapin n’a-t-il donc pas lu au moins Lénine qui prescrivait à ses camarades d’être irréprochables quant à leur mise, lui-même donnant d’ailleurs l’exemple ? Pour autant, Poutou, dont le sens inné du grotesque le dispute à l’ignoble, ne fait plus rire du tout : apprenant en direct l’attentat terroriste sur les Champs Elysées et la mort d'un policier, il a jugé opportun de continuer à s’en prendre aux « violences policières » qui ne cessent « emmerder les jeunes des banlieues ». Et il se trouverait encore 1,5% d’électeurs prêts à voter pour un tel énergumène ?
 
C’est aussi de cela dont il s’agit avec un Mélenchon dont les talents d’orateur – tout comme dans le cas de Christiane Taubira, du reste – contribuent à brouiller la teneur de son discours politique. Et pourtant, Mélenchon n’a jamais renié son adulation de Fidel Castro, ce grand humaniste internationalement reconnu, ou d’Hugo Chavez, cet autre bienfaiteur de son peuple qu'il aura conduit à la ruine en dépit de ses richesses pétrolières. 
 
C’est bien de cela dont il s’agit à considérer les soutiens dudit Mélenchon. Clémentine Autain, par exemple, cette harpie extrémiste qui en veut à une partie de l’humanité au motif qu’elle aurait été violée lorsqu’elle était adolescente. Sans parler des communistes du PCF. Depuis près de trente ans, dans l’indifférence générale – c’est-à-dire politique, médiatique et académique, ces trois milieux ayant été systématiquement infiltrés par une gauche souvent radicale - ils se sont refait une virginité comme s’ils n’avaient jamais été les complices du totalitarisme soviétique et comme s’ils n’avaient pas durablement nié en leur temps l’existence du goulag. Une virginité qui aura même réussi le tour de force de passer sous silence leur longue inféodation au stalinisme tout comme le fait qu’ils n’auront commencé à lutter contre l’occupation nazie qu’à la mi-1941, au moment seulement de l’entrée en guerre de l’URSS. 
 
Les socialistes d'aujourd’hui se gardent bien de condamner leurs « camarades » communistes et font bloc dès que ceux-ci sont critiqués. Ils sont trop antimolletistes d'instinct pour se souvenir que Guy Mollet, l'ancien chef du parti socialiste au temps de la SFIO, soutenait fort justement naguère que "les communistes ne sont pas à gauche mais à l'Est". Savent-ils seulement qu’en 1942, lors de l’ignominieux procès de Riom organisé par le régime de Vichy, sept députés communistes écrivirent officiellement au maréchal Pétain afin de solliciter "l’honneur" de témoigner à charge contre Léon Blum et d’autres dirigeants politiques ? Rappelons le nom de ces tristes parlementaires qui font le déshonneur de la représentation populaire : Joanny Berlioz, Georges Lévy (!) Gaston Cornavin, Virgile Barel, Lucien Midol, Alfred Costes et François Billoux. Aura-t-on jamais entendu le PCF, après la guerre ou même plus tard, s’excuser pour cette infamie ? Pour la petite histoire, F. Billoux deviendra plus tard ministre tandis que V. Barel deviendra président de l’Assemblée nationale en tant que doyen d’âge …
 
Les bonnes âmes pourront bien nous rétorquer que c’est de l’histoire ancienne et que de l’eau a coulé sous les ponts. Toujours est-il que l’existence même d’un parti communiste reste une particularité consternante et en tout cas hélas bien française qui suscite la commisération sidérée du monde entier. Elle dénote à tout le moins l’archaïsme stupéfiant d’une partie de notre société française qui continue de nourrir ses rêves de Grand Soir, ne jure que par la lutte des classes et n’entrevoit la politique que par le prisme de l’utopie. Des gens prompts à combattre la paille du populisme de droite tout en négligeant la poutre d’un populisme de gauche animé par le ressentiment social et l’esprit de revanche. Un populisme laudateur des « quartiers », aveuglément pro-palestinien et ne cessant de sous-estimer, quand il ne le nie pas carrément, le danger terroriste. 

Au fond, pourquoi le populisme de l'extrême-gauche serait-il plus respectable que celui de droite ? Ses valeurs ? Celles qui consistent à applaudir à toutes les dictatures du prolétariat sous toutes les latitudes ? Celles qui proclamaient "pas de liberté pour les ennemis de la libertés" ? Celles qui font du guillotineur Robespierre, du massacreur Dzerjinsky (le fondateur de la redoutable Tchékha, police secrète soviétique) ou du boucher "Che" Guevara des modèles de vertus  sinon de romantisme révolutionnaire ? Il n'est que temps d'en finir avec ce double standard consistant à condamner les uns avec toute l'indignation convenue tout en fermant les yeux avec indulgence sur les turpitudes des autres.
 
Naguère, en 1971, dans un ouvrage publié à l’occasion du centenaire de la Commune de Paris (Tombeau pour la Commune), l’historien Max Gallo évoquait explicitement le scandale intellectuel qu’il y avait à mythifier au-delà de toute rationalité ces communards révoltés « partis à l’assaut du ciel ». Aujourd’hui le scandale est d’ordre sociétal : comment un pays moderne, apparemment évolué au point de persister à administrer des leçons au monde entier, peut-il continuer à sombrer dans un ridicule aussi stupidement dangereux en accordant du crédit à ces joueurs de flûte d’un genre nouveau ? Tout comme le flûtiste de la légende médiévale germanique de Hameln, les nôtres entraîneront très certainement les rats (devenus les électeurs) vers la rivière. Et, en plus, ils jouent de plus en plus faux et à contretemps …

vendredi 14 avril 2017

Badinages




Tandis que l'élection présidentielle approche et que l’élite parisienne n’en finit plus d’adouber des vainqueurs à son image, la France profonde a le mauvais goût de penser différemment.
 
Les conversations parisiennes sont parfois instructives. Certes, elles confinent souvent au papotage, alimentant ces rumeurs et faux-bruits qui font les délices du microcosme. Mais gare aux addictions ! « Jaser », comme disent nos amis québecquois, c’est un peu comme rester planté devant les chaînes infos. Au début on reste un peu pantois puis on se laisse prendre au jeu volens nolens, jusqu'à tenir pour vérité certaine un commentaire de « leader d’opinion » méthodiquement asséné.  
 
C’est grave docteur ? Non, pas vraiment pour peu qu’on parvienne à retrouver ses esprits et mettre de la distance avec les jugements péremptoires des uns ou les soi-disant scoops sensationnels - chuchotés sur le mode "surtout ne le répétez pas" - des autres. Ce n'est pas si simple. Ainsi, que n’aura-t-on ainsi entendu susurrer au fil des mois sur l’élection présidentielle !
 
Il y a un an d’ici, Hollande était quasiment sûr de gagner, fort de sa réputation de « malin ». Oui mais voilà, à un certain degré la malice demeure impuissante face aux réalités surtout si celles-ci se font cuisantes. A l’inverse, il y avait ceux qui tablaient mordicus sur un retour « évident » de Sarkozy : un retour irrésistible, supposé tout emporter sur son passage. On sait ce qu'il en advint. Puis arriva le temps des « pundits » comme disent nos voisins anglo-saxons - spécialistes et experts en tous genres - qui nous jurèrent que Macron, en pleine gestation de son mouvement « En Marche », roulait en fait pour Hollande. On en rit encore. En ces moments d'où le mépris n'était guère absent, on nous renvoyait aussi en pleine figure les sondages définitifs consacrant à l’unanimité Juppé vainqueur dans tous les cas de figure. On raconte que les partisans du maire de Bordeaux ont conservé de cette aventure quelques ulcères à l'estomac tenaces. Dernièrement encore, au sortir de la primaire à droite qui avait suscité – du moins le croyait-on -  la « surprise de l’année », Fillon était donné gagnant « les doigts dans le nez ». C’était il y a trois mois à peine. Une éternité.
 
Et aujourd’hui ? Les politologues incontournables de la vie parisienne, ceux-là même qui nous prédisaient avec la componction feutrée des happy few connaissant le dessous des cartes la victoire de tel ou tel, pronostiquent un match de second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le premier étant évidemment destiné à l’emporter sur la seconde au finish. Peut-être ont-ils raison, qui sait ? Et d’ailleurs, convenons équitablement qu’il serait malvenu de leur jeter la pierre puisque tout le monde, dans cette affaire, se sera fourvoyé à un moment ou à un autre. Est-on même au bout de nos étonnements à quelque huit jours du premier tour avec quatre candidats se tenant dans un mouchoir à la limite de la marge d’erreur des sondeurs ?
 
Au demeurant, ceux qui professaient doctement qu’Hollande était un « malin » ne se seront pas trompés non plus. Si le bilan du sortant est singulièrement désastreux au point de l'empêcher de se représenter – même sur la politique étrangère, que le dernier carré d'indulgents entend placer à son crédit mais qui n’aura pas réussi à sauver ou à crédibiliser le quinquennat – il sera tout de même parvenu à laisser derrière lui un champ de ruines après avoir torpillé à la fois la gauche et la droite. Une performance, convenons-en, pour le moins inédite et qui, en toute vraisemblance, ne sera pas de sitôt égalée.
 
La gauche ? Cela faisait certes des lustres qu’elle se trouvait dans un piteux état sur le plan idéologique, faute d’avoir su réaliser son aggiornamento et, plus précisément, ce que les socialistes allemands avaient accompli à Bad Godesberg …il y a presque soixante ans ! Entre réforme et révolution, entre réalité et utopie, entre le capitalisme et "une autre logique" (suivant l'ineffable expression de Jacques Attali) la gauche française n’a jamais été capable de choisir. Mais il ne fait guère de doute qu’Hollande - en successeur lointain, par le talent, de Mitterrand qui fut le grand maître de l'ambiguïté - lui a donné le coup de grâce par la vertu, à oser cette antiphrase, d’une politique louvoyante et chafouine.
 
La droite ? Elle traînait la réputation de « la plus bête du monde », pour reprendre le mot d’une cruauté méritée provenant de Guy Mollet. Et d’ailleurs, elle n’aura cessé de le confirmer au cours de ces dernières années : ici, en portant à sa tête, ce champion de la traîtrise tous azimuts qu'était Jacques Chirac – ses victimes les plus éloquentes, rappelons-le à toutes fins utiles aux amnésiques, ayant été Chaban-Delmas puis Giscard d’Estaing – avant qu'il ne devienne le « roi fainéant » dramatiquement inconsistant, ne jurant que par le "vivre ensemble" et les arts premiers ; là, en sabordant stupidement Nicolas Sarkozy en 2012, au nom du "tout sauf Sarkozy" et de prétendues "convenances" anti-bling-bling, moyennant quoi on hérita de "Moi Président" et de son coiffeur à 10 000 euros mensuels ; là encore, en se donnant tristement en spectacle, cette même année, à l’occasion de la lamentable querelle de chiffonniers entre Copé et Fillon pour la direction de l’UMP. On pensait alors, à droite, avoir touché le fond. On se trompait lourdement car il restait la cerise sur le gâteau à savoir le psychodrame de la lente et douloureuse descente aux enfers du candidat Fillon, celui-là même à qui était promise une victoire « certaine ».
 
Il faut bien admettre qu’au-delà des chicayas médiocres et autres turpitudes propres à la droite, Hollande aura largement contribué à lui asséner la chiquenaude finale. Bien sûr, objecteront les puristes si prompts à fustiger certaines indulgences qu’ils se consentent à eux-mêmes sans barguigner, si Fillon n’avait pas commis les erreurs qu’on sait – dussent-elles s'avérer légales – et surtout s’il ne s’était pas posé en parangon de vertu, il n’en serait pas là aujourd’hui. Mais, sans revenir sur le détail d’une machination au cours de laquelle l’Elysée, la magistrature et les médias ont marché objectivement main dans la main, on s’apercevra sans doute plus tard – trop tard – que ladite machination a été soigneusement orchestrée au plus haut niveau de l’Etat. Pour plagier en clin d'oeil l'immense Diderot, comment imaginer que cette horloge si bien huilée n'ait pas d'horloger ?
 
En attendant, si Christian Paul, un des leaders des frondeurs, entend conseiller charitablement à Hollande de faire son « examen de conscience », l’intéressé demeure impavide, multipliant ses petites blagues et commentaires plus ou moins explicitement pro domo à la presse, comme si de rien n’était. 
 
Le chaos actuel de la vie politique française ? Il ne s’en considère pas le moins du monde responsable. Pire encore, il a le culot de soutenir, en adoptant le point de vue de celui qui ne se sent pas du tout concerné, que cette « campagne sent mauvais ». Il est vrai qu’il est plus valorisant pour lui de continuer à jouer les commentateurs de l’actualité – ce qu’il persiste à faire, non sans lourdeur le plus souvent, depuis cinq ans – avec ses copains journalistes que de s’impliquer dans le malaise des prisons ou dans la crise en Guyane : certes, dans les deux cas, on conçoit qu'il serait obligé de mettre en cause l’« icône de la gauche » … une certaine Christiane Taubira à qui cette même gauche, rappelons-le, doit son succès mémorable du 21 avril 2002. 

Si cette campagne sent effectivement mauvais, Hollande reste égal à lui-même en affirmant vouloir faire confiance à « l’intelligence des Français ». L’intelligence ? Celle des électeurs de 2012, pardi ! Pour peu que Macron lui succède à l'Elysée, Hollande en arriverait presque à se faire des idées et à penser qu'il s'agit-là d'un hommage indirect rendu par les Français à son quinquennat. Ben voyons, comme dirait l'autre ! Décidément, en empruntant cette fois à Michel Audiard, "ça ose tout" ... 

dimanche 2 avril 2017

Les maîtres de vérité



Le peuple ayant voté, les élites américaines ne désarment pas et entreprennent de revenir par la fenêtre, celle de la justice de préférence, là où elles ont été chassées par la porte.

Cette fois, c’est sûr, les élites américaines – pas seulement dans le camp démocrate, d’ailleurs – sont disposées à nous jouer un remake du scandale du Watergate en se posant avantageusement en défenseurs aussi courageux qu’irréductibles de la vérité et des valeurs démocratiques.
 
Ma référence au Watergate n'est nullement le fait du hasard tant paraît insistante de la part des héritiers des Bob Woodward, Carl Bernstein et autres Ben Bradlee, la comparaison entre le président Trump et un de ses prédécesseurs, Richard Nixon. Qu’on juge sur pièces d'un semblable parallélisme.
 
Depuis le début des années 50 Nixon fut quotidiennement caricaturé par les cartoonists de la presse libérale sous des traits avilissants (le plus souvent, ceux d’un homme mal rasé et en haillons sortant des égouts). Il n’est que de constater que les caricatures de Donald Trump sont mutatis mutandis à peu près du même tonneau : "liberté de la presse" objectera-t-on, bien sûr, à ceci près cependant qu’on aurait du mal à trouver semblables caricatures sur Clinton (qui, pourtant, aurait pu être a priori un bon client …) ou sur Obama. Le New York Times comme le Washington Post, on le sait de longue date, a ses têtes et il est clair que celle de Trump, tout comme hier celle de Nixon, ne lui convient guère.
 
Aux caricatures s’ajoutent les slogans destinés à marteler le public. Hier, sous un portrait de Nixon, la légende délibérément malveillante : « Prendriez-vous cet homme en auto-stop ? » Aujourd’hui, sous la plume du chroniqueur Paul Krugman qui décrit Trump comme « un homme à qui vous ne feriez pas confiance pour garer votre voiture ou pour nourrir votre chat ».
 
Il y a aussi cette façon si particulière qu’a cette presse élitiste de disqualifier avec hauteur ses cibles en les traitant sans ambages de « menteurs ». Hier et même avant-hier, c’est-à-dire bien avant l’affaire du Watergate, tel avait été le sort réservé à Nixon. Durant la campagne électorale de 1960, l’un des slogans du camp Kennedy contre Nixon, repris en chœur par la grande presse, était : « cet homme ment », ce qui nous fait aujourd’hui plutôt sourire compte tenu des mensonges en pagaille dont JFK abreuva les électeurs américains dans l’indifférence complice des journalistes. Par la suite, Lyndon Johnson mentit aussi d'abondance mais sans émouvoir quiconque. Plus proche de nous, Clinton reconnut avoir menti, dans l'affaire du Monicagate, mais qui aurait mauvaise grâce à le lui reprocher ? Ce démocrate attirait tellement la sympathie ...
 
Enfin et comme si cela ne suffisait pas encore, mérite d'être soulignée cette propension des bien-pensants à psychiatriser leurs adversaires comme pour mieux les clouer au pilori. Non seulement ceux-ci sont des menteurs mais ils seraient aussi des cas psychiatriques. Il y a quelques années, délaissant leurs élucubrations habituelles, trois chercheurs – de l’université Columbia de New York, cela va de soi – ont commis non sans gourmandise une « psychobiographie » de Richard Nixon, le faisant carrément passer pour un fou. Aujourd’hui, c’est comme de juste un de leurs héritiers, Joel Whitebook – il est directeur du programme d’études psychanalytiques à cette même université de Columbia – qui se penche doctement sur le cas clinique représenté par Donald Trump et sur la façon dont le « trumpisme », envisagé en tant qu’expérience sociale, peut être perçu comme un phénomène quasi-psychotique …
 
Jour après jour, s’ajoute une nouvelle petite pierre qui tend à suggérer plus ou moins insidieusement que le président est un menteur ; qu’il n’est pas normal ; qu’il est dangereux ; qu’autour de lui, comme le souligne l’historien Douglas Brinkley repris d’enthousiasme par Nicholas Kristof, autre chroniqueur au New York Times, flotte « un air de trahison » ; que, sur la foi du directeur du FBI, James Comey – celui-là même qui influa in extremis sur l’élection présidentielle en achevant de torpiller la candidature de Mme Clinton – une enquête est en cours sur les accointances du camp Trump avec la Russie de Poutine : histoire de vérifier si, d'aventure, il n’y aurait pas eu mensonge, collusion voire parjure dans cette affaire.
 
Tout est bon pour faire « avancer » ladite enquête : divulgation de « faits » tenus pour avérés même s'ils n'ont pas été vérifiés, fuites opportunes en direction de la presse qui mène parallèlement ses investigations à charge (il est vrai qu'on ne peut guère trouver à s'en émouvoir dans la France de M. Hollande …) ou encore revendication par les Démocrates d’une commission d’enquête « neutre » et « bipartisane » (étant entendu qu’on choisirait de préférence des Républicains hostiles à Trump).
 
Nul n'est besoin d’être grand clerc pour imaginer qu’une telle commission n'aurait d'autre vocation que de mettre en accusation des gens du premier cercle de Trump voire le président lui-même. Y a-t-il meilleure façon de revenir sur une élection tout à fait légalement acquise ? Euh, tous comptes faits, oui il y a bien meilleure façon : les partisans de M. Hollande (qui sont souvent aussi, le hasard faisant bien les choses, ceux de M. Macron) l’ont inventée récemment et mise en pratique en ruinant implacablement la candidature de François Fillon. Comme quoi, les maîtres de vérité sous tous les cieux peuvent avoir des réflexes ou, à tout le moins, des tentations identiques.