Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 6 août 2017

De la musique ? Pas seulement




Au-delà des mots, la musique relève souvent de l'indicible et bien infortunés sont ceux, y compris parmi les êtres cultivés, qui ne savent pas en capter toute la richesse.

Une nuit d’insomnie, je suis tombé à la télé sur une rediffusion de La liste de Schindler, de Steven Spielberg. En fait, j’ai pris le film à la scène finale lorsque tous les Juifs sauvés par Oskar Schindler et leurs descendants, viennent se recueillir sur sa tombe. En arrière-plan musical, la chanson Yerushalayim shel zahav, Jérusalem d’or, qui tirerait des larmes à toute personne douée d’un minimum de sensibilité. Il va de soi que j’exclus du lot les idéologues de profession, les sectaires de tempérament ou encore les antijuifs déclarés ou hypocritement revêtus des oripeaux usés de l’antisionisme. 

Il faut savoir que cette chanson fut composée à la veille de la guerre des Six Jours, il y a une cinquantaine d’année. Elle évoquait la signification unique de Jérusalem, cette ville d’or, de cuivre et de lumière, pour les Juifs. Rappelons à tout hasard que cette ville avait été investie par les troupes jordaniennes au lendemain de la guerre de 1948 (une guerre qui avait été déclenchée par les pays arabes au lendemain de la création d’un Etat d’Israël pourtant légitimé par un vote solennel de l’ONU : le mot d’ordre des Arabes étant alors, textuellement, de « jeter les Juifs à la mer »). En conséquence de quoi elle avait été interdite à la prière des Juifs d'Israël : tout particulièrement, le lieu actuel le plus sacré du judaïsme qu’est le Mur des Lamentations, dernier vestige du temple de Salomon. Qui s’en était ému à l’époque ? Et qui viendrait à s’en émouvoir rétrospectivement ? Personne et surtout pas les médias français qui ne manquent pas une occasion de souligner que Jérusalem est la ville la plus sacrée pour les Musulmans : à ceci près que ceux-ci vénèrent aussi et surtout La Mecque et Médine et que le Coran ne cite pas une seule fois Jérusalem ; à ceci près aussi qu’il peut être espiègle de se demander pourquoi la tradition musulmane situe précisément sur le temple juif l’endroit où Mahomet se serait envolé sur son cheval ailé…

Depuis la guerre de 1967, en revanche, les Juifs disposent à nouveau du libre accès à leurs lieux de pèlerinages. Précisons à toutes fins utiles que les Juifs, pour leur part, n’interdisent nullement aux Musulmans d’accéder à leurs lieux de culte, à savoir notamment l’esplanade des Mosquées : à condition il est vrai qu’ils le fassent pacifiquement, ce qui est, on en conviendra, la moindre des choses. Mais cela n’empêchera pas les incultes ou les esprits partisans de psalmodier comme des perroquets sur la répression prétendument exercée par Israël.

Revenons plutôt à cette chanson superbe, pathétique, symbole même du talent musical des Juifs, qui est devenue « culte », comme on dirait aujourd’hui, en Israël où elle est tenue pour le second hymne national (officieux) de l’Etat hébreu, concurremment au non moins superbe Hatikva (l’espoir). Elle illustre, si besoin était, l’attachement si particulier des Juifs pour Jérusalem qui s’appelait Yerushalayim bien avant que les Romains ne tentent sans succès de la débaptiser pour Aelia Capitolina puis que les conquêtes arabes tentent d’en faire de même en la renommant Al Qods. Précisons là encore que lesdites conquêtes arabes ne s’étaient pas précisément effectuées sur un mode pacifique et tolérant. Et que l’islam avait ouvertement pour ambition de se substituer au judaïsme et au christianisme en les abolissant sinon en les délégitimant. Bien sûr, que les Juifs aient osé, des siècles plus tard, revenir sur ces spoliations, ces conquêtes et cet accaparement brutal – en achetant, quant à eux, pacifiquement les terres - paraît à certains esprits étriqués ou amnésiques le comble du scandale.

Il reste que Yerushalayim shel zahav me fait songer à une anecdote que je relate dans un de mes derniers ouvrages, consacré au cinéma italien. J’y racontais que le grand Federico Fellini se rappela longtemps de la période de l’immédiat après-guerre en Italie et de la brève présence militaire américaine. Après la période sombre du ventennio fasciste, ce retour à la liberté avait pris la forme de bienfaits matériels comme des cartouches de cigarettes américaines, Camel ou Lucky Strike. A en croire le jeune Federico, celles-ci étaient colorées et aussi douces dans leur emballage plastique que des bras de femmes. Et de commenter avec humour : « Si nous avions pu les palper avant la guerre, n’importe qui aurait compris que nous ne serions jamais les vainqueurs … »

Eh bien, pour moi, Yerushalayim shel zahav est à sa manière, par son intelligence, son esthétique et sa profondeur émotionnelle, la preuve qu’Israël ne capitulera jamais. A la fois au nom de son histoire et surtout face à des lanceurs de pierre ou poignardeurs soi-disant désespérés. Quitte à se faire éternellement traiter de « dominateur » et quelle que soit la violence de l’adversité, des jalousies, des malveillances ou de la mauvaise foi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire