Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

samedi 2 septembre 2017

Sex symbols, avez-vous dit ?



Quoique libéré, le cinéma actuel est ainsi fait que la notion de sex symbol y a quasiment disparu. Il nous reste le passé. Et la nostalgie.

A l’occasion de l’ouverture de la Mostra de Venise, j’ai été récemment convié par RTL à évoquer les sex symbols du cinéma italien. Vaste sujet, on en conviendra, mais qui renvoie essentiellement au passé. Ayant publié l’année dernière une histoire sous forme de chronique du cinéma italien de l’âge d’or, de 1945 à 1975 (Le cinéma italien – Appassionato, Ed. du Rocher), il se trouve que je ne suis pas trop dépourvu d’idées sur la question.

Des idées originales ? Restons modeste. En fait, chacun d’entre nous ou presque a sa propre idée selon qu’il est fasciné par Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale ou encore Silvana Mangano ; ou selon qu’elle craque (désolé pour mon parti pris impudemment hétéro mais le transgenre m’est irréductiblement étranger) pour Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Franco Interlenghi ou Massimo Girotti.

Une chose est en tout cas avérée : les canons de la sexualité ont été bouleversés depuis l’après-guerre. Si notre époque actuelle à travers les top models, ces nouveaux objets sexuels, fait volontiers de l’androgynie la référence esthétique, tel n’était assurément pas le cas il y a un demi-siècle. En ce temps-là, un brin antédiluvien je le confesse, l’asthénie ne menaçait pas les milieux de la mode (le fashion, comme on dit à présent). Et les hommes prisaient plutôt les femmes aux formes généreuses ou avantageuses. Poitrines épanouies et fesses bien en chair exsudaient une sensualité dont on n’a même plus le souvenir aujourd’hui.

Pourtant, il suffirait de revoir la très plantureuse Marisa Allasio dans le si rafraîchissant Poveri ma Belli (Pauvres mais beaux) de Dino Risi, film qui date de 1956. Les cinéphiles se rappellent avec émotion sa robe rouge incarnat, son regard coquin ainsi que les ruses savoureusement puériles échafaudées par les deux sympathiques frères ennemis, Maurizio Arena et Renato Salvatori, afin de se concilier les faveurs exclusives de la belle. Mais ce furent bien Sophia Loren et, à un degré moindre – pour cause de longévité inférieure à l’écran – Gina Lollobrigida qui méritèrent sans conteste la palme de la popularité en ce domaine.

Ah, Sophia et ses formes voluptueuses qui mirent en transe jusqu’à des producteurs hollywoodiens pourtant blasés : ce qui inspira à Risi la formule méprisante suivant laquelle les Américains étaient irrévocablement « un peuple de camionneurs » … Ah, Gina et ses tenues délicieusement dépenaillées de Bersagliera sauvageonne dans Pane, amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie), au point d’affoler Vittorio de Sica alias le débonnaire maréchal (des logis) Carotenuto.

Un peu plus tard s’imposa, sur un registre moins pétulant mais un peu plus trouble et du reste tout autant sensuel, Claudia Cardinale, égérie de Visconti et inoubliable interprète de La ragazza con la valigia (La Fille à la valise), de V. Zurlini, ou de La viaccia (La mauvaise vie), de M. Bolognini. Est-il fortuit que le célèbre romancier Alberto Moravia ait proposé, un jour de 1961, à « la Cardinale » (comme l’appelait le grand Luchino) une interview sous forme de plongée philosophique dans le rêve et le temps ? Vint aussi, sur un registre plus dans l’air du temps et plus hard dans Malicia ou dans Sessomatto (Le sexe fou) l’inoubliable Laura Antonelli. Celle-ci formerait dans la vie, plusieurs années durant, un couple de rêve avec Jean-Paul Belmondo.

Objets sexuels ? Sans doute mais pas uniquement car ces stars savaient aussi fort bien jouer la comédie et, pour certaines d’entre elles, seraient même consacrées à ce titre. Sophia Loren fut récompensée du seul Oscar de sa carrière pour le rôle dramatique qu’elle interpréta avec maestria dans La Ciociara, de V. de Sica. Silvana Mangano dont les jambes interminables et la poitrine moulée dans un pull un peu trop étroit hantent encore certaines mémoires, on ne sait plus aujourd’hui s’il faut s’attarder sur la sensualité torride qu’elle dégageait dans Riz amer de De Santis et, plus tard, dans Théorème de Pasolini ou dans son rôle de grande aristocrate dans Mort à Venise de Visconti. En raison même de leur grand talent artistique, ces stars exceptionnelles vécurent plutôt bien leur vedettariat - à la différence notable de la sublissime Lucia Bosè qui reste l’immense regret de ces années - et n’auront pas été broyées par un système de production qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec celui des studios californiens. De fait, aucune de ces étoiles filantes ne connaîtra le destin tragique d’une Marilyn Monroe.

Une autre vérité transparaît de la carrière de ces sex symbols : ceux-ci ne se construisirent pas patiemment, avec méthode et persévérance, mais émergèrent brusquement, presque brutalement, tel un coup de poing. Ainsi, aucun producteur italien ne se sera longtemps perdu en conjectures superflues s’agissant du potentiel cinématographique d’une Monica Vitti, d’une Virna Lisi ou d’une Ornella Muti. De même, chez les hommes, le sex appeal d’un Massimo Girotti dans Ossessione (Les Amants maudits), le chef-d’œuvre de Visconti qui donna le coup d’envoi du néo-réalisme italien, fut perçu d’emblée pour ce qu’il était : dévastateur au point de reléguer au rayon des antiquités les traditionnels gentils et bellâtres de l’écran.

Il existe certes une sorte de contre-exemple en la personne de Marcello Mastroianni. Ce dernier avait déjà une bonne dizaine d’années d’expérience sur les planches et sur les plateaux – dans des rôles relativement secondaires de comparse – lorsque Fellini eut l’idée géniale, malgré l’hostilité affichée des producteurs, de lui confier le rôle principal du journaliste dans La Dolce Vita. Et ce fut l’explosion subite, inouïe, irrésistible du latin lover : pilonnée par les articles de presse et les paparazzi, cette image réductrice serait proprement exécrée par Mastroianni toute sa carrière durant. Eblouissant dans le rôle du « double » de Fellini dans Huit et demi, multipliant par ailleurs les apparitions à contre-emploi – des impuissants dans Bel Antonio, aux paumés minables dans Drame de la jalousie – il n’aura pu cependant éviter qu’on le classe dans la catégorie des grands sex symbols de notre temps. 

Acteur exceptionnel à la beauté quasi parfaite, Marcello restera pour l’éternité le grand séducteur auquel aucun rien ne résiste. Après tout, est-ce un hasard s’il eut pour compagne une certaine Catherine Deneuve ? Est-ce aussi un hasard si, le jour de sa mort, les eaux de la fontaine de Trevi furent interrompues en signe de deuil ?

De l’aristocratie en football




En football comme en d'autres domaines, s'attaquer aux puissants suppose une prise de risque et laisse le champ libre à l'impudence verbale des sots.
 
La bêtise, reconnaissons-le, c’est bel et bien Michel Platini qui l’avait commise au temps où il était président de l’UEFA (Union européenne de football). Ambitionnant alors de laver plus blanc que blanc (on sait ce qu’il est advenu du personnage entretemps), il n’avait pas hésité à révolutionner le système en place en instaurant le « fair play financier ». L'exemple même de la fausse bonne idée.
 
En apparence, que du bonheur comme dirait l'autre avec, en prime, une certaine obsession égalitariste que d’autres expriment avec tout autant de sectarisme utopique en d’autres domaines. L’idée étant ici qu’il faut que les chances des clubs de football soient égales du point de vue budgétaire et que mes recettes soient en équilibre vis-à-vis des dépenses. Avis donc à ceux qui veulent jouer aux riches avec trop d’ostentation. Fort bien, répétons-le.
 
Toutefois, l’ennui est que les clubs déjà les plus riches qui ne se gênaient pas dans le passé pour recruter à prix d’or quitte à s'endetter parfois très lourdement -de plusieurs centaines de millions d’euros pour certains d’entre eux), comme le Real Madrid, Manchester United ou le Barça (F.C Barcelone), ne sont pas concernés, pour leur part, par ces nouvelles dispositions. Quoique exorbitant, leur endettement n'en remonte pas moins à plusieurs années déjà et le fameux « fair play financier », n'étant évidemment pas rétroactif, ne s'applique pas à eux. 
 
En sorte que la bagarre à laquelle nous assistons actuellement entre les gros clubs européens déjà installés et au palmarès bien garni, d'une part, et le Paris Saint-Germain, d'autre part, s’inscrit dans une logique dont il ne faut pas être dupe : celle par laquelle les vieux aristocrates nantis s’opposent par tous les moyens à l’arrivée dans le cénacle des privilégiés d’un manant importun à savoir le qatari, version actualisée du bourgeois parvenu.
 
Cornaquée par ces grands clubs, ceux-là même dont l’endettement pharamineux devrait inciter à plus de décence, l’UEFA obtempère servilement aux injonctions et vient de décider une enquête approfondie sur les transferts opérés par le PSG durant l’été. Parmi les plus agressifs envers le club parisien figure le Barça, bien sûr, déconfit d'avoir vu une de ses pépites, Neymar Jr, lui échapper (après avoir cru qu’il serait préservé par la clause draconienne de 220 millions d’euros qu’il avait unilatéralement fixée pour se prémunir d'une telle déconvenue) alors que c'est ce même Barça qui avait pris l'habitude de dépouiller chaque année les autres clubs de leurs stars. L'arroseur arrosé, donc. Surtout, les Catalans ne digèrent pas d'avoir piteusement échoué, pour ce qui les concerne, à débaucher du PSG des joueurs vedettes comme Angel Di Maria et surtout Marco Verrati. Le Real Madrid, quant à lui, n'admet toujours pas (malgré l'aura de Zidane) de s'être laissé souffler Kylian Mbappé, la star montante du football français, par Paris.
 
Il faut toujours redouter la revanche des puissants et, notamment, ne jamais mésestimer le poids des rancunes et de la mesquinerie. Car enfin, le PSG ne fait somme toute que reproduire ce que font, depuis des lustres, les grands clubs installés. Qui avait crié au scandale lors des transferts mirifiques pour l’époque de Zidane, de la Juventus Turin au Real Madrid (en 2001 pour 73,5 millions d'euros), de Cristiano Ronaldo, de Manchester au Real (en 2009 pour 94 millions d'euros), ou encore de Paul Pogba, de la Juventus à Manchester (en 2016 pour 105 millions d'euros) ? Qui avait osé s’interroger sur les conditions budgétaires dans lesquelles le Real Madrid, il y a près d’une vingtaine d’années, avait constitué sa fameuse « dream team » ? D'où venait l'argent ? Il est vrai que "c'était avant" ...
 
Non, on préfère avec une mauvaise foi évidente s’effaroucher aujourd'hui des capacités financières du PSG. S’agissant des grands clubs dont la suprématie se trouve à terme menacée pour peu que d'autres clubs ambitionnent de jouer dans la cour des grands, on peut à la rigueur le comprendre. Ce qu’on comprend moins, en revanche, ce sont les idiots utiles qui, en France, viennent à la rescousse de ces puissants. Ainsi de l’inénarrable président de Lyon, Jean-Michel Aulas, qui ne perd décidément aucune occasion de se taire. Au fond, Aulas n’a toujours pas admis que son club ait cessé de dominer le football français, et que lui-même ne puisse plus continuer à jouer les donneurs de leçons comme il le faisait dans les années 2000. Dans le passé, il avait déjà intenté un mauvais procès à Monaco au prétexte que ce club n’était pas français « pur sucre » et ne pouvait donc pas prétendre disputer le championnat de France. Le Conseil d'Etat lui avait donné tort in fine. Voici à présent que M. Aulas récidive, avec l’aide cette fois du journal L’Equipe qui fait mine de déplorer les transferts du PSG, comme s'il ne connaissait pas d'expérience le dessous des cartes. Aujourd'hui même, le quotidien sportif n'a pas résisté à la tentation de titrer avec gourmandise à la "une" : « Paris joue gros ». Comme si, en subliminal, il appelait de ses vœux une mise au ban des Parisiens.
 
Si jamais telle catastrophe devait advenir – ce qui n’est pas à exclure malgré les règles de droit – nul doute que la stupidité inconsciente de quelques-uns rejaillirait négativement sur le foot français dans son ensemble. D’ailleurs, L’Equipe n'en est pas à son coup d'essai. Qui ne se souvient de sa campagne outrageuse et de ses charges insultantes, durant les premiers mois de 1998, contre le sélectionneur de l'équipe de France, un certain … Aimé Jacquet ?